6 octobre 2012

Génération cul-sec.

Crédit image: Google

J’ignore comment cela se passe dans d’autres pays hein, mais chez moi au Togo, la jeunesse, est loin d’être la relève de demain. Parce que pour parler de relève, il faut avoir des économistes chevronnés, des chirurgiens qualifiés, des juristes bien éduqués, des journalistes bien aguerris, des enseignants-chercheurs déterminés, des militaires républicains, bref, tout les corps de métiers valablement représentés. C’est déjà un principe acquis que le gouvernement togolais n’a cure des problèmes d’éducation nationale, et la formation des jeunes est le cadet de ses soucis. Cependant, posons-nous la question suivante : « Jeunesse togolaise, qu’as-tu fais pour toi-même ? »

Je ne dis pas que le jeune togolais est paresseux hein, loin de là. L’étudiant togolais est le plus battant, en Afrique de l’ouest. Seulement, les jeunes togolais boivent de plus en plus des boissons alcoolisées. C’est effrayant, effarant, et désemparant. Les bibliothèques se vident chaque jour un peu plus, au profit des bistrots ; les centres culturels sont aux abois, alors que la filière Bar-buvette connait ses heures de gloire. Les jeunes togolais ne rivalisent plus en dictée-question, rédaction ou orthographe, ou culture générale. Leur jeu favori est le « cul-sec ».

Hampathé Bâ, Kourouma, Dongala, Dogbé, Verlaine, Ronsard, Senghor, et même Aphtal Cissé… tous ces noms si grands ne leur disent plus rien. Pourtant, ils vous feront un cours complet sur  la Vodka, Jacks, Castel, Pils, Guinness, Lager, Zlatopramen, Tchoukoutou… C’est devenu une habitude. Non, une culture. Le togolais préfère t’offrir une bière que de te faire un prêt de 1.000 FCFA. Il a du mal à rassembler 6.00 FCFA pour photocopier un cours, effectuer un déplacement, venir en aide à un proche, mais il a toujours 550 FCFA pour une bouteille bien tapée.

Ce qui est encore plus grave, c’est que le gouvernement, ou en tout cas l’état togolais  se prête au jeu. Voulant maintenir la majorité des togolais, (des étudiants et jeunes en particulier) dans un coma intellectuel, annihiler sa capacité de réflexion, son sens du pragmatisme, son esprit critique, et son aspiration à la liberté et au mieux-être, il ne manque pas d’initiative. Toutes les occasions sont bonnes pour permettre aux « abrutis de demain » de se gorger de levure de bière. Concerts géants, Foire artisanale, Foire « Adjafi » des jeunes entrepreneurs, Foire des vacances, Foire de la quinzaine commerciale, Foire Internationale de Lomé, Fête de la bière, fête traditionnelle Evala…. Les évènements se succèdent et se ressemblent, avec pour facteurs communs la bière et son corolaire, le sexe. Toutes les respectables sociétés qui sponsorisent tous ces évènements éthyliques s’inscriront aux abonnés absents, s’il s’agit d’un évènement littéraire, artistique, plus culturels. Ainsi va mon pays. Tellement de foires ont vu le jour, togolais est devenu enfoiré.

Ils nous font tellement bien boire, que l’une des rares sociétés togolaises à avoir reçu la prestigieuse certification ISO 9001-2008, est la Brasserie, BB – SA. Vous voyez ? Même notre bière là, c’est bière certifiée ISO 9001. C’est un rare privilège donc jouissent les togolais hein. Mieux encore, saviez-vous que la meilleure Guinness du globe au Togo ? Ah, je vous informe. Il y a chaque année un concours mondial en fabrication de Guinness et la dernière fois, c’est la brasserie Togolaise qui a remporté ce concours. Nous ne buvons plus n’importe quoi hein. Qualité supérieure seulement. Même là où Arthur Guinness a fabriqué pour la première fois sa boisson là, nous on maitrise plus qu’eux.

Nous délaissons les vers, pour les verres, nous troquons les bouquins contre les bouteilles, nous négligeons les pensées et citations contre les adresses des bistrots où la bière est la plus fraîche. La facilité d’ouverture d’un débit de boisson n’a d’égal que la difficulté à créer une SARL, ou une SNC, ou une SA. Quel que soit le niveau de la crise, les togolais trouvent toujours le moyen de s’offrir une bouteille, certifiée ISO 9001, s’il vous plaît.

Au même moment, les salaires sont demeurés bas, les impôts ont été augmentés, les taxes également, mais bon, on  fait semblant de ne rien voir. L’éducation nationale est un véritable désordre, l’enseignement supérieur est un chaos sans pareil, et pourtant « la relève de demain » ne dit rien. On emprisonne un ex-ministre, en viole le domicile d’un ancien premier-ministre, ancien président de l’assemblée nationale, la jeunesse ne fait rien. On attaque à l’artillerie lourde, la résidence d’un parlementaire en fonction, dans une supposée affaire d’atteinte à la sûreté de l’état, les togolais ne se sont point posé de questions. Un organisme d’état, qui ne fait qu’encaisser de l’argent sans le débourser, tombe en faillite, les togolais sont demeurés indifférents. Un ministre en fonction, s’évanouit dans une chambre d’hôtel en train de vivre des sensations fortes avec une plus jeune que lui, il ne fut point inquiété. Un émirati arrive et crie à l’escroquerie, le togolais a encore croisé les bras. Tcho ! Moi je vais avoir bière certifiée ISO 9001, en plus de la meilleure Guinness au monde, et puis je vais me faire du souci ?

A ce rythme, on toilettera la Constitution, sans la moindre réaction du peuple ; on fera des élections législatives dans des conditions fort douteuses, togolais ne dira rien ; on votera des lois suicidaires, togolais va accepter. On vendra même la patrie aux étrangers, togolais fera silencieusement ses bagages pour aller s’installer ailleurs.

Je n’invente rien, et je ne suis point fataliste. Je suis juste réaliste, et dubitatif quant à l’avenir de cette nation, si les jeunes qui sont censés en être les futurs maitres sont incapable de mener une réflexion logique, incapables de remettre en question certaines réalités, incapables de dire non à certains agissement, incapables de demander une certification ISO 9001 pour l’enseignement supérieure, incapables de réclamer ses droits et de s’affirmer en tant que peuple, en tant que majorité opprimée, en tant que seuls détenteurs de la souveraineté nationale, en tant que futurs décideurs.

Pour le moment, je ne sonne pas le glas de ma patrie, mais ma réflexion s’arrête ici pour le moment, et tout ce monologue m’a donné soif. Je m’en vais m’offrir une petite bouteille d’Awooyo dans la cafète en face. A la mienne !

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Commentaires

masse
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Morte de rire. Ton style là m'a tué quoi. Ironie et puis vérité en même temps. Vous buvez trop, vous là. En tout cas, à la tienne. Bisous

Aphtal CISSE
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Masse, tu sais bien que moi, c'est 0% alcool non? Ravi de ton passage ici !