Aphtal: Plus un geste…

Article : Aphtal: Plus un geste…
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3 janvier 2013

Aphtal: Plus un geste…

Beware thieves in socks par Evin DC, via Flickr CC
Beware thieves in socks par Evin DC, via Flickr CC

J’aurais bien aimé débuter cette nouvelle année avec un billet beaucoup plus gai mais… Qui sait ? Certains en riront, d’autres y verrons un mauvais présage, d’autres encore relativiserons ! C’est aussi cela le charme de la langue française.

31 décembre 2012 ! Tout être humain, vivant, se sent dans l’antichambre de la nouvelle année, excité et agité. Chacun occupe cet instant si délicat à sa façon : à l’église, à la maison, dans un cabaret, dans un bistrot, dans une boite de nuit… Moi en tout cas, j’avais décidé d’être à l’église, au sein de la communauté chrétienne, afin de dire merci au Créateur de m’avoir préservé des Mayas.

A la fin de la messe, donc le 1er janvier 2013, il fallait faire un programme avec les amis, se taper quelques bouteilles, avaler quelques côtes de porcs ou de « mouton-garçon », avant de rentrer chacun chez soi, bien gavé. Très rapidement, j’ai réussi à rassembler six camarades, qui se font rejoindre par leur conjointes. La soirée allait être longue.

Nous déambulâmes dans cinq différents débits de boissons, pour finir la soirée dans une cave à vin, tout près de la demeure de l’un de mes amis. Visiblement épuisés, exténués, nous décidons de nous séparer, alors qu’il n’était que trois heures du matin. A cette heure, impossible de trouver un taxi, ni même un taxi-moto. Ceux qui avaient leur moyen de déplacement partirent avec leur compagne ou leurs conquêtes. Nous autres piétons, étions condamnés à trouver un taxi-moto, en cette heure si… Après une demi-heure de vaines recherches, Marc, l’ami qui habitait tout près, nous propose de passer la nuit chez lui. Le jour ne tardera point à se lever, et il sera plus aisé de trouver un Zémidjan. Bah, pourquoi pas ? De toute façon, personne ne m’attendait à la maison, et comme je n’avais pas mon trousseau de clé, je risque de passer la nuit sous le portail d’entrée, à la belle étoile.

Ok pour passer la nuit chez Marc.

Nous étions quatre à être restés chez Marc. Nous avons passé le reste de la soirée à jouer au Pro Evolution Soccer sur sa Playstation, avant de nous abandonner totalement à Morphée. Habitué à me réveiller pour mon jogging matinal, je n’avais pas pensé à couper l’alarme de mon téléphone qui ne me permit pas de dormir longtemps. Je demeure alors dans cet état de torpeur, jusqu’à six heures, où je décide de m’en aller. Ne voulant point réveiller le reste de la bande, je fais juste signe à Marc, qui me raccompagne à la devanture, puis m’aide à trouver un taxi-moto. On se fait les salamalecs, puis la moto démarre.

Je n’ai pas fait quelques mètres que mon téléphone sonne. Marc me demande de revenir immédiatement. Le ton à la fois pressant et suppliant me fait croire à une urgence. J’intime alors l’ordre au conducteur de Taxi-moto de rebrousser chemin. Pour prévenir un quelconque besoin de déplacement, je demande au Zémidjan de m’attendre. Il ne se fait pas prier, sachant que je payerai pour chaque minute qui passe.

Je rentre dans la maison, et tous mes camarades étaient sur la terrasse, la mine grave. Je scrute chaque visage : tout le monde était là, donc nul n’est mort ! Mais alors pourquoi m’avoir fait revenir ?

« Aph, Marc dit qu’il a perdu son argent », me lance Edouard. « Sans blagues ? Combien ? Il l’a laissé tomber où ? Ça s’est passé hier ou ce matin ? », rétorquai-je, croyant que mon ami Marc avait égaré son porte-monnaie et voulait une aide financière de notre part.

« J’ai perdu 35.000 FCFA, Cissé ! Je l’avais déposé sous la télé au salon. Je ne retrouve pas ça. Les amis disent qu’ils ne l’ont pas non plus, alors si tu en sais quelque chose, il vaut mieux qu’on le règle ici entre nous ».

J’avais très mal au crâne, comme c’est souvent le cas lorsque je dors peu, ou mal. Cette allocution de Marc faillit me plonger en syncope. Mais bon, comme tout bon CAYAMAGA, je garde mon calme pour lui répondre que je n’en savais rien.

« Oh comment ? Tu étais le dernier à dormir hier, Cissé. En plus ce matin, on t’a entendu sortir plusieurs fois. Et puis, tu es le seul à tenir un sac parmi nous. Faut pas le prendre mal, mais faut que je te fouille, le sac aussi ».

Souba ha nanlaye ! C’était le comble. Moi Aphtal, on me toise tel un voyou, un repris de la loi, un voleur. Moi Aphtal ? Attendez chers lecteurs, n’allez point croire que je sois pédant, ou un truc du genre, mais cela dépassait tout simplement mon entendement. Marc me soupçonnait, moi, d’avoir frauduleusement subtilisé ses 35.000 F CFA. Marc que je prenais pour un camarade, non un ami, mieux un frère, et pas n’importe lequel, un frère-de-case ! Marc à qui je me confiais parfois, qui passait siester dans ma chambre même en mon absence, Marc avec qui on se tapait des soirées d’enfer, Marc avec qui je venais d’échanger en premier les vœux de la nouvelle année, Marc, le même Marc me demande à moi, de vider mes poches devant lui, et de lui laisser fouiller mon sac

J’étais debout, à côté des autres amis, ou plutôt, à côté du Conseil des Sages qui allait constater mon forfait et me condamner à la disgrâce amicale. Je finis par réaliser que Marc était sérieux, et qu’aucun autre membre de la bande ne voulait prendre ma défense. Soit. Je prends la parole, sans chercher à me défendre, ni demander à Marc et aux autres de chercher encore une fois l’argent porté disparu.

« J’ai pris le sac pour y mettre ce que j’ai prévu acheter à la foire après la messe, et un pull-over, au cas où. Ce matin, en effet, je suis sorti plusieurs fois, pour inhaler mon Ventoline ; l’alcool et l’air confiné de l’intérieur ne font pas bon ménage avec l’asthme. Cet argent, je n’en sais rien, mais si tu veux fouiller mon sac, allons au Commissariat. On y fouillera le sac, et je me mettrai nu si on me le demande. Comme ça  si on retrouve l’argent sur moi, on me boucle en même temps. »

On tenta de m’en dissuader mais j’étais ferme. Pas question de subir cela de la part de quelques camarades, dont au moins la moitié me devait de l’argent. (Ce n’est pas grand-chose, certes, mais l’essentiel est qu’ils soient débiteurs envers moi).

Une dizaine de minutes plus tard, nous étions au poste de police du quartier. Les officiers de garde écoutent attentivement notre récit puis nous mettent tous en garde : on devait payer une somme de mille francs avant tout réquisitoire. Si jamais l’argent était trouvé sur moi, je passerai au moins trois jours en garde-à-vue (violation de la procédure de flagrant délit, en raison des fêtes), avant d’être déféré à la prison civile de Lomé en attendant mon jugement. Mais si au contraire, on ne trouvait rien sur moi, j’avais le droit de faire une sorte de plainte, ou un truc comme cela. Mon honneur, ma probité, ma fierté, mon ego, mon amour-propre, mon patronyme, tout cela était en jeu.

L’un des officiers me vide les poches, j’ôte mes chaussures, mes chaussettes, je descends mon pantalon (ils ont sifflé d’admiration à la vue de mon…). On s’attaque à présent à mon sac. L’officier en sort un cartable, un bloc note (des trucs du bureau que j’évite d’ôter du sac pour ne pas oublier), une bouteille de Muscador, quelques tricots, un pull-over, ma boite de Ventoline, un nouveau testament, et une pièce d’identité. Le procès-verbal fut clair : aucune trace de l’argent de Marc.

Je ne pus empêcher une petite larme de remplir mes yeux, lorsque je remettais mon pantalon. Marc a réussi à me faire pleurer pour la deuxième depuis le 31 Mars 2007. Je n’ajoute aucun mot, j’arrange mes effets, signe le PV, puis sort du poste de police sans regard aucun sur mes prétendus amis.

Sortir d’un poste de police un 1er Janvier, je ne l’aurai jamais imaginé, même dans mon pire cauchemar. De toute façon, cela m’a permit de comprendre beaucoup de chose sur La Confiance, sur la Réciprocité, et surtout, sur ce qu’est « repartir sur de nouvelles bases ». J’ai rafraîchi ma liste d’ « amis », et reste marqué à vie.

Bonne et heureuse année à toi, Marc. Merci pour la définition du mot AMI.

J’ai dit !

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Commentaires

RitaFlower
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Etait-ce bien nécessaire de se mettre TOUT NU pour prouver ton innocence devant tes chers amis.Déjà on ne porte pas des accusations sans preuve contre quelqu'un,hein. Aphtal,en matière d'argent il n'y a plus d'amitié,de liens de parenté,d'affection et de solidarité.C'est la leçon à tirer de ton histoire vécue le jour du 31 DECEMBRE 2012. BONNE ANNEE 2013 à toi...Heureusement que t'a pas de go pour voir ça ...hihihi,Aphtal.Pardon,je n'ai pas pu m'empecher de me moquer gentillement de toi oh..

Aphtal CISSE
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Ah Rita, c'est nécessaire! J'aurais pu, si j'avais pris cet argent, le cacher dans mon slip, alors... Hmmm tu peux en rire, ma chère. C'est du tragi-comique. LOL

KABA Madigbè
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Olala... Bon billet sur un phénomène qu'on appelle Gbèrè-Gbèrè chez nous (être accusé pour quelque chose dont tu n'es pas l'auteur). Du négatif, il ya bien quelque chose qui me fait dire que c'est un signe non mauvais pour toi. C'est ce passage de ton billet "De toute façon, cela m’a permit... reste marqué à vie".

Aphtal CISSE
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Gbèrè-gbèrè hein? En tout cas, ce sont des choses qui ne sont pas censé arriver, en "amitié", mais bon, j'ai compris la leçon, crois moi

Edem
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Ton récit est mélangé d'émotions et de drôleries.lol. Je suis ravi frèro pour cet article car il nous apprend à tous... La vie réserve beaucoup de surprises,et beaucoup ne le savent point. J'ose espérer que ton ami Marc aura tiré des leçons proverbiales du moins,de cette accusation infondée...

Aphtal CISSE
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Ah, Edem, qu'il ai compris ou pas, franchement cela n'a plus vraiment d'importance, à mes yeux

chris
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hmmmmmm mon frere yakooo...et tu ma rien dis ???

Aphtal CISSE
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Ah, je voulais t'en parler hier soir soir, voisin! Mais bon, on remets ça à ce soir! N'oublie pas ma canette de bière hein

Mouinat
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Hum ah ça on peut pas dire que tu ais bien débuté l'année

Aphtal CISSE
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Hmmm, Oumou, je l'ai bien débuté, chérie. Et toi même tu sais pourquoi. Bisous