Ces hommes qui nous rendent la tâche difficile
J’avoue que depuis deux ou trois semaines, je suis un peu fréquent dans un restaurant de la capitale. J’ignore le rôle que j’y joue précisément (je n’influe pas sur les recettes journalières), mais j’y suis quand même ! Pas plus tard que Jeudi dernier, j’y étais encore, paresseusement tapis dans l’ombre, sirotant tranquillement une bouteille de bière difficilement achetée, un regard sur mon écran d’ordinateur, un autre sur la salle, ses occupants et sur l’écran de télévision accroché au mur du fond.
Je devais être en train de lire un lien envoyé sur Twitter par Mr Pouget, lorsqu’un couple fait son entrée. Quand je dis couple, ici, je parle simplement de deux personnes de sexe opposé ! La précision s’explique par le fait qu’à leur approche, on croirait à une sortie entre une fille et son père, ou un truc dans le genre. L’homme, fort gabarit, avec une bedaine peu enviable, roulait des yeux comme le sélectionneur de l’équipe du Cameroun, hier à Lomé. Il n’avait pas l’air vraiment rassuré, et semblait redouter l’éclairage de l’endroit. Malheureusement pour lui, il choisit la table à côté de la mienne : c’est là que je reconnais Albertine, une copine !
Ah Albertine, ma douce et tendre Albertine ; cette fille qui fit mes joies, à l’époque de la fac ! Hey, imagination fertile, il ne s’est rien passé entre Albertine et moi ; rien à part une amitié franche, sans complexes, et sans préjugés ! Si vous voulez tout savoir, oui j’ai tenté de séduire Albertine, mais elle m’avait clairement et gentiment éconduit : « T’es un chic type, Aphtal ! Tu feras le bonheur de pleins d’autres nana, mais moi, tu vois, je ne sors pas avec les étudiants, c’est comme ça, désolé ! Je tiens à toi et à notre relation hein, mais je te préfère en ami» ! Le classique refrain quoi ! J’ai tout essayé ; je lui ai même proposé d’être juste son pointeur, au cas où, mais niet, zéro, nada ! Bon voilà, retour au Restau !
Habitués de nos vieilles combines, elle m’ignore royalement, puis pose ses chaleureuses et divines fesses sur une chaise, à l’autre bout de la table ! Le tonton était donc juste à côté de moi, et ce que je déteste faire s’impose à moi : écouter les conversations de bar ! Ils se font servir, puis le tonton attaque direct, sans tourner autour du pot :
– Moi je pensais que tu allais être en jupette, comme je t’ai demandé !
– Je n’aime pas les jupes trop courtes ; je préfère les pantalons ou les robes longues.
– Oui mais tu seras plus excitante en jupe, tu sais pas ?
La petite se contente d’avaler le contenu de son verre. Le gars, raide comme un camerounais, revient à la charge, toujours avec un franc parler déconcertant :
– Moi je n’aime pas l’endroit là ; en plus ils ne font pas à manger. Je t’emmène quelque part, on nous fait un truc solide et rapide, et on prend une chambre. On sera plus à l’aise, tu vois non ?
– Une chambre ? Pourquoi faire ?
– Oh, toi aussi ne te comporte pas comme un enfant ! On va se mettre à l’aise, et tout quoi.
– Bon, monsieur, reprenons à zéro : que me voulez-vous ? Qu’attendez-vous de moi ?
– Je veux qu’on se voie, souvent ! Si j’ai envie de faire l’amour, je te fais signe ; si c’est toi qui en a envie, tu me fais signe, on se voit et on se met à l’aise, quoi !
– C’est tout ?
– Tu veux quoi d’autres ? Bon, ce n’est pas pour te vexer hein, mais je ne peux pas t’épouser. Tu seras ma maitresse, et on voilà quoi.
– Votre maitresse ? Votre femme est où ?
– Bon, ma femme est à la maison ; on ne sort pas beaucoup parce qu’en ce moment, elle fait la cuisine. Je rentre à 20h pour diner avec tout le monde, tu vois ? Sinon, elle est même n’aime pas les sorties. Dès qu’elle rentre du boulot, elle cuisine, et se repose.
– Et c’est avec moi vous voulez vous amuser ? Bon, monsieur…
– Ne m’appelle pas monsieur, appelle moi Éric (prénom changé hein), et tu peux me tutoyer.
– (rire), si je vous appelle Éric, c’est comme si je manque de respect à mon papa.
– Je ne suis pas ton papa, Albertine !
– Mais j’ai l’âge de ta fille, Cynthia.
– Comment ? Tu connais Cynthia ?
Chers lecteurs, à partir de cet instant, le monsieur change de ton. Il perd toute son assurance, et sa voix se fait plus docile, inaudible même ! Albertine lui fait comprendre qu’en fait, elle fréquente la même paroisse que sa femme et ses trois enfants. Si elle a accepté son invitation, c’était un peu par respect et par curiosité. Elle voulait un peu voir le genre d’homme qu’il était, et surtout, le genre de pensées qui traversent les hommes, en compagnie des jeunes filles. Je ne sais plus trop ce que Albertine a dit de fâcheux, mais Tonton a brusquement haussé le ton, rapidement dit des paroles qui se veulent sèchent et intime un ordre à la fille
– Viens je te dépose !
– Non, je vais rester un peu.
– Je ne te donnerai rien pour ton déplacement, hein ; viens que je te dépose en même temps.
– Vous pouvez partir Monsieur. Je peux même payer l’addition si vous voulez !
Honteux et confus, il sort un billet de dix milles qu’il dépose sur la table, puis se dirige vers la sortie sans dire au revoir à sa cavalière.
Ces hommes… et ces filles…
Monsieur Éric fait partie de cette poignée d’imbéciles qui, non seulement trompent leurs épouses, mais en plus ne pensent qu’à abuser de nos sœurs, et de la façon la plus avilissante qui soit. Quelle est cette manière de séduire, une fille ? Pourquoi en séduire, d’ailleurs ? Pourquoi certains togolais ressent-ils le besoin de se défouler dehors, de délaisser leurs femmes, pour de sordides plaisirs éphémères ? Soit ! Il arrive qu’on soit vicieux au point de souiller le lit conjugal. Mais pourquoi ne pas demeurer dans sa catégorie, pourquoi ne pas séduire des femmes de même âge, ou des femmes, dans d’autres secteurs d’activités ? Par lâcheté et manque d’assurance, on préfère se rabattre sur les étudiantes, facilement influençable. Lâcheté ! Oui lâcheté, sinon, comment tromper son épouse avec une fille qu’elle peut concevoir ?
Les hommes ne sont malheureusement pas les seuls à blâmer, dans cette histoire. Beaucoup de jeunes filles pensent que sortir avec un homme plus âgé, est un signe d’émancipation. Oh oui, elles auront le téléphone tant désiré, elles auront le crédit de communication qui va avec, un ventilateur contre la chaleur, un ordinateur, une armoire, ou même une moto. C’est clair que Aphtal ne pourra jamais offrir tout cela pour le moment, mais quelle gloire y a-t-il à se contenter des heures libres d’un homme marié ? Vous autres, ne voulez pas être épouses de quelqu’un un jour ? Vous ne voulez pas avoir des enfants, un foyer, et un homme à vous, totalement à vous ? Les jeunes étudiants et chômeurs d’aujourd’hui, sont tout ce qu’il y a de libre sur le marché du mariage. Demain, ils seront des cadres, des « grands quelqu’un », et la vengeance sera terrible.
Allez, Albertine, paye ma bouteille aussi et rentrons chez moi ! Tu as compris que moi, je ne suis pas un con d’homme, qui ne pense qu’au condom en te voyant. La dignité et la fierté de nos sœurs n’ont de prix qu’avec ceux qui les respectent: les jeunes ! Moi je vous le dis hein, celle qui n’a pas pris part à ma croix ne prendra point part à ma gloire !
J’ai dit
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