Togolais, quel type d’hommes êtes-vous?
Pauvre de moi : je n’ai plus de radio. Non pas qu’on me l’a volé, ou que je l’ai égaré ; je n’ai plus de radio, car je viens de réduire en morceaux la seule que j’avais ; et délibérément, en plus. Je ne l’ai pas brisé, parce que j’en avais assez d’elle, ou que j’ai des poussées soudaines de violence, mais j’étais sous l’effet de la colère. Eh merde ! Les vieux ont raison, ne jamais réagir sous l’effet de la colère. Je viens d’en faire les frais. Ok ok, chers lecteurs, je sais que vous n’en avez rien à foutre, que je n’ai plus de radio ou pas, et que personne d’entre vous ne se proposera de m’en offrir une nouvelle ; mais je vais vous dire dans quelles circonstances cela s’est passé.
Eh bien, ce vendredi, (comprenez pourquoi je déteste le vendredi), après avoir écouté Appel sur l’actualité de Juan Gomez, je décide de tourner la fréquence, pour capter une radio locale, histoire de savoir également ce qui se passe à côté, tout près de moi. Je ne cherchais aucune fréquence précisément, alors j’évite soigneusement ces fréquences occupées par de pseudos pasteurs qui aboyaient la parole de Dieu, pour m’arrêter sur une radio où se tenait une émission-débat interactive ; vous savez, ces émissions où il y a un thème, des invités qui en parlent, et des auditeurs qui interviennent par téléphone. Le présentateur reprenait le thème du jour, un problème de foyer, soumis par une femme, ce qui suscite ma curiosité, et me retient. J’étais accoudé à ma table de travail, rédigeant un truc sur l’ordinateur que je venais de prêter chez un voisin. Voici le problème de la dame, sujet du jour :
Je vis avec un homme avec lequel j’ai eu trois enfants. Il était chauffeur pour un homme d’affaires qui, la laissé pour raison de voyage (l’homme d’affaires a quitté Lomé). Depuis trois ans qu’il n’a plus de boulot, il ne reste qu’à la maison, et ne participe plus aux besoins de la maisonnée. Les frais de loyer, (une chambre salon), c’est moi ; les frais de scolarités des deux grands enfants, c’est moi ; même le manger c’est moi. Je ne suis qu’une commerçante aussi, pour qui, les affaires ne sont pas si fameuses que cela. Parfois ca me dépasse mais je n’ai pas le choix ; et mon mari n’a pas non plus de boulot, donc on se serre les coudes en attendant.
La semaine passée, on regardait la télé, avec mon mari et notre fille aînée, lorsque des personnes frappent à notre porte. On les fait entrer, et le plus âgé d’entre eux nous informe que sa nièce présente (il désigne la fille en question qui était avec eux), est enceinte de mon mari. Mon mari n’a pas nié et a reconnu la grossesse, tout en promettant à la famille de prendre des dispositions, pour que les choses rentrent dans l’ordre. Je ne sais pas quoi faire, aidez moi.
Tout d’abord le libellé du problème m’a mis hors de moi, me plongeant dans tous mes états colériques. « Merde », me dis-je. Encore un con d’homme, qui remercie sa femme de la façon la plus abjecte qui soit. Mais calmons-nous. Je me garde de verser dans un récit partisan. Le débat qui a suivi a été fort enrichissant. Le présentateur, j’avoue, était vraiment très bon en français, et ses invités étaient vraiment à la hauteur du débat : un musulman, professeur d’université, et un chef de canton. Des émissions comme je les aime : débat d’idée entre tradition, religion, et intellect.
J’ai suivi le débat avec intérêt, même si je n’ai pas vraiment été convaincu par les arguments avancés par les deux invités, chacun alliant sagesse et compromis. J’étais toujours aussi en rogne contre l’imbécile de mari qui, nourrit et blanchi par sa femme, a assez de force pour engrosser une autre femme. Jusque là je me maîtrisais, jusqu’à ce qu’un auditeur entre en ligne. Seigneur, ce fut le comble de l’ignominie et de la bêtise masculine ; c’était ce genre de point de vue qui, à la fois irréfléchi, machiste, et stupide, vous fait piquer une crise si vous avez les nerfs fragiles. Le gars fait les salamalecs, puis dis :
« Je comprends la dame, mais elle doit être forte. Elle doit être sage. Elle doit pardonner le mari, et accepter que la fille qu’il a engrossée vienne vivre avec eux. Si elle veut sauver son foyer, elle initiera volontiers cette fille, au métier de ses mains, pour qu’i y ait deux sources de revenus dans la maison. Les hommes sont ce qu’ils sont ; aux femmes de savoir les manager, pour la cohésion familiale, et le bien-être de la société. Je vous remercie»
« Le f*** de p*** », me suis-je écrié. Je quitte la table, téléphone au poing pour réagir aussi. Trop de personnes en ligne, le numéro de la radio sonnait occupé. Lorsque je réussi à entrer en ligne, on me met en attente, alors que je n’avais pas assez d’unité ; en tout cas juste assez pour crier à l’antenne « dernier auditeur là, sorcier, assassin, salaud, couguar »… Hélas, les vilaines standardistes de Togocel m’en ont empêché. Tellement furax, j’ai failli projeter mon téléphone contre le mur ; mais j’ai su raison garder : c’est mon premier Androïde, et puis ce n’est pas n’importe quelle marque, alors…
Mais bon, la radio continuer d’égrener les stupidités de ces messieurs qui maltraitent quotidiennement leurs épouses. Un autre cynique entre en ligne et dis, avec un sadisme calculé « le chômage n’interdit pas la polygamie ; et puis elle se plaint pourquoi ? Qui lui dit que la fille que son mari a engrossée est moins aisée qu’elle ? Cette femme est jalouse, et devrait penser à… » Je lui ai imposé le silence, à ma radio ; un silence éternel, hélas.
Hélas, car cela n’empêche pas ces abjects individus de débiter des âneries dignes d’un autre siècle.
Quoi, de quel sacrifice parle cet auditeur, pardi ? Rester auprès d’un homme improductif, si ce n’est pas un sacrifice, dites-le moi ; payer le loyer, alors qu’un imbécile dort dans ton lit, mange à tes frais, et peut-être même jouit encore de ton corps, y a-t-il plus grand sacrifice pour une épouse ? Y a-t-il un plus grand sacrifice pour une femme, de s’occuper des enfants, d’assurer leur scolarisation, alors qu’un homme sans dignité ni honneur, est là, bras croisés, à ne rien faire ? Qu’attendez-vous de plus, de vos femmes, togolais ?
Oui il y a de mauvais moments dans la vie d’un homme, oui un homme peut se retrouver au chômage, des années durant ; oui, le chômage n’interdit pas la polygamie, mais le chômage n’excuse pas l’infidélité ou le vagabondage sexuel. C’est à cause de ces hommes, et de ces genres d’émissions que ma fiancée hésite à m’épouser. Awo, je le dis et je le répète : prenez soin de vos épouses, si vous voulez ; mais votre honneur, votre dignité et votre amour-propre imposent d’être plus gentleman, et plus… prévenants. Et puis, à mon avis, il n’y a pas meilleur témoignage de l’honneur, de la dignité et de la probité d’un homme, que le bonheur de sa femme. Seuls les hommes intelligents rendent les femmes heureuses. Et toutes les femmes méritent des hommes intelligents.
J’ai dit !
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