24 octobre 2014

Togo santé: selfie en Réa…

Tout – ou presque – débute par… la surprise. 😰

La surprise d’une soudaine douleur d’un proche parent, l’annonce de l’accident ou d’un problème de santé d’une connaissance…la nécessité d’agir, de réagir,  face à l’imprévu, la nécessité de faire face au cas de force majeure, l’imperieux devoir d’oeuvrer pour la jouissance d’un sacré droit, celui de se soigner… Oui. Tout part d’une surprise. Le genre de surprise qui bouscule tout agenda, le genre de surprise qui impose le passage en revue de tous les comptes bancaires, de trouer toute tirelire… Le genre de surprise qui te conduit tout simplement à l’hôpital.

Puis vient l’imbroglio…😒

Ce sentiment de totale incompréhension d’un monde pourtant familier. Cet air indécis que tu as, lorsque le gardien demande à lire ton carnet de santé, ce regard hagard que tu balades, en prenant l’ambulancier pour radiologue, l’infirmière pour professeur, le médecin pour visiteur, la stagiaire pour spécialiste. Tous – ou presque – ont la même tenue, tous signent ou contre-signent des ordonnances, tous aboient des ordres, tous semblent si…occupés.
Oui. Ce sentiment de solitude et d’incertitude que tu as, en t’adressant à l’un ou à l’autre. 😯

Puis vient l’attente…😩

Celle là qui a tôt fait d’être accablante et éprouvante à cause du mur de silence que la blouse t’oppose, des incessants cris de douleurs de ton proche, et de la totale indifférence de ceux qui t’entourent et qui, comme toi, ont été surpris, et se retrouvent dans l’imbroglio; et donc qui attendent également. L’attente se fait plus déprimante, à cause d’un Prof. Agrégé qu’on ne verra jamais, – en tout cas pas dans cet hôpital – , ces infirmiers à qui on vous confie finalement, ces jeunes élèves stagiaires pour qui vous êtes jetés en pâture, objet d’un Cas Pratique à la merci de l’apprenant…

Puis revient l’imbroglio.

Celui de la blouse. Elle défile, sous différents visages; chemise + afro ou corsage + tissages… La blouse va et vient, posent sous plusieurs formes les mêmes questions, prenant avec de différents appareils les constantes – pourtant inchangées – , prescrivant les mêmes molécules mais de différents laboratoires.  La blouse abroge l’ordonnance précédente, t’en fait une nouvelle à chaque visite, et te dirige vers…une – ou sa – pharmacie. A chaque ordonnance ses produits, à chaque produit sa pharmacie,  à chaque pharmacie ses prix... Que le ciel te garde de brandir une quelconque fiche d’assurance maladie. Tu pourras trembler, mais jamais oser… ( 🙂 )

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Affiche SYNPHOT. Photo AphtalC

Puis revient l’attente…

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L’attente de la guérison. Période essentiellement caractérisée par :

– les différents aller et retour dans les pharmacies. Ces pharmacies de l’hôpital toujours – ou presque – vide aux 3/4 , ces pharmacies des alentours qui hésitent à remplir les fiches d’assurances, ces pharmacies de garde qui craignent les braquages et te font poireauter dehors avant de te servir, ces pharmacies qui majorent sciemment le ticket modérateur.

– Les deals de pacotille, où tu négocie au noir, le sparadrap, la compresse, le coton que t’a insidieusement proposée la blouse.

– Les entrée et sortie dans une salle de réanimation,  offrant le saisissant spectacle de l’Homme, aux prises avec La Faucheuse; respirant difficilement grâce à un masque d’oxygène.

– Les agents de santé manipulant allègrement des smart-gadgets (phone, tablette…), répondant à des messages sur Whatsapp,  faisant des commentaires sous des photos sur Facebook.

– Les nouvelles amitiés qui se nouent; celles des accompagnateurs de malades; celles de ceux sur qui aboie la blouse; celles de ceux qui dorment, un oeil ouvert, dans les couloirs de cet hôpital où tout semble hostile; celle de ceux qui se surprennent à échanger des nouvelles de leurs patients respectifs; celle de ceux qui se surprennent à réciter le  » je vous salue Marie »  avec leur désormais frères en douleurs. 😐

– Les stridents hurlements de ceux qui, dépassés par la douleur ne peuvent plus la contenir; les stridents hurlements de ceux dont le parent-patient vient de rendre l’âme; 😭

– La macabre spectacle auquel se livrent les brancardiers, chargés de faire sortir le de cujus. Oh, ils s’y livrent à coeur joie. Sûrement une déformation professionnelle.

Puis vient la délivrance…

Délivrance où, soit tu aides ton parent patient à sortir de la salle d’hospitalisation, la tête la première, soit tu pense à lui offrir une bière. Dans les deux cas, il s’agit de délivrance. S’il sort la tête la première, eh bien ton parent est à jamais délivré de toutes souffrances imposées par son enveloppe charnelle. Tu poussera aussi un strident hurlement, les autres te regarderont impuissants, te disant Babadé*. Puis tu t’en iras, penaud, perdu, vide et livide, chercher une place glacée à la morgue de celui qui est délivré.

Sinon, tu exhaltera ton Dieu, en faisant secrètement le « sign of victory » ( ✌), en te promettant de ne plus jamais revenir en ces horribles lieux.

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Escaliers sortie. Mort, on vous mets dans l'une des portes en face, en attendant votre transfert à la morgue. Vivant, bah vous connaissez le chemin hein

Puis vient mon conseil.

Je fais partie de ceux qui croient fermement que le corps médical togolais opère tout simplement des miracles, avec les moyens qu’il a. Il serait impardonnable de jeter le discrédit sur tout ce noble corps, à cause des agissements de quelques uns pour qui, le serment d’hyppocrate a tôt fait de muer en serment d’hypocrites. Nous ne pouvons pas non plus occulter le bienfait de l’Institut National d’Assurances Maladie, ni les mérites de la subvention de l’accouchement assisté (césarienne). Cependant, que l’hôpital public soit délaissé au profit des structures sanitaires privées, est d’une indéniable évidence.

Nous sommes dans la triste obligation de reconnaître que la santé  n’est plus un droit, pour tous garantie. Elle devient de plus en plus un luxe, un privilège. Et je défie tous ceux qui me diront que les médicaments sont les mêmes partout, et que l’état fait des efforts en matière de santé, d’aller soigner leur paludisme à Kpalafoulassi. Bref…

Chers amis, le jour où vous me saurez malade, faites des prêts et envoyez moi dans une bonne clinique de la capitale, en attendant que « la santé » revienne véritablement dans l’un de vos CHU. Il est plus agréable de discuter des modalités de remboursement autour d’une bière avec le guéri, que de rembourser de l’argent ayant servi pour des funérailles. Je vous hanterai,  certainement.

J’ai dit!

______________
Dédié à tous ceux qui trépassent dans nos hôpitaux, à ceux qui s’accrochent malgré tout, aux accompagnateurs, et à ceux qui visitent les malades…

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Commentaires

Wala Kperkouma
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Ainsi va le pays, non plutôt la belle et époustouflante nation togolaise qui enregistre une croissance encourageante! Tant que les togolais se comporteront en habitants ou lieu d'être des citoyens, tant que chacun critiquera dans son coin sans s'engager réellement pour l'émergence d'une société solidaire, tant que nos dirigeants ne se contenteront que du dilatoire, tant que les opposants se déchireront pour le leadership, tant que ...... souffrez alors que la situation souffre de ne pas pouvoirs bouger dans le bon sens! Merci Aphtal pour l'article

wence
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Togo - Que nul ne prononce le serment d'Hippocrate s'il n'est hypocrite, c'est à dire un gourmand honteux, fanfaron de sobriété, buvant en cachette et ayant quelque vice occulte.

carlos
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Au delà du silence,il faudra agir.jusqu'ici le Togo n'a pas de système sanitaire! Comment cela pouvait être autrement si les 1er responsable se soignent à l' extérieur pour des mots banales

Tpirakc
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Deux trois... quatre filets de larmes de chaque côté et... plus rien. Je me plonge dans des souvenirs, je projette loin. Merci Aphtal pour cet jet puissant, plaisant à lire et bourré comme toujours de constats réel de notre retard. J'aime particulièrement le dernier paragraphe. C'est du bon jus.

renaudoss
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Voilà une description que je pourrais parfaitement endosser... Il faut dire que c'est quelque chose notre système de santé, et le plus près on est de la chose et le plus c'est effrayant... ça l'est encore plus pour les patients j'imagine... On peut valablement espérer, voire exiger que ça change... Bel article, camarade, comme toujours

Kodzo Mawuessénam
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Tout en espérant que la situation changera un jour (optimisme bafoutouloulou) , la solution restera : Prêts bancaires - Dépense en clinique - Modalité de remboursement.

Judith Gnamey
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Très bel article. Moi agent de santé j ai les larmes aux yeux. Je suis touché