#TGPR15 : du parti UNIR et de sa campagne.

16 avril 2015

#TGPR15 : du parti UNIR et de sa campagne.

TGPR155

 

Hier. Mercredi. 12h20. Heure de la pause déjeuner.

 

Ma prostitution gustative a une fois de plus guidé mes pas jusqu’à la vendeuse de fufu en face de l’Institut National d’Hygiène. Pâte d’igname baignant délicieusement dans une sauce de boyau de bovin (Adôménou 🙂  ). Donc, j’ingurgitais la pitance à moi accordée par la divine providence, lorsqu’une horde de jeunes hommes, dans la même tranche d’âge que moi, arriva. On pouvait facilement identifier le chef du groupe, à sa carrure, à son aisance, à son assurance, et à tous les goodies dont il était bardé. Ils étaient tous habillés en T-shirt blancs à l’effigie du Président sortant, candidat à sa propre succession. Point de doute : des militants du Parti UNIR, en pause pour reprendre des forces.

Celui que je pris pour chef de file s’installa à ma table, juste en face de moi. Je lui laisse le loisir de bénir son plat, de l’entamer, avant de lui adresser la parole.

  • Fofo, lekema ?

  • Cool lo. Et chez vous ?

  • On rend grâce. Alors, c’est comment la campagne, chez vous ?

  • Ça va, ça va. Y a pas l’homme pour nous. Il n’y a même pas l’homme pour nous.

  • Ok ! Et généralement vous offrez quoi, aux gens que vous rencontrez ?

  • Porte-clefs, casquette, bracelet plastique… Mais très souvent les gens réclament les tricots…

  • Et, vous leur dites quoi, en plus ? De quel message êtes-vous porteur ?

  • Ils doivent voter Faure. Le Togo doit voter Faure. C’est lui l’homme de la situation.

J’ai lapé ma soupe un instant, songeur, avant de relancer :

  • Donc, c’est seulement Faure l’homme de la situation ? Il n’y a personne d’autre ?

  • Toi tu vois qui, dans cette opposition ?

  • Laisse l’opposition. Dans UNIR même, il n’y a personne pour être l’homme de la situation ?

  • Mais on a déjà quelqu’un qui fait ça déjà bien. Pourquoi changer ? Faure a beaucoup fait ; on lui doit beaucoup.

  • Ah oui ? On lui doit quoi ?

  • Le gars a construit les routes, les échangeurs, l’aéroport, le port qui ne cesse de s’élargir. Il a mis fin au désordre dans plusieurs secteurs. Il y a l’OTR… On lui doit beaucoup.

J’ai encore lapé ma soupe, et cette fois je n’ai pas eu le courage de relancer la discussion. J’ai fini mon plat puis vidé les lieux.

J’avais la tête pleine d’interrogations, après cet échange ; les interrogations se faisaient encore plus lancinantes à chaque fois que je croise un panneau ou une affiche électorale, à l’effigie du Président sortant, sur le trajet du retour. Et Dieu seul sait qu’il y en a, de tel panneau.

Lomé aux couleurs Uniques. 

 

A l’entame de la campagne #TGPR15, il est quasi impossible de parcourir 500m sans une seule affiche du Président sortant. Des panneaux, des posters, rivalisant en taille et en message, il y en a juste comme on n’en a jamais vu. Le visage souriant du Président ? En veux-tu, en voilà. C’est à la limite… envahissant. Et chose nouvelle, nous assistons à de nouveaux formats d’affiches ; des affiches grandeurs natures, avec presque la même charte graphique.

 Je ne dénie à aucun parti le droit de faire usage d’affiches, soit dit en passant !

A y voir de près, toutes ces affiches résument en quelque sorte, le « bilan » du Président sortant : on le voit, même visage, avec divers  arrière-plan : routes, Port Autonome de Lomé, la nouvelle aérogare… Il y a également des affiches où l’on voit le Président sortant, faire l’accolade à une brochette de jeunes, ou tenir la main à de petits écoliers en tenue scolaire. (Tenue kaki de l’école publique, faut-il le préciser). Euh, dites, y a-t-il des affiches de lui, avec des médecins ou des sages-femmes ? (Prière me les indiquer, pour mon prochain article « arrêt sur images »).

Il n’y pas que les affiches ; il y a également les camions podiums, les convois de voitures, les hordes de conducteurs de moto (peut-être les nouveaux entrepreneurs…). Et tout ce bataclan passe dans un indescriptible boucan. En sourdine, des « chansons » de campagne, de divers artistes, mais avec presque la même phrase « Faure a tout fait ». Tout cela est… faure mignon, ou Fauremidable, pour faire plaisir à un griot par ici. Mais…

Compte Twitter @Fauremidable // Génération Faure
Compte Twitter @Fauremidable // Génération Faure

… On « allume les cerveaux » quand ? (cc Yannick)

Malheureusement le parti UNIR, (en ce qui concerne Lomé), a réussi à faire de la campagne #TGPR15, de véritables fêtes où l’on danse beaucoup, et pense peu. Tout c’à quoi on assiste, ce sont des camions qui sillonnent la capitale dans un inutile vacarme : un mignon folklore au cours duquel, personne n’est capable de prendre la parole pour défendre le bilan de son candidat, et présenter son projet de société pour le prochain quinquennat, en cas de réélection.

Tous ces jeunes accrochés aux camions, au volant de véhicules, arborant les t-shirts blancs, sont-ils capables de répondre aux questions portant sur le budget de l’état, sur la mouture de l’actuelle constitution, sur la mise en œuvre de l’Accord Politique Global ? Tout ce beau monde qui chiale « Faure a tout fait » est-il capable d’expliquer pourquoi rien n’est fait pour les enseignants, ou le personnel médical ? Y-a-t-il un seul parmi eux capable de justifier la candidature de leur champion, en expliquant clairement ce qui changera, si jamais il est élu ?

Peut-on véritablement battre campagne, en faisant moins usage de gadgets, pour plus d’arguments ? Est-on capable d’aller à la rencontre de la population, pour nourrir son intellect, discuter avec elle, argumenter, challenger, et finir par la convaincre, à cause de la pertinence de ses propos ? Ces arguments de bistrots qu’on sert çà et là, ne servent plus à grand-chose. Même ceux qui les sortent n’en sont guère convaincus, eux-mêmes.

Mais cela est compréhensible. On ne peut faire autrement, quand la population qu’on rencontre réclame des tricots au lieu d’exiger des discussions. Une vieille habitude acquise, certainement. Amer constat, tout parti de l’opposition faisant économie de gadgets au profit d’échanges, est tout simplement rejeté.

Capture d'une conversation avec un camarade
Capture d’une conversation avec un camarade

Quand on reçoit des messages pareils, on se demande si c’est UNIR qui fait usage de méthodes répréhensibles, ou si c’est la jeunesse qui est cupide. Ou encore si l’un n’a pas entraîné l’autre.

J’attends toujours des militants faisant du porte-à-porte chez moi, à Cacaveli ; j’attends toujours une équipe, venir me parler de son candidat, avec des chiffres et des statistiques, avec des arguments et des raisonnements.

Je ne pourrais finir ce billet sans un clin d’œil à tous ces fins stratèges qui ont envahi le web, pour battre campagne pour le président sortant. Nous avons assisté à des pages sponsorisées, à des comptes Twitter bien alimentés, à des nouveaux sites internet régulièrement mis à jour… Chapeau à tous ces artisans de la campagne digitale, pour une communication 360° autour du Président sortant. Félicitations à tous ces gens qui, comme dans le réel, font montre de créativité monstre dans Photoshop, pour des images à Twitter ou à mettre en bannière. Oui, VOTRE génération est Faurte.

Lorsque vous aurez fini de résonner, vous pouvez donc vous mettre à raisonner.

Eyi zandé.

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Commentaires

Tpirakc
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La politique sous les tropiques, c'est 1% de réalité réelle et 99% de réalité irréelle.
Des montages grossier, des raisonnement qui résonnent plus qu'autre chose. Ça ne m'étonne pas. Plus on tien à garder les gens dans l'ignorance plus on a la chance et le temps de les tourner en rond.

Jean-Marc AMOUZOU
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Hum! Merci pour ce post qui nous appelle encore une fois à la réflexion.
En réponse à <> A mon avis c'est notre jeunesse qui est cupide! il nous faut nous réveiller.