Aphtal CISSE

#FaisonsLesComptes : bons baisers de Sokodé…

#FaisonsLesComptes

 

Nous sommes originaires de la ville qui compte plus de terrain de foot que d’écoles. Nous venons d’une ville où les collégiens connaissent plus les joueurs des grands clubs d’Europe que d’auteurs et écrivains du même continent. Ici, nous sommes capables de nous priver de déjeuner pour avoir un ticket d’entrée au stade municipal. Ici, la bière n’est rien, tant qu’on peut boire du bissap en regardant un match. A Sokodé, un match de foot est plus rassembleur que n’importe quel meeting. Ici, nous aimons le foot. Ici, toutes les occasions sont bonnes pour organiser un tournoi de foot. Un mariage, un baptême, une inauguration… On trouve le moyen d’insérer un match dans le programme. Nous vivons le foot. Nous respectons le foot. Nous soutenons le foot. Nous ici, à part l’ambulance, le seul véhicule prioritaire est le bus transportant l’équipe de foot de la ville.

Nous avons mal vécu notre élimination à la Can2013. Mais le plus dur à encaisser fut de voir notre équipe nationale abandonnée, en Afrique du Sud. Dormant là, coincés sur les bancs, dans une zone d’embarquement. Une équipe, c’est sacré, pour nous. Ce traitement, fut presqu’un sacrilège. Qui est responsable de ça ? Qui doit-on châtier ?

En tout cas, nous devons connaître les causes de cette débâcle, avant tout investissement dans la course à la coupe de la CAN. Surtout à l’annonce de la création d’un comité charger de mobiliser une fois de plus, des fonds pour soutenir notre équipe nationale.

Nous, à Sokodé, nous sommes prêts à soutenir. Mais qu’on nous présente le tableau de 2013, qui pourra mieux justifier ce qu’ils attendent de nous, en 2017. Combien a été récolté ? Combien a été utilisé ? Que faut-il corriger ? Mais aussi et surtout, qu’on ne nous impose absolument rien. Qu’on ne nous fasse pas payer d’office, en puisant dans nos frais de communication, en augmentant le prix des produits de première nécessité.

Le foot, c’est notre affaire à tous. Même ceux qui n’aiment pas le foot sont fiers de dire que leur pays est champion en titre ! S’il faut contribuer à ce que cela se réalise, alors contribuons tous. Qu’on nous présente ceux-qui sont chargé de récolter les fonds, et qu’on nous donne la possibilité de dire si nous sommes d’accord ou pas. Ensuite, Chef de l’Etat, Ministres, Députés… Tous ceux-là qui gagnent plus que le reste de la population doivent donner d’abord. Puis, qu’on nous invite nous aussi à donner de façon volontaire, selon nos capacités respectives. Un franc prélevé sur la communication n’a pas le même impact selon qu’on soit ministre ou chauffeur de taxi. Ensuite, que les premiers concernés contribuent eux-mêmes, à leur propre bien-être. C’est leur profession, de jouer au foot. Ils sont payés à cet effet. Bien payé d’ailleurs. Leur travail n’est pas plus périlleux ou pénible que celui de nos Forces Armées.

 

Pourtant, on ne nous a jamais demandé de contribuer à améliorer les conditions de travail de nos troupes engagées à l’extérieur. Si les joueurs ne se sentent pas capables de fournir de bons résultats, qu’ils s’abstiennent de participer à cette compétition.
Enfin, qu’à la fin, qu’on revienne nous dire ce à quoi a servi l’argent récolté. Ce n’est qu’ainsi que nous nous sentirons impliqués et concerné par la chose.

 

Donc, cousin Aphtal, dis leur sur internet là-bas, que nous on veut aider. Mais si nous #FaisonsLesComptes, nous pourrons savoir ce qui reste de 2013, ce qu’il faut compléter, et comment le compléter.

 


#FaisonsLesComptes Messieurs les ministres, avant de nous projeter dans l’avenir #Can2017

2013.

La sélection nationale de football était qualifiée pour les phases finales de la Coupe d’Afrique des Nations. Inutile de décrire la joie et la fierté qui ont animé les fans du sport roi, et même ceux qui n’en n’étaient pas de véritables mordus. Nous avons tous déambulé dans les rues de la capitale, avec les drapeaux et des sifflets, nous avons klaxonné la nuit durant, nous avons crié notre joie partout sur Internet… La joie était surtout à la hauteur de la difficulté de la qualification. Nous l’avons fait. Nous serons en Afrique du Sud.

Dans cet élan de joie, dans cette ferveur généralisée, nous étions prêts à tout, pour soutenir notre Onze National. De quelque manière que ce soit : prières, messes d’actions de grâces, cotisations de bonne volonté… Tout ce qui pouvait permettre à nos ambassadeurs de faire un parcours sans fautes, durant cette compétition. Puis, dans la même foulée, un Comité national fut mis sur pieds, chargé de mobiliser des fonds pour soutenir financièrement les Eperviers du Togo.

Le comité n’a guère manqué d’imagination, pour « mobiliser » ses ressources : deux comptes bancaires furent ouverts à la BTCI et à ECOBANK, puis la population, dans son entièreté, notamment les opérateurs économiques, les sociétés et entreprises publiques, parapubliques, les sociétés du secteur privé, formel ou informel ont été invités à apporter massivement leur soutien financier et matériel  aux « Eperviers ». De façon volontaire. Le comité ad hoc a tenu à rappeler qu’il était seul habilité à rassembler des fonds pour soutenir les Eperviers : les initiatives personnelles étaient interdites, la fabrication des gadgets à l’effigie de l’équipe nationale, leur importation, à de fins commerciales étaient interdites. Un concert a même été organisé dans le plus grand stade togolais, dans le même esprit de soutien, avec les artistes les plus en vue, à l’époque.

Ce fut très émouvant, de voir toutes ces actions menées de bon cœur, pour soutenir notre équipe nationale. Ce fut très touchant, ces donations VOLONTAIRES.

La compétition continentale débute. Nos Eperviers  sont sur place, avec une délégation dont la composition jusqu’à ce jour, demeure un mystère. Notre équipe nous surprend, en se qualifiant pour les quarts de finale. Personne n’y croyait. Ni le peuple, ni les autres adversaires, encore moins les gouvernants qui, se retrouvent dans l’obligation de : prolonger les nuitées dans les hôtels, reporter le vol retour. Ce qui évidemment a un coût. Personne ne leur en a voulu d’avoir eu une si mauvaise prévision, sur les rendements de notre équipe nationale. Nous avons juste été informés ici, qu’il fallait contribuer à l’effort de guerre.

A ce stade, des mesures « drastiques » ont été prises par le comité ad hoc de mobilisation des fonds : augmentation des coûts de communications, augmentation du prix des produits pétroliers, augmentation sur le prix du ciment, etc. Sans notre avis. Sans notre consentement.

A la fin : Eperviers  éliminés, les nuits passées à l’aéroport, et quelques autres petits scandales qui nous sont parvenus. Le capitaine a même quitté l’Afrique du Sud par ses propres moyens, pour rejoindre son club en Europe.

Les faits se déroulent en 2013, je rappelle. Le comité de mobilisation était présidé par le Premier Ministre d’alors, Mr Seleagodji Ahoomey-ZUNU. A ce jour, le montant mobilisé et le montant utilisé nous sont inconnus. L’usage qui en a été fait demeure un mystère. Les surcoûts appliqués à des produits (communication, essence…) sont-ils toujours en vigueur, à quel moment ont-ils été arrêtés, nul ne le sait.

Mais bon, ça, c’était avant.

2017.

Nos Éperviers  réussissent une fois de plus l’exploit de la qualification à la CAN. Le 16 décembre, notre gouvernement réuni en conseil des ministre, adopte un décret portant création des comités ad’ hoc de supervision, du comité d’organisation, du comité de mobilisation des fonds et du comité de gestion des fonds pour la CAN 2017.

C’est à ce stade que je fais un bug. Le comité n’a peut-être pas encore été mis sur pied ; on ne connait peut-être pas encore la feuille de route du futur comité, mais, chers compatriotes, et si nous nous asseyons une minute, puis nous #FaisonsLesComptes ?

Il est inacceptable qu’on réclame un penny à un quelconque Togolais, tant qu’on n’a toujours pas les comptes des fonds mobilisés en 2013. Il est inadmissible qu’une quelconque opération de levée de fonds soit mise en branle, sans le rapport complet de la précédente. Il est intolérable qu’on soit autant allergique à rendre des comptes, à des gens à qui on a pris de l’argent.

Nous voulons la vérité. Ou pas ! Nous voulons quand même que vous vous prêtiez à l’exercice de la transparence, et de la gouvernance inclusive tant criée par le gouvernement. Nous n’avons peut-être aucun moyen de vérifier l’exactitude des chiffres, mais au moins donnez-en ! Nous ne pouvons pas faire confiance au nouveau comité si le précédent peut se conduire avec autant de désinvolture, sans comptes. Nous ne sommes plus prêts à signer un chèque en blanc à une quelconque équipe, ou à un quelconque comité, sous couvert de l’amour pour le foot, ou d’un patriotisme dont vous ne faites pas montre.

Messieurs les ministres, s’il vous plait, #FaisonsLesComptes, avant de nous projeter dans l’avenir. En fonction ou pas, le précédent comité est comptable devant le peuple, et devant l’histoire. Il doit rendre compte.


Me, my ex and I…

Cela se déroule dans un restaurant où vous êtes allé déjeuner avec des partenaires, au cours d’un gala, au rayon liqueur d’un supermarché, entre deux quêtes au cours d’une messe d’action de grâce ou encore au culte d’enterrement d’un ami ; en tout cas c’est dans une situation improbable que vous revoyez sa silhouette, que vous vous en approcher après quelques hésitations, pour enfin vous jeter dans ses bras après l’avoir formellement identifié. Vous vous regardez une fois encore de la tête aux pieds, l’air ravi de ce qu’est devenu l’autre. Vous vous prenez dans les bras, tout en rigolant sainement. Vous échangez les numéros ou les cartes de visites, vous promettez vous revoir pour un café, ou un déjeuner… Les retrouvailles !

Un café, ce n’est rien de méchant, tu sais?

Ça fait quoi, 5, 10 ou 15 ans que vous ne vous êtes plus revu, ni écrit. 5 ou 10 ans durant lesquelles personne n’a donné de ses nouvelles ; 5 ou 10 années durant lesquelles, vous êtes passé à autre chose. 5 ou 10 années au bout desquelles, vous vous retrouvez enfin. 5 ou 10 années que vous avez hâte de raconter à l’autre.

Il s’agit de votre ex. Celle que vous avez oublié malgré vous ; celle avec qui vous avez échafaudé vos premiers plans de vie ; cette personne a beaucoup compté dans votre vie à un moment donné. Ce que vous avez vécu avec cette personne, vous n’êtes pas vraiment sûr de le revivre à nouveau. Vous ne savez plus trop comment vous êtes arrivé à vous en séparer; ça aurait pu marcher entre vous ; ça aurait dû marcher entre vous. Vous repensez à la magnifique personne que vous venez de revoir par un heureux hasard ; vous regardez sa carte de visite, vous lisez son nom dans votre répertoire téléphonique ; vous hésitez…puis… Vous mettez la machine en branle.

Crazy ex girlfriend

Elle répond à vos messages ; vous nourrissez la conversation, vous avez l’impression de n’avoir jamais été séparés ; elle accepte un premier rendez-vous ! Vous l’emmenez dans un resto où, il y a dix ans, vous auriez été incapable d’y acheter une bouteille d’eau minérale. Mais, par soucis de gratitude, vous voulez la mettre bien. Vous avez été ensemble à une époque où vous n’avez rien. Il faut témoigner sa gratitude. Et cela semble lui plaire. Non parce qu’elle ne peut s’offrir ce déjeuner elle-même, mais parce que vous vous en êtes bien sorti, et toutes les femmes apprécient les hommes battants. Vous vous racontez des histoires entre deux fourchetées, vous rigolez, vous prenez du bon temps ; vous avez envie de prolonger, mais c’est déjà l’heure de la reprise au boulot. Vous vous séparez mais…en remettant ça. Et de un !

Vous vous entendez toujours aussi bien, et cela vous étonne ; les petites conversations via les messageries deviennent interminables. Vous riez de tout, vous vous racontez vos journées, vous vous racontez vos petites misères quotidiennes, vous vous faites la bise avant de vous endormir… Vous devenez songeur, vous pensez à elle souvent, et elle fait pareil. Vous avez la soudaine impression qu’elle a toujours fait partie de votre vie. Vous semblez vous comprendre ; vous ne vous jugez pas. vous avez tout simplement envie de rattraper le temps. Un autre rendez-vous est pris.

Vous vous voyez de plus en plus, dans des endroits que vous aviez fréquentés, une dizaine d’année auparavant. Chaque endroit, témoin de votre idylle, a son morceau d’histoire à raconter, un souvenir à raviver : un fou rire, une dispute, un baiser, une promesse…Vous vous prenez la main, vous vous regardez dans les yeux, vous vous attendrissez, vous palpitez, vous hésitez, vous résistez et…vous résistez encore pour enfin…abandonner, succomber, céder. Vous n’allez pas loin. Un léger flirt [avec ou sans langues], puis, rassuré que la flamme ne s’est jamais éteinte, vous remettez le reste à plus tard. Rien ne presse.

Vous, homme, rentrez chez vous, avec la satisfaction de faire toujours le même effet sur votre ex, et la détermination de rattraper tout ce qui n’a pu être, tout ce qui aurait pu être… Quand à vous, femme, vous rentrez pensive, vous demandant ce qui est en train de vous arriver. Vous n’y croyez pas du tout, mais avez quand même envie de découvrir ce que l’avenir de cette relation vous réserve. Vous en avez parlé à des copines au boulot, ou pas. Vous n’avez pas trop envie que ça s’ébruite pour le moment, et vous avez raison : jusque-là, rien n’est totalement sûr.

Puis, arrive une énième rencontre avec votre ex. vous vous embrassez langoureusement, après avoir passé un agréable moment. Il est toujours aussi bon au lit et toutes ces années n’ont pas eu raison de sa virilité. Elle vous excite autant comme au premier jour, elle se lâche, elle se donne, elle prend son pied. C’est toujours aussi bon qu’il y a 10 ans. Son parfum vous change, son haleine vous est nouvelle, sa senteur vous fait revivre à nouveau. Vous vous sentez viril ; elle se sent sexy. Le goût du risque ; la douceur de l’interdit ; la clarté des non-dits… Sur le dos, épuisés, attendant une autre érection, vous en êtes là à ressasser encore des histoires vécues, lorsque votre téléphone sonne.

C’est votre épouse qui vous demande de passer par la pharmacie pour les produits de votre deuxième enfant.

  • Quoi ? Marc, tu as un enfant ?

  • Evidemment ; j’en ai trois. Je suis marié.

  • Désolé, je…

  • Non t’inquiète ça va. Je suis engagée aussi.

  • Oh…

Sur un air de gêne, vous vous séparez, la queue entre les jambes. Vous, monsieur, partez retrouver votre épouse qui, depuis que vous avez revu votre ex, passe pour un boulet à votre pied. Elle vous a agacé avec les pseudos changements qu’elle a remarqué chez vous ; elle vous a semblé être un fardeau, parce que vous lui devez des comptes, au moment où d’autres femmes, votre ex en l’occurrence, n’ont de compte ni à rendre ni à demander à personne. Vous, madame, tombez des nues, pensez à votre compagnon que vous avez envoyé balader pour avoir plus d’espace et de temps pour votre ex. Puis, puis, puis… La désillusion!

Il existe moult profil d’ex : celles qui ne veulent plus vous voir, celles que vous ne voulez plus voir, celles avec qui il y a eu happy-end, et celles qui vous laissent un étrange goût d’inachevé. Les histoires autour du feu, sont un peu comme les histoires sous la couette avec une ex : elles restent des fables, des faits qui se sont déjà déroulés, incapable d’être modifiés. Ces histoires se racontent au passé, et s’arrêtent au présent vécu avec une autre personne. Une autre personne avec qui on se projette dans l’avenir ; une autre personne avec qui l’avenir est en train d’être construit.

Certains arrivent à se remettre avec leur ex après toutes ces années. Mais peu ont le courage de mettre fin à un mariage qui a duré le temps de 3 enfants, parce que ça c’est réel, ça c’est le présent, et c’est ce qui compte. Le passé, même si on arrive à le [re]vivre ne se rattrape pas. Vous vous pouvez vous leurrer, pendant un moment. Vous pouvez tromper votre actuel mari/compagnon pour un ex, vous sentir plus puissante que son épouse ; vous pouvez tromper votre épouse pour une ex, vous dire « Every man have another ass », mais cela reste du leurre. Un vulgaire feu de paille rapidement éteint par la rosée du matin.

L’ami qui m’a raconté son histoire m’a dit en surplus : votre meilleure histoire d’amour n’est pas encore arrivée, parce que jusque-là, vous n’avez pas encore donné le meilleur de vous. Si jusque là tout va bien sans votre ex, ne vous encombrez pas.

Eyi zandé !


Fola, la pomme et le diable.

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20h40.

Le dîner était servi depuis une dizaine de minute, et Fola se met à s’impatienter, à la vue de Marc qui s’attardait devant le journal télévisé. Elle n’arrivait toujours pas à comprendre la lassitude de son mari envers un plat cuisiné avec tant d’empressement. Elle regarde successivement Marc et la télé, avec une lueur de déception mélangée à un peu de confusion.

Voilà bientôt deux mois que son mari se montre si froid, si distant, si absent. Marc ne lui parlait plus trop. Il rentrait désormais tardivement du travail, regardait le journal de la télévision nationale avec une attention qu’on ne lui connaissait pas. Il consultait plusieurs fois son téléphone même à table, brisant ainsi la règle de la maisonnée, qui interdit tout usage de téléphone, lorsqu’ils sont ensemble, à la maison. Il était tout simplement…différent. Fola a beau insister, Marc demeurait muet comme une carpe sur ce qui le tracassait.

Marc pose enfin la télécommande sur la petite table centrale, puis se dirige d’un pas nonchalant vers la table à manger. Il force un sourire à l’endroit de son épouse avant de s’asseoir. Il rend grâce puis se met à ingurgiter machinalement son repas. Du riz. Il mangeait sans grand appétit ; de petites bouchées consciencieusement mâchées avant d’être avalées. Il n’a  pas sorti son regard du plat, et ne s’est même pas rendu compte que sa femme le regardait, intriguée, tracassée. Il vide son verre de jus de gingembre, pour retourner s’affaler dans le canapé, devant la télé.

Fola n’a pu toucher à son plat. Elle chasse rapidement une larme naissante, inspire profondément puis d’un pas décidé, marche vers son mari. Elle s’installe à côté de celui-ci, et se blotti contre son flanc droit. Elle prend la télécommande afin de réduire le volume du poste téléviseur.

Chéri, entama t’elle, tu as quoi ?
Je t’ai déjà dit qu’il n’y a rien.

Déçue, elle s’en retourne ranger la table, puis va se coucher, après avoir vérifié que leur fille dormait. Incapable de dormir, elle se met à repenser à tout ce qui se passe entre son mari et elle, depuis deux mois. Ce désintérêt soudain pour la vie de famille, cette froideur, cette distance…très souvent n’ont qu’une seule source : l’infidélité. Marc voit-il une autre femme ? Pour sûr, quelque chose ne va pas ; quelque chose tracasse son homme. Quoi ? Celui-ci ne veut rien lui dire.

Marc, à nouveau seul devant la télé, se remet à réfléchir. Deux mois déjà qu’il ne fait que ça. Deux mois déjà qu’il explore les pistes, jauge la menace, et planche sur la démarche à suivre. Deux mois déjà qu’il ne dort plus convenablement. Bref, il y a deux mois qu’il a découvert qu’il était sur le point de perdre une chose chèrement acquise. Et cela lui est inconcevable. Il lui faut éviter le pire. Il y allait de l’intérêt supérieur de sa famille.

                           *

Ce jour-là, j’étais avec le Pasteur de ma paroisse, afin d’avoir son avis sur un problème qui me tenait particulièrement à cœur. Nous étions dans son petit bureau, l’horloge affichait dix-neuf heures passées de  quelques minutes. Le silence qui régnait dans le bureau pendant que l’homme de Dieu réfléchissait à sa réponse, n’était troublé que par l’appel mélodieux du muezzin de la petite mosquée à une rue plus loin de la paroisse. Le catéchiste se met à articuler sa réponse lorsqu’entra sans crier gare, une femme à bout de souffle

Fola s’assit lourdement sur la chaise à côté de moi sans m’accorder le moindre regard. Elle salua le catéchiste entre deux sanglots, puis se mit à raconter une histoire qu’on avait du mal à suivre, à cause des pleurs et de l’essoufflement. Lorsqu’elle réussit à se calmer enfin, tel fut son résumé :

Mon mari me trompe. Il voit une autre femme. Il ne mange plus à la maison, il ne me parle plus, il ne me fait plus l’amour. Je n’en peux plus.

Où est ton mari en ce moment, s’enquit le pasteur ?
Dehors avec sa maitresse, certainement ; il n’est pas encore rentré.

Confus, j’ai voulu m’en aller, les laisser seuls. Mais le Pasteur m’en dissuada, d’un regard. Il obtint le numéro de Marc, puis l’appela. Le premier appel resta sans réponse. Marc ne put décrocher l’appel qu’à la troisième tentative. La conversation fut brève. Le Pasteur lui demanda de passer à son bureau le plus tôt possible. Dix minutes plus tard, Marc fait également son entrée dans le petit bureau mal ventilé du pasteur. Il nous dévisagea tous, avant de poser son postérieur sur une chaise, sur invitation du maître des lieux.

« Bâtard-là », ai-je pensé.

Les salutations sont rapidement effectuées, le pasteur plante le décor, puis donne la parole à la femme, en premier lieu. Fola reprit mot à mot son discours de tout à l’heure. A la fin de son réquisitoire, parole fut remise à Marc pour sa plaidoirie.

Pasteur, j’avoue que cela me mets un peu mal à l’aise mais voilà ce qui se passe réellement : quand j’ai commencé par travailler, j’ai essayé de mettre ma famille à l’aise, dans tous les sens du terme,  et ma femme peut en témoigner. Il y a huit mois, j’ai réussi à acheter un terrain, et le vendeur a accepté que je paye en plusieurs tranches. Entre temps, l’accouchement de ma femme a fait que j’ai mis un arrêt au payement des frais du terrain. Il y a deux mois de cela, je me suis rendu sur le terrain avec quelques jeunes, histoire d’ôter les hautes herbes, et comme vous savez, prouver qu’il y a déjà quelqu’un dessus. A notre arrivée et à mon grand étonnement, je trouve une construction en cours sur mon terrain. Un chantier d’une villa. Les fondations sont faites, et les murs sont déjà au niveau de ma taille.
Mon vendeur m’a juré sur tout ce qu’il avait de sacré, qu’il n’a revendu le terrain à personne d’autre. Pourtant, les travaux en cours ne sont pas miens. Actuellement, la construction est à l’arrêt, et depuis, je me rends sur le terrain pour guetter le moindre ouvrier, et connaître l’identité de la personne qui ériget une villa sur mon terrain à moi. Mais rien, personne. Comment voulez-vous que je me sente dans ces conditions ? J’ai demandé conseil à des huissiers et avocats, mais leurs avis ne concordaient pas.
Hier j’en ai discuté avec un ami, et il m’a proposé une solution radicale…

J’étais là en train de secouer la tête en me disant « femme deh ! Vrais soucis sur le monsieur, elle accuse d’adultère. ». Sans y être invitée, la femme prend la parole toute affolée :

Chéri, j’ai effectivement vu le reçu provisoire d’achat de terrain. J’ai attendu plusieurs semaines, tu ne m’a rien dit à propos. Grâce au plan de situation, je suis allé connaître le terrain que tu as acheté. C’est au moment où je t’ai parlé de ma probable augmentation salariale. On nous a accordée des primes de fin d’année au boulot. J’avais assez d’économie, vu que c’est toujours toi qui gère tout à la maison. J’ai alors décidé de lancer la construction d’un petit truc sur le terrain pour te faire une surprise, une fois que… Marc, c’est moi qui ai lancé la construction sur ton terrain.

« Oh Shit », ai-je pensé ! Le pasteur demeurait silencieux, et regardait le couple, incrédule.

Pourquoi as-tu fais ça ? Pourquoi ne m’as-tu rien dit, pourquoi, reprit Marc?
Je voulais te faire la surprise, je sais que tu as assez dépensé ces derniers mois. Je ne voulais surtout pas que tu sois victime d’une double vente, en laissant le terrain nu. Donc dès que j’ai eu le devis, j’ai lancé les travaux. Mais… Oh seigneur…
Marc, fit le pasteur, pourquoi n’as-tu rien dit à ta femme, depuis le début ?
Pasteur, je voulais lui en parler après avoir payé la totalité du prix du terrain. Je voulais… Oh Seigneur.
Et… Marc, quand tu dis que ton ami t’a proposé une solution radicale, il s’agit de quoi exactement, demanda Fola.
Seigneur, répondit Marc en éclatant en sanglot.
Il y a quoi, reprit le Pasteur.
Comme le constructeur était inconnu, on a décidé aussi de démolir la construction sans se faire remarquer, pour remettre le terrain à nu, parce qu’on sait tous comment ça se passe, avec la justice, dans ce genre de choses.
Marc et Fola pleurèrent de concert. Une bonne dizaine de minutes. « MERDE », ai-je encore pensé. Quand ils se ressaisirent, le Pasteur prit la parole :

Vous voyez, dans le Jardin d’Eden, le serpent vint s’adresser à la femme en l’absence de Adam. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait pendant qu’ils étaient ensemble ? Pendant ce temps, Adam était où ? Chercher à manger ? Trouver du bois mort ? Chercher une autre femme ? Mais est-il que le diable ne s’est introduit qu’au moment où Adam fut loin d’Eve.
Pourquoi Eve n’a-t-elle pas attendu le retour d’Adam pour lui présenter la pomme, afin qu’ensemble, ils décident de quoi en faire ? Pourquoi en a-t-elle directement mangé, en l’absence de son Homme ? Pourquoi Adam se contenta de manger quelque chose à lui présenté par sa femme, sans trop de résistance ?

Moment de silence…

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Les jeunes, reprit-il, moi-même je n’ai pas les réponses à ces questions. Mais je sais une chose, Marc, si tu laisses Fola seule, si tu prends tes distances, si tu t’éloignes d’elle, si tu lui cache des choses, le diable l’approchera, lui présentera une pomme, sous forme d’amant, d’amies, de salaire, d’augmentation, de primes, ou tout ce que vous voulez. Elle croquera cette pomme en ton absence, en dépensant cet argent sans ton avis. Et comme par un quelque orgueil déguisé en intention noble, elle t’aurait caché ses desseins, ses plans, son chantier. Et comme tu refuses de te rapprocher de ta femme en lui confiant tes tribulations, tu iras détruire ce qu’elle a construit.
En fait, vous deux, aurez tout simplement détruit l’ouvrage de vos vies, parce qu’à un moment, vous avez voulu faire cavalier seuls. Le mariage suppose une équipe, une unité ; une présence, un dialogue constant, un partage sans cesse. Ce que vous venez de faire, vous auriez dû le faire depuis, sans recourir à moi ou à quelque personne. Vous n’avez besoin de personne pour parler, échanger, discuter, dialoguer. Vous cherchez à vous surprendre l’un et l’autre ? Cela est bien. Mais on peut toujours dire à l’autre « je te réserve une surprise », surtout quand celle-ci est si grande. Vrai ou faux ? (…)

(…)

Je ne vais pas faire long. Je m’arrête là. Quand j’ai quitté le pasteur et le couple, je suis rentré chez moi prendre mon ordinateur pour coucher ces mots. Bonsoir chez vous, chers lecteurs.

Eyi Zandé


Ces canevas de réussite à revoir

Bien le bonjour à vous chers lecteurs ! Je vous espère prospères à tous égards…

Depuis cette histoire de Couchsurfing, je n’ai plus vraiment eu de discussions argumentée, avec mes frères. Mais bon, je n’ai plus des envies de meurtre alors je suis redevenu fréquentable. [Ceci est un vieil article rédigé en 2014, mais remis à jour.]

La semaine passée donc, Mohamed, l’un de mes petits frères, me rejoint dans ma chambre alors que je finissais une lecture imposée par la galère ambiante qui suit généralement les périodes de fêtes. Il tergiverse une dizaine de minutes, avant d’engager une discussion qui retient mon attention. Sa question était toute simple : Où comptais-je acheter mon terrain plus tard ? Quel type de maison ai-je envie de construire ?

Vous savez, ces questions existentielles qui vous obligent à vous projeter de 10 ans dans l’avenir, alors que vous éprouvez des difficultés immédiates. C’est drôle, je m’étais également posé la question quand j’avais son âge. J’ai eu un rictus en repensant à ma conception de la chose, à l’époque. Je lui ai retourné la question, histoire de savoir ce qu’il avait en tête lui. Sa réponse ?

« 

Tchalé, Moi j’ai hâte de quitter cette maison ; je me tape deux bons lots pas loin de Zanguéra ; c’est loin de la ville, c’est calme et plein d’opportunités. Je me construis une belle maison à étage pour moi et mes enfants, et je prévois quelques chambres à louer, pour m’assurer une source de revenus mensuels.
Et puis, on sera là-bas tranquille ; pas de soucis, pas d’oncles qui débarquent sans prévenir, pas de tante qui vient regarder dans la marmite de ta femme, pas de petits neveux qui viennent mendier, rien de tout ça. Tranquille. Vivre tranquille.

»

Bref, le rêve togolais. Des aspirations tout à fait censées et nobles. Quel jeune homme bien né ne penserait-il pas à quitter le giron familial pour créer sa propre cellule ailleurs ? Eh bien, j’ai tranquillement refermé le livre de Gérard Zwang que je lisais, vidé mon verre d’Awooyo, afin de mieux réfléchir à ma réponse.

Et ma réponse, je l’avoue est assez nuancée, selon qu’on soit issue d’une famille polygame simple, d’une famille polygame à problèmes, d’une famille monogame simple, d’une famille monogame à problèmes, d’une famille… Bref, vous aurez compris, les schémas ne se ressemblent pas.

Et si vous cherchez à savoir dans quel schéma s’inscrit le raisonnement de mon petit frère, ou mon raisonnement à moi, eh bien nous sommes d’une famille méga polygame, sans problèmes [pour le moment]. Et j’insiste sur le « pour le moment », car seuls certains pourront comprendre. Ne nous dispersons pas, cependant.

Quitter le gîte familial est un must. A partir d’un certain âge, la chambre du collège devient exiguë, la chambre d’étudiant devient inadaptée ; quand on commence par assumer certaines responsabilités, la garçonnière n’est plus du tout indiquée ; surtout pour une vie à deux, quand on se met en couple. Couper certains cordons devient tout simplement obligatoire.
Mon problème se situe dans la manière et les conditions de quitter le cocon familial pour voler de ses propres ailes.

« Moi j’ai hâte de quitter la maison »

Je l’ai expressément mis en exergue dans la réponse de Mohamed, pour rebondir dessus. Le mot qui peut résumer cette phrase est « précipitation ». Si nous sommes d’accord qu’en matière de plan de vie, il ne faut pas se précipiter, nous tergiverserons néanmoins sur le « quand quitter la maison familiale ».

Comme je l’ai dit au départ, les schémas diffèrent. Certains quittent la maison familiale parce qu’on les a mis dehors (mon père m’a mis à la porte plusieurs fois, si vous voulez savoir); certains parce qu’ils viennent d’avoir un certain âge (être en serviette et croiser ses parents dans le couloir, en allant prendre sa douche…); certains parce qu’ils veulent éviter toute rixe avec les autres frères (les bagarres et autres dans les maisons familiales à Cacaveli hein…) ; d’autres parce qu’ils partent étudier ailleurs, parce qu’ils viennent d’avoir un emploi ;  d’autre encore parce qu’ils ont juste envie de faire comme leur camarade de même âge.

Et très souvent, la question qu’on murît le moins est:

Quitter la maison familiale pour aller où ?

Bernard, un ami, est un jeune employé qui s’est pris une villa dans une des nouvelles cités en construction grâce à un prêt immobilier. Quand il a commencé par travailler, il a encore vécu plusieurs années dans la maison familiale, malgré son nouveau train de vie.

Mocktar, un autre ami, a quitté la maison familiale dès son premier emploi, pour prendre une petite villa dans une petite cour commune en location. Il a acquis un terrain quelque part (il n’y a plus de terrain à Lomé, en tout cas), grâce à un prêt.

Gildas, un autre ami à moi, vient de regagner la maison familiale après l’avoir quitté il y a deux années pour une cour commune dans laquelle j’éprouve des réticences à lui rendre visite.

En fait, Bernard et Mocktar ont le même âge, le même salaire, car travaillant à des postes similaires dans la même boite. Donc, à rémunération égale, Bernard vit dans une cité, avec tout ce qui va avec (hôpital privé select, école privée selecte, centre commercial select, piscine selecte…bref, niveau de vie select avec dépenses selectes.). Bien sûr il est sous prêt, mais au bout de quelques années (quoi, 20 ans au plus ?), il sera plein propriétaire de sa villa, avec titre foncier, dans une cité… Au même moment, Mocktar payera son prêt pour un terrain nu. A la fin de son prêt, il devra en lancer un autre, pour débuter la construction, ainsi de suite…jusqu’au jour où, soit la construction soit complètement terminée (finition, eau, électricité…), soit il soit fatigué de payer le loyer et décide d’emménager dans la maison comme ça, en espérant [vouloir/pouvoir] finir après.

Je préfère ne pas dire que d’ici 20 années, l’un et l’autre pourront se marier, pourront avoir des enfants, et tout ce qui pourra aller avec.

Gildas quant à lui, fut fatigué de payer pour une pièce dans une cour commune où le proprio n’a de respect pour personne, et où les [nombreux] voisins n’offrent aucun répit ni aucune quiétude. Mon frère, mieux tu rentres à la maison payer les factures d’électricité et avoir la paix du cœur.
Vous l’aurez compris, les schémas de vie ne sont point identiques.

Après, il faut être prêt.
Pour beaucoup, nous quittons la maison parce qu’on ne veut plus avoir à rentrer avant une certaine heure ; on ne veut plus avoir à justifier ses fréquentations ; on ne veut plus avoir peur de ramener telle fille à la maison ; on ne veut tout simplement rendre compte à personne.
Se mettre à son propre compte, c’est être prêt à ne rendre de compte à personne d’autre qu’à sa conscience ; c’est être capable de faire le tri dans ses fréquentations ; c’est être capable de se faire violence et rigueur pour avoir un certain rythme de vie quelque peu normal ; c’est devenir son propre père et sa propre mère, à défaut d’être père et mari pour d’autres êtres.

A ma réponse à l’endroit de mon petit-frère, j’ajoute mon désarroi face à l’obsession du togolais de s’acheter un terrain vaille que vaille. Quelle que soit sa bourse, le togolais veut être propriétaire d’un lopin de terre. A croire que c’est signe d’accomplissement ou de réussite. Je disais à mon frère, qu’un prêt est plus utile lorsqu’il est investi dans l’éducation que dans l’acquisition d’un terrain. Il a ri. Mais je l’ai compris. Le jour où, entre acheter du ciment et envoyer son gosse dans une très bonne école, il aura à choisir, il rira moins. Et j’espère qu’il fera le meilleur choix.

La notion d’accomplissement est relative ; l’aune de la réussite sociale ne pourra être universelle. Elle est sujette au point de départ de chacun, et à son arrivée. Mais je reste convaincu d’une chose, à un certain moment, il faut partir. Un peu comme la graine qui meurt avant de germer, un peu comme la main qui donne afin de recevoir, Le bon moment ? A chacun de le déterminer.

Eyi zandé.


Profession: blogueur (?)

Je vous adresse mes cordiales salutations, chers lecteurs.

Ceci est un article que j’ai pensé et repensé plusieurs fois, avant de le rendre public. Peut-être l’ai-je mal pensé. Mais je m’en fous désormais. Ceci n’est pas un bilan personnel, ou toute cette littérature stérile à laquelle se livrent les internautes. Vous êtes probablement lecteur de ce blog depuis sa création en 2012, ou pas. Mais si c’est le cas, vous saurez que l’année qui s’écoule, fut la moins prolixe sur cet espace ; 2015 est l’année où j’ai été le moins présent sur ce blog, en matière d’articles. Paresse ? Panne d’inspiration ? Occupations ? Préoccupations ? C’est un peu de tout cela.

2015 a été l’année où, loin de tout engagement prétendu, loin d’une quelconque cause à porter et à défendre, l’année où j’ai été le plus confronté à moi-même. 2015 a été l’année où je me suis le plus regardé dans le miroir, après avoir vu mes propres photos que je publiais ; 2015 est l’année où ma conscience me demandait des comptes après avoir publié des histoires sur les réseaux sociaux… 2015 a été l’année où j’ai distribué le plus de cartes de visites, tout en me présentant comme autre chose que ce qui y est inscrit ; 2015 a été l’année où il a fallu se positionner.

Chers lecteurs, chers amis, je serais ingrat, sinon idiot de dire que ce blog ne m’a rien apporté. Cette magnifique famille que vous êtes à travers le monde, ces formidables amis que je me suis faits çà et là, ces chaleureux foyers prêts à m’accueillir partout où mes pas pourront me porter, je le dois essentiellement à ce blog, et à la plate-forme qui l’héberge. Sachons raison garder, je ne dirai pas que je ne suis rien sans ce blog ; mais ce que ce blog m’a apporté en 3 années d’existence est tout simplement inestimable. Je ne jette de fleurs à personne en particulier (je suis allergique au pollen), mais oui, envers ce blog, j’ai une reconnaissance éternelle.

Cependant, si la question m’est désormais posée, je répondrais : je ne suis pas blogueur. Ma profession n’est pas « blogueur », parce que justement cela ne répond à aucune catégorie professionnelle, et je ne vis pas de mon blog. Personne ne me paye pour les articles que je publie, je ne reçois ni rémunération, ni défraiement, mais aussi et surtout, vos mentions « like », vos RT et autres ne payent pas ma bière.

D’autre part aussi parce que je suis citoyen d’un pays où on n’a point besoin d’autorisation préalable pour créer un blog. Contrairement à ces pays où il faut s’inscrire sur une liste étatique, avoir une autorisation, subir des contrôles, frôler les geôles, au Togo, il faut le reconnaître, la liberté d’expression nous est plus ou moins accordée.

En Arabie Saoudite, on est fouetté pour des articles de blog qui dérangent.

La question pourra être posée autrement : est-ce que j’attends d’être payé pour écrire ? Non (quoique je ne refuserai pas). Mes écrits changent-ils quelque chose ou quelqu’un quelque part en ce monde ? Peut-être ! N’est-ce pas là une satisfaction morale ? Cela ne paye pas les factures !

Je suis adepte du bloguer utile ; mais je ne suis pas de ceux qui pensent que le blogueur doit impérativement être engagé pour une cause. On peut s’engager pour la beauté de la grammaire. La sempiternelle question de l’art pour l’art…

J’en suis arrivé au point où, il ne suffit plus de bloguer pour exister. Il ne suffit plus de se présenter comme blogueur pour se donner une quelconque contenance sociale. Oui, grâce à mon blog, j’ai pu interpeller plein de personnes, et mêmes des personnalités sur des sujets précis. Grâce à mon blog, j’ai eu à m’asseoir à des tables de discussions avec des gens que je n’aurai jamais rencontrés si je n’écrivais pas. Mais une discussion politique avec le Président de la République ne se mentionne pas sur un Curriculum Vitae. Vous pensez être incontournable, parce que pleins de gens veulent écrire et interagir avec vous. Au finish, vous êtes celui qu’on utilise pour de la visibilité, et qu’on oublie très rapidement parce qu’au fond, vous n’êtes pas plus qu’un gadget à la mode. 

Je me refuse de m’ériger en donneur de leçons pour les camarades blogueurs qui émergent, grâce à leur talents et à leur détermination. Mais je sais une chose, la course aux likes sur les réseaux sociaux est d’une vanité sans pareille. Et je ris ouvertement chaque fois que l’un d’entre eux se présente comme « blogueur ». J’ai juste envie de lui demander son numéro de sécurité sociale.

Avoir de l’influence (qui se limite aux réseaux sociaux), c’est bien. Mais avoir de la compétence à revendre et à monnayer, c’est encore mieux ! La génération « Y » est celle à laquelle on raconte des fables selon lesquelles le diplôme seul ne suffit pas. L’avènement de l’Internet, et la vulgarisation des terminaux mobiles a créé pleins de métiers bâtards qu’on peut exercer sans formation préalable. Ainsi, sans aucune formation en communication, les gens se ruent sur la communication digitale parce qu’ils sont blogueurs ; tout le monde devient Community Manager parce qu’ils savent faire des calques dans Photoshop ; les gens sont devenus expert dans des matières dont ils ignorent grand-chose à force d’en parler à longueur de tweet.

Oui, le blog permet de voyager (là aussi, ce n’est pas donné) ; oui le blog se fait assez pertinent dans une procédure de recrutement ; oui le blog, oui le blog, oui le blog, oui le blog… Si le blog suffisait pour être, David Kpelly serait déjà Secrétaire général de l’ONU.  On n’a pas besoin de diplôme pour tenir un blog ; mais tenir un blog quand on est cadre à la BCEAO, c’est encore plus classe !

Parce qu’à certains moments de la vie, l’on n’est plus jugé sur les convictions prêchées sur les réseaux sociaux, mais sur les accomplissements professionnels et personnels, sur les compétences intrinsèques, et disons-le comme nous le sentons, sur l’indépendance financière (en même temps, il fait pas mignon d’être riche et con).

Ceci est certainement mon dernier billet de l’année 2015. Je place, en ce qui me concerne, l’année à venir, sous le signe de l’apprentissage, et du véritable accomplissement ; celui qui se fait derrière les écrans d’ordinateurs, celui qui se passe en dehors de tout réseau prétendu social. Ceci est probablement mon dernier article publié à cette adresse. Cela ne veut pas dire que j’aurai cessé d’écrire.

J’écrirai ; je continuerai d’écrire. Non pour n’exister qu’au travers de vos clics et like, mais parce que je prendrai rien que du plaisir à le faire. Mais d’ici là, je vais me chercher une profession, une vraie.

Excellente fêtes de fin d’année, très bonne et heureuse année 2016 à tout un chacun ! Sachez-le, il sera fait à chacun selon sa foi !

Eyi zandé !

Merci à tous


Lettre d’un père à propos du mariage

Mariage.  Crédit photo: Aphtal CISSE
Mariage.
Crédit photo: Aphtal CISSE

 

Lecteurs bonjour.
Ceux qui me font l’honneur d’une franche amitié au-delà de ce blog savent que, ne vivant plus dans la même ville que mon père, nous avons fait le pari de discuter par lettre interposée. Nous sommes Kotocoli, nous n’envoyons donc rien via la Poste. La Station de bus Agbalépédo sert un peu à cela aussi. Et nous discutons de tout et de rien, de sujets sérieux ou pas.

 

 

J’ai décidé de partager avec vous le contenu de sa dernière missive, quoique je passe volontairement certains aspects personnels sous silence.

«
Comment tu vas, Aphtal ? Tes frères, ta mère ? (…)
C’est avec amusement que j’ai lu ton dernier courrier. Je l’ai parcouru à plusieurs reprises, d’ailleurs. Il m’a fait rire à certains endroits, m’a fait songer, à d’autres. Vois-tu, fils, j’ai volontairement omis de répondre à tes dernières missives, car le débat sur le conflit de génération n’étant pas épuisé, tu ne pourras pas comprendre mon point de vue sur ton mariage prochain.  Je demeure convaincu que ceci pourrait expliciter cela. Je vais cependant essayer de faire comprendre mon point de vue, en espérant que tu reviennes sur l’autre sujet, une fois que tu auras assez d’arguments.

Aphtal, je ne suis pas contre ton mariage. Je ne m’y oppose pas. Le point sur lequel j’aimerais attirer ton attention, est que je n’aimerais pas que tu te maries juste pour prouver quelque chose. Je ne souhaite pas que tu te serves de cette union comme un instrument de rébellion, ou un énième signe de ta démarcation des autres.

Je me garde de te demander si c’est la bonne, si elle est vraiment faite pour toi. J’ai lu la description que tu as faite d’elle, j’en ai presque eu les larmes aux yeux. Ta tante m’a parlé d’elle, je suis convaincu qu’elle te convient. Cependant, Aphtal, est-ce que ta fiancée nous convient à nous, ta famille ? Ta femme plait-elle à tes frères, à ta mère ? A ta famille ?

Je ne cesserai jamais de vous le dire ; les critères égoïstes sur lesquels vous choisissez vos femmes vous perdront tous. C’est bien, de penser vivre avec son épouse, sur une colline éloignée des bruits de la ville, et surtout des bruits de la famille. Mais le jour où tu seras incapable d’apporter une aide à tes frères parce que tu auras peur de ta femme, alors ton mariage aura échoué ; le jour où tu te sentiras obligé de te cacher avant de tendre une enveloppe à ta pauvre mère, parce madame n’appréciera pas, alors, fils, tu comprendras ce qu’être malheureux en ménage.

Parce qu’à partir de ce moment, tes frères, tes sœurs cesseront de te fréquenter afin de ne point troubler la pseudo-quiétude de ton couple ; à partir de ce moment, ta famille, celle que tu n’as pas choisie, te vomira. Tes neveux grandiront loin de tes yeux, loin de tes enfants, leurs cousins.  Tu vieilliras également, loin de leurs yeux, loin de leur pensée. Mais sache qu’après t’avoir oublié, ils garderont un peu d’affection pour laver ton cadavre et le mettre sous terre, là où tous tes parents reposeront.

Je suis assez admiratif des marques d’affection que vous autres jeunes d’aujourd’hui, ne cessez d’avoir envers vos femmes. Vous les prenez par la taille, vous vous embrassez à chaque coin de rue… J’admire cette nouvelle façon d’aimer. Ce qui est drôle, c’est que nous, vos parents, avons fait l’Occident ; nous y avons vécu, étudié, travaillé, avant de revenir au pays. Nous qui étions chez eux, nous ne faisons pas comme eux. Vous qui, aujourd’hui, malheureusement, n’êtes jamais allé nulle part, faites mieux qu’eux, chez vous. Et tu refuses d’admettre que c’était mieux avant ?

Votre plus grand problème, vous nos enfants, c’est que vous faites tellement de concessions, que vous renoncez à votre personnalité. Seuls les imbéciles ne changent peut-être pas ; mais ceux qui changent juste pour plaire à autrui, ceux qui changent au point de ne plus se reconnaître ne sont pas dignes de l’adjectif d’imbécile ; ils sont pis que ceux-ci.

Par expérience, fils, c’était mieux avant. Il me souvient ta virulente impression sur l’expérience, que tu qualifie d’être une lanterne portée dans le dos qui n’éclaire que le chemin parcouru. Je ne t’ai jamais demandé de me ressembler, mis à part la seule fois où je t’ai demandé d’opter pour des études en médecine. Depuis, il m’est devenu difficile de te faire faire quelque chose. Et depuis, je n’ai cessé d’admirer ton franc-parler, et ces discussions dans lesquelles tu t’opposes à moi, quand tous tes frères se taisent.

Vous, jeunes d’aujourd’hui, passez tellement votre temps à vous opposer à nous que vous avez réussi à être ce que nous n’avons pas été ! Vous êtes de plus en plus lâches, de plus en plus menteurs, de plus en plus manipulateurs, et fortement irrévérencieux envers les femmes, vos femmes ! Vous êtes incapables de vous contenter d’une seule, et vous brandissez l’une d’entre elles tel un trophée dont vous êtes fiers, puis vous courez entretenir des relations extraconjugales ! Procruste.

Vous pensez que nous autres, n’avons pas de cœur à aimer ; vous pensez que nous sommes incapables de nous attacher. Et pourtant, vous, quand votre téléphone est en panne, vous préférez en acheter un nouveau, alors que peu aurait suffi à réparer l’ancien. Vous faites idem avec les femmes qui ne représentent rien de plus qu’un vulgaire appareil à la mode, pour vous. C’était mieux avant, parce qu’avant, fils, il n’y avait pas de problèmes sans solutions dans le couple. Vous, vous changez tout simplement le problème, sans jamais en résoudre un seul.

La polygamie que tu décrie tant n’est que la manifestation de notre courage à aller devant une femme avec un langage de vérité, de franchise. Etait-ce égoïste ? Nous avons pu être les seuls brebis à nous abreuver à plusieurs sources. Qu’en est-il de vous ? Vous errez de femmes en femmes, plus insatiables que vos pères à qui vous prétendez ne pas ressembler. Et vous faites pire qu’eux, car n’ayant plus d’amour-propre, vous acceptez être plusieurs brebis à boire à la même source, aussi boueuse soit-elle.

(…)

Fils, oui vous ne nous ressemblez pas, et nous n’en pleurons pas. Vous n’êtes pas nous, jamais vous ne serez comme nous. Vous trompez vos épouses, et pis, vous vous mentez à vous-même ! Continuez de verrouiller vos téléphones, n’ayez de cesse de supprimer vos messages. Vous ne faites que retarder la fatidique échéance où vous devenez comme nous ; cette étape, ce moment où vous devenez dur, ce moment où vous refusez de rendre compte à votre épouse sur vos fréquentations ; ce moment où vous devenez tout simplement vous, ce moment où vous devenez enfin un homme. A ce moment, vous vous reprocherez d’être devenus, comme vos pères, de vils individus froids et volages. Mais à ce stade, vous ne serez pas devenus comme nous, Aphtal ; vous serez juste redevenus le salaud que vous avez toujours été, et que vous avez su si bien cacher, toutes ces années à une jeune et belle demoiselle qui croyait en vous, qui vous croyait différent, qui croyait vous connaître, vous maîtriser. Parce que vous lui aurez fait penser que c’était le cas ; dans votre légendaire lâcheté, vous aurez été incapable de lui fixer des limites, vous aurez été incapables d’exiger de votre femme ce que vous désirez réellement.

Aphtal, j’ai vu ma mère nous faire à manger au feu de bois, dans une cuisine austère, sans grands moyens, et même parfois sinon souvent, sans l’argent du marché. Cela n’en fait pas moins une femme de caractère, une femme au grand cœur. J’ai vu ta mère, et toutes tes mères d’ailleurs, nous faire à manger avec du charbon de bois, à une époque où le gaz domestique était… disons délicat. Je passe sous silence le nombre de fois où elles m’ont tenues par le col de la chemise dans le silence de notre chambre à coucher, après que j’ai fait l’homme au salon.

En ce qui vous concerne, vous équipez vos épouses de gaz domestiques, de four micro-ondes, d’allume gaz, de frigo, et de tous les ustensiles de cuisine à la mode. Mais elles exigeront que vous sachiez cuisiner vous-mêmes. Et vous le ferez, parce que vous pensez que c’est la meilleure façon d’aimer une femme ; vous pensez que nous autres, vos pères, n’étions que de vulgaires macho qui se vautrent dans le salon en attendant que les femmes fassent cuire la croute. Les temps changent, si ? Le temps où tu réveillais ta mère à 14h ou à 22h pour qu’elle te fasse à manger a changé. Le temps où ta mère rentrait rapidement durant sa pause vous faire à manger a changé.

Et le temps où vos mères opéraient des miracles avec le peu de moyens mis à leur disposition a changé. C’est le temps de l’indépendance de la femme, de son émancipation. Un autre débat que nous aurons. Je me suis toujours méfié des concepts que nos frères comprennent mal. L’islam, le christianisme, le féminisme n’ont de pervers que la compréhension qu’en font les nègres.

Je ne suis pas contre ton mariage, fils. Cependant, es-tu prêt ? Es-tu prêt à rester ? A t’arrêter ? Un conseil fils. Avant de chercher à la connaître, regarde toi plus souvent dans un miroir. Tu découvriras des choses que tu te caches à toi-même.

Est-elle prête ? Est-elle prête à rester ? Non malgré tout, non à cause uniquement des enfants. Mais est-elle tout simplement prête à rester ? Prends soin de ta femme, ne lui laisse manquer de rien ; ni de ton temps, ni de ton amour, ni de ton affection, ni de rien d’autre. Cependant, garde-toi de donner plus d’importance à l’âne, de peur qu’il ne s’invente des cornes.

Nous sommes nous autres à notre place ; celle que vous nous avez attribué ; du haut de notre trône d’hommes froids et peu aimants, nous vous regardons. Faites-donc !
(…) »

Eyi zandé