Faut-il combattre le phénomène de la juridictionnalisation du Droit International?
Les évènements du siècle rendent nécessaire la mise en place d’un nouvel ordre mondial, capable d’assurer à tous les habitants de ce qu’il convient d’appeler « village planétaire », une stabilité, une paix et une sécurité. Ce nouvel ordre mondial, acclamé et adulé par certains, décrié et diabolisé par d’autres, s’installe tant bien que mal, avec des volets quasi-stables et des volets hésitants. A l’ordre de ces derniers, nous pourrons inscrire le phénomène de la juridictionnalisation du droit international.
Par juridictionnalisation du droit international, il convient d’entendre le mouvement de plus en plus croissant par lequel l’ordre international est soumis au droit, et donc au juge international qui en assure l’interprétation et l’application, en vue d’en sanctionner les violations.
Jadis, le droit international était un droit dominé par le plus fort. Qui disposait d’une impressionnante puissance militaire, avait droit de citer, dans le concert des nations. Cependant, de plus en plus de conflits sont soumis au règlement pacifique des instances internationales, d’où la nécessité de créer des juridictions pour la résolution desdits conflits.
Ce fut donc une salvatrice innovation que d’avoir institué la Cour Permanente de Justice Internationale, ancêtre de la Cour Internationale de Justice. Progressivement, d’autres juridictions internationales firent leur apparition, enrichissant le paysage juridique international.
La question que l’on doit se poser au vu de tout ceci est de savoir si la juridictionnalisation est une aubaine. Si oui, faut-il encourager ? Sinon, faut-il la combattre ?
J’ai adopté une position fort nuancée, par rapport au sujet sur lequel je planche. En effet, la juridictionnalisation du droit international est vivement souhaité, même s’il faudra véritablement encadrer le phénomène.
UNE JURIDICTIONNALISATION SOUHAITEE :
La prolifération, ou en tout cas, l’émergence des nouvelles juridictions internationales se trouve justifiée par les tares congénitales des toutes premières juridictions, et la montée en force de nouveaux acteurs et besoins du Droit International Public.
– A la fin de la première guerre mondiale, l’idée est venue de soumettre les conflits à un règlement pacifique, en dotant l’ordre international d’un ordre juridictionnel compétent pour se saisir des questions relevant de l’application du droit international public. Ainsi, fut créée la Cour Permanente d’Arbitrage, et la Cour Permanente de Justice Internationale. Ces juridictions, bien que dotées de compétence universelle, n’admettaient leur compétence qu’à l’égard des litiges interétatique. Les personnes physiques étaient donc exclues du champ de compétence de ces juridictions. Elles ne pouvaient ni saisir, ni êtres citées devant lesdites juridictions. Il convient d’ailleurs de souligner qu’à cette époque, la pénalisation des relations internationales et la sanction étaient des notions inconnues. La sanction étant une condition nécessaire à l’efficacité et à l’effectivité du droit international… nous ne pourrons non plus occulter le fait que le sujet exclusif et originaire du droit international était l’Etat. Les statuts instituant la CIJ et la CPA se justifiaient à l’époque, mais apparaissent à présent obtus et dépassé, avec l’émergence de nouveaux acteurs et besoins du droit international.
– Le besoin d’individualiser la responsabilité pénale, très tôt ressenti en droit international, fut longtemps mis à mal par l’absence des juridictions pénales internationales compétentes. L’article 277 du Traité de Versailles qui rappelait le principe de la responsabilité exclusive de l’homme, posait les prémices de la création des Tribunaux Pénaux Internationaux chargés de combler le vide créé par les statuts de la CIJ. C’est désormais un principe plus ou moins acquis que les personnes physiques peuvent se rendre coupable de crimes internationaux. De Nuremberg au Rwanda, en passant par Tokyo et l’ex-Yougoslavie, les Tribunaux Pénaux Internationaux ad hoc se sont multipliés et sont désormais, à tort ou à raison, source d’inquiétude. Plutôt que de s’en inquiéter, il faille plutôt encadrer le phénomène.
UNE JURIDICTIONNALISATION ENCADRÉE
Le nouvel ordre mondial, doit encadrer le phénomène de la juridictionnalisation du droit international. Il en va de sa stabilité. Cet encadrement, selon moi Aphtal CISSE, passe nécessairement par deux axes majeurs : l’harmonisation de la jurisprudence internationale, et la renégociation des statuts des tribunaux pénaux préexistants et à venir.
– L’intitulé de cette sous-partie de mon article paraît limitatif, mais l’idée qui le justifie se veut plus large. Au sens où nous l’utilisons, l’harmonisation de la jurisprudence est sujette à celle de la législation internationale. En effet, si l’on doit instituer les juridictions, il faut que ces juridictions puissent disposer d’un véritable arsenal juridique textuel sur lequel s’appuyer. En l’absence de Code Pénal International, ou plus généralement, en cas de carence de législateur international, il ne saurait y avoir de juge international. S’il y en a, celui-ci manquerait de textes pouvant servir de socle à son métier. Certes, il existe des conventions internationales bilatérales ou multilatérales. Mais leurs dispositions pénales sont fort éparses et elles ne lient que les parties à la convention.
Il convient donc d’harmoniser, en amont toutes les dispositions pénales à caractère international. Un code pénal universel, applicable à tous les états et erga omnes. Ceci étant, l’interprétation des textes ainsi codifiés devra également être harmonisée. Les hauts magistrats de ces cours internationales appartiennent tout d’abord à des états, et donc sujets à l’idéologie et influence de ces états. Un juge issu du Commonwealth aura-t-il la même appréciation qu’un juge français ? Je propose qu’il soit institué une école universelle, où tous les magistrats internationaux s’inscriront. Ceci aidera fortement à l’harmonisation, à la formation, à l’interprétation, et à l’application de la loi pénale internationale. A défaut, il faudra passer à la renégociation des statuts des TPI.
– S’il existe un moyen pour limiter la juridictionnalisation du Droit International, c’est bien celui du changement radical des statuts desdites juridictions. Selon moi, les statuts des Juridictions internationales comportent en eux-mêmes leur frein : compétence ratione temporis, ratione loci…. Expressément manifestée… en limitant les tribunaux dans le temps et dans l’espace, l’on est obligé d’en créer plusieurs, afin de couvrir tous les faits de la surface du globe. En créant des juridictions avec des compétences territoriales plus élargies, on en limite ainsi le nombre, et leur contrôle sera beaucoup plus aisé. Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) est spécialement institué pour le Rwanda, et pour des faits précis. Ensuite quoi ? Faudra-t-il créer un Tribunal Pénal International pour le Togo, ou pour le Mali ? Un Tribunal Pénal International pour l’Afrique n’est-elle point plus opportune ?
La juridictionnalisation du droit international est un phénomène qui indéniablement prend de l’ampleur. Mais plutôt que d’en avoir peur et tenter de le freiner, il urge de l’encadrer et de prendre des dispositions idoines en la matière.
J’ai dit.
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