Pascaline, la berline et moi

Bien le bonsoir à vous, chers lecteurs. Je vous espère en très bonne santé. En ce qui me concerne, j’ai enfin réussi à me débarrasser de mon stress, et à me libérer l’esprit de tout ce qui l’alourdissait. J’ai également retrouvé le courage de vous raconter une mésaventure ; enfin, un tout petit bobo de rien de tout.
Un week-end passé, ce doit être samedi je crois, l’un de mes cousins a décidé de se mettre la corde au cou, en épousant la charmante liane qui partageait sa vie depuis quelques années. Je n’étais pas associé à l’organisation alors j’ai eu une petite marge de manœuvre : arriver quand je veux, m’habiller comme je le veux, et m’en aller quand je veux. Il me fallait surtout pouvoir partir quand je veux, car c’est ce même samedi qu’a choisi Pascaline pour m’accorder enfin une sortie. Ce n’était pas le genre de rencard qu’on loupe, cher lecteur.
Pascaline était une de ces jeunes cadettes de la fac ayant toujours suscité ma convoitise, attisé mon désir, et forcé mon respect ! (Pour ma fiancée : Chérie rassure-toi, tu es la seule dans mon cœur hein, wallaye).
Charmante ? Pascaline a toujours eu cette fière allure, ce regard sensuel qui semble ne jamais se poser longtemps sur quelque chose et qui donne l’impression de mépriser autrui.
Élégante ? Misère ; elle faisait partie de ces rares filles ayant le corps qui va avec tout. En robe, en jupe, en pantalon, en culotte, en veste, en pagne, tout lui allait. Elle avait toujours la boucle d’oreille assortie avec le haut, ou la chaussure et la ceinture de même couleur… Bref, c’état une chouette fille arc-en-ciel qui illuminait mes journées chaque fois que je la croisais. Je ne vais pas vous dire par quelle alchimie j’ai réussi à me lier d’amitié avec elle ; vous risquez d’avoir des préjugés à mon égard.
Donc ce samedi, j’ai regardé sans grande attention mon cousin passer la bague au doigt à cette dame, j’ai avalé sans le savourer le riz cantonnais, et bu sans plaisir le vin mousseux servis aux convives. Au moment de quitter la salle, ma grande cousine Anty m’interpelle, et me demande de l’accompagner chez une de ses amies. Ah non, cousine désolé, il faut que j’aille chez Pascaline, moi ! Pas de soucis, accompagne moi chez mon amie, je te laisse la voiture, tu repasse me chercher quand tu auras fini avec Pascaline.
Oh Seigneur, que tu es merveilleux.
Dès que je me suis installé au volant de la Toyota Yaris toute neuve de ma cousine, je me suis juste écrié : « Pascaline, tu vas prendre drah ». Je démarre en trombe, sous une pluie qui commence à arroser la capitale. A croire que les éléments de la nature ne voulaient pas que je la rencontre, cette liane. Mais je me suis dit que même si la pluie cède à la grêle ou la neige, même si les ouragans américains s’abattent sur Lomé, je ne raterai jamais l’occasion de me présenter chez Pascaline à bord d’une Toyota. Vous dites que je suis frimeur ? Et alors ?
Malgré la pluie, j’ai parcouru la distance Agoè Fil’o Parc – Totsi en dix minutes. Il pleuvait tellement que Pascaline m’envoya un SMS pour me demander si je pouvais quitter la maison, et si la rencontre pouvait tenir, surtout qu’elle me connaissait piéton. J’étais déjà derrière la maison d’Adébayor, alors pas la peine de répondre. Une fois devant sa maison, je lui passe un coup de fil, l’air serein, pour lui demander de sortir et de rentrer rapidement dans la voiture qu’elle verra dehors.
Vous savez, quand vous avez les « moyens », vous n’avez pas besoin de beaucoup parler; les « moyens » parlent à votre place. Dès que Pascaline posa son postérieur, elle se pencha vers moi pour déposer une tendre bise sur ma joue droite. Je sais ce n’est rien, mais comparé au regard condescendant dont elle me gratifie chaque fois que je me rendais chez elle à pied ou à Taxi-moto, c’était clair que j’ai percé. Eh oui, les gars, c’est comme ça.
Elle avait un sourire si invitant, si franc, si conquis ; tellement bousculée qu’elle a commencé par prendre froid à cause de la clim. Yes, instant de gloire… Elle me laisse décider de l’endroit où nous irons dîner ; normal, quand on conduit une voiture, on est présumé connaitre tous les bons coins de Lomé, et donc partout où on va, c’est clair que ça plaira.
J’ai joué à l’hésitant, en égrenant les noms des restos que j’ai jamais fréquenté, mais avec une assurance qui ferait croire que je m’y rends tous les jours. J’ai fini par choisir Kastaz, un endroit pas mal, quelque part à Adidogomé. Le plan était simple : on arrive à Kastaz, je commande des hamburgers et des jus à emporter, et on rentre chez MOI. Quoi, j’ai des ambitions moi ; de plus, je n’avais pas assez d’argent et j’ignore quand ma cousine, la vraie propriétaire de la voiture, finirait avec son amie.
Il fallait me voir garer la voiture à Kastaz, il fallait me voir sortir de la voiture, il fallait me voir actionner l’alarme, me voir pousser la porte d’entrée de Kastaz, me voir remuer les clés en m’asseyant à une table. Oh Seigneur, je ne dois pas mourir pauvre. Jamais !
En attendant la serveuse, c’est Pascaline qui engage la discussion :
« Toi Lomé est doux pour toi hein ; tu te fais rare maintenant et tu ne te souviens de nous autres que quand tu t’ennuie ou bien ? Si ce ne sont pas des photos de toi à Gorée ou sur un bateau avec une jolie fille qu’on voit sur Facebook, on ne voit jamais ton visage. Et puis tu as été à Cotonou alo ? Tu étais aussi à Ouaga ou bien ? Hey ne mens pas, j’ai vu les photos hein. Tu m’as rapporté quoi même ? En tout cas ce soir là, moi aussi je t’ai coincé »
Je n’ai compris sa dernière phrase que lorsque la serveuse est arrivée et que Pascaline a porté son choix sur un plat de frites et de poulet, avec une canette de bière. Oui j’étais coincé car sa seule commande dépassait largement tout ce que j’avais en poche comme argent. Malgré la pluie dehors et la clim à l’intérieur, j’ai eu le front moite. Quand la serveuse s’est respectueusement tournée vers moi, je me suis mis à toussoter et à feindre le repu.
« Je viens d’un mariage alors je suis plein ; je ne prends rien, apportez sa commande ; à emporter s’il vous plait »
L’adition n’était pas si salée : un peu moins de 5.000 FCFA, sauf que je n’avais que 3.800 FCFA en tout et pour tout comme patrimoine. Je file alors à la voiture, avec la ferme conviction que les femmes laissent toujours des jetons dans leurs voitures. Si jamais je n’y trouve rien, je suis un homme mort. J’ai fouillé, fouillé et refouillé la voiture de ma cousine. Seigneur, le repas de Pascaline commençait à refroidir quand je suis tombé sur trois billets de 500 FCFA, rangés dans un pli de papier. Je file payer, tout en pressant Pascaline de rentrer. On a autre chose à manger ce soir…
Je reprenais peu à peu confiance en moi, je reprenais mes grands airs, je devenais taquin, avec des allusions perverses dans mes discussions, bref, je redevenais mâle dominant, lorsque je reçois le coup de fil que je redoutais le plus : ma cousine Anty !
« – Allo Aphtal, tu es allé à Sokodé avec la voiture ou comment ? Ce n’est pas sérieux, il fait nuit, mon amie est en train de me déposer, tu es où ?
– Dagan, je suis à Avédji, presque à Adidoadin.
– Euh alors c’est cool, nous sommes aussi à Adidoadin ; on se croise aux pavés, à l’arrêt du bus. Je vais prendre la voiture là-bas. A plus bisous »
End of the dream… game over.
Un instant, j’ai voulu filer déposer Pascaline chez moi avant de revenir livrer la voiture à Anty, mais connaissant ma cousine, c’était un risque à ne point prendre. Il valait mieux ramener la voiture à temps, pour pouvoir la prêter plus tard, pour d’autres occasions.
Anty m’attendait déjà. Je demande à Pascaline de descendre ; je rends les clés ; Anty s’installe, et voulait me donner de l’argent pour mon déplacement, mais ne retrouve plus les 1.500 FCFA qu’elle avait déposé sous le volant, suivez mon regard ; elle me fait une bise, et démarre, me laissant seul sous la légère pluie, là sur les pavés, avec Pascaline à côté.
– Bon, chérie, on se tape un Zed, et on va chez moi en même temps, alo lékéo ?
– Oh Aphtal, il est presque 22h et puis d’ici, je peux rentrer plus rapidement, inutile qu’on aille encore à Cacaveli ; on se voit après non ?
Je n’ai même pas insisté ; je l’ai regardé monter sur un taxi-moto, avec le plat de poulet et la canette de bière sous le bras. Je n’ai pas pleuré tout de suite hein, non ! C’est lorsque je me suis fait le trajet retour à pieds, sous une pluie de plus en plus forte, et que Pascaline refuse de décocher mes appels, que j’ai sombré.
Nos fiancées ne nous coûtent que dalle ; on perd nos économies dans des stupides perspectives d’hypothétiques culbutes. Toutes les femmes ne peuvent pas faire partie de nos vies ; celles qui décident d’en faire partie ne sont pas exigeantes, alors rendons les heureuses, au moins. Elles le méritent bien, je crois.
J’ai dit !
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