3 octobre 2012

Être et paraitre

Image: Google

 

Être et paraitre… c’est le titre que j’ai choisi pour mon deuxième roman. J’y raconte l’histoire d’un jeune gosse de riches capable d’user plusieurs faces de sa personnalité. Le manuscrit est toujours en relecture aux éditions Awoudy. En attendant, il y a eu un évènement qui a fortement consolidé ma conception selon laquelle, au Togo, priorité est donnée à l’apparence. Tu te négliges, on te néglige. Une sorte d’appréciation au faciès, quoi.

Point plus tard que le vendredi dernier, je fus épuisé par une longue et pénible lessive qui s’imposait à moi. Je l’avait tellement évitée, repoussée puis reprogrammée, qu’il ne me restait plus grand chose à me mettre; déjà que ma garde-robe n’est pas terrible. Vendredi donc, j’ai passé toute la journée à blanchir mes vêtements. J’en était tellement lessivé moi-même, au point où j’ai dormi tel un nouveau-né tout l’après-midi. Je crois même avoir sucé mon pouce, ce jour là, tellement sommeil-là était doux et reposant. J’ai fini par me réveiller en sursaut, parce que je devais aller à la banque du coin, récupérer des sous qu’un cousin bien-aimé a eu la condescendance de m’envoyer par Western-Union. Un coup d’œil furtif à l’horloge: il ne me reste plus que 45 minutes pour rejoindre l’agence Ecobank d’ Agoè, avant la fermeture. Sans trop réfléchir, je me rue vers la douche et me débarbouille avec trois poignée d’eau fraiche. Je file m’habiller, mais mon armoire est désespérément vide. Je cours désespérément vers la corde à sécher pour vérifier si une chemise était en état de servir. La seule qui avait le mieux séchée, était un peu humide dans la zone des boutons et du col. Aucun pantalon n’était en état de servir. Soit! J’irai à la banque dans ma chemise à moitié humide, sur un jean baggy, avec des chaussures bata, en peau de bête. Je saisis mes documents officiels (carte d’identité, d’étudiant, carte bancaire), puis le fameux papier sur lequel j’ai griffonné les dix chiffres magiques qui me permettront d’entrer en possession de mes 35.000 fcfa. Le trajet de chez moi à la banque dura 26 minutes, exactement. Lorsque je tentai d’ouvrir la porte, le vigile me héla avec un air empli de mépris et de méchanceté. « hé toi là, tu vas où comme ca? Vous attendez quand l’heure est finie pour venir déranger les gens! il ya quoi? », me lança t-il. Je lui expliquai l’urgence du moment, mais il ne semblait point convaincu. Il finit par me laisser rentrer, non sans avoir minutieusement vérifié mes pièces d’identités.

J’arrive tout en sueur à la caisse réservée pour les opérations de Western-Union. Je devais être servi dans moins de  quatre minutes car la dame que je suis était en train de vérifier le montant qu’on lui a tendu. Elle s’éloigne, je m’approche de la vitre qui me sépare du caissier. Celui-ci me regarde avec une indifférence glaciale. Il reluque surtout ma chemise coloriée mal séchée et non repassée, et mon front tout en sueur. Il prend mes papiers que je glisse sous la vitre, les regarde, puis tape quelques trucs sur son clavier d’ordinateur. Il regarde à nouveau ma carte d’identité puis me tend un papier à remplir, ce que je m’empresse de faire. Il regarde les informations que j’y ai inscrites, consulte à nouveau son ordinateur, puis me dit que les informations sont erronées. Comment ça? Le prénom que j’aurai mis ne correspond point à celui de l’envoyeur.

« Oui mais, puisque c’est du même gars, habitant la même ville, ayant envoyé la même somme, fais moi l’opération non? » Lui répondis-je sur un ton presque suppliant.

– « Il est l’heure », répond-t-il en dénouant sa cravate bleue et en éteignant l’écran de son ordinateur. « Reviens demain », ajouta t-il pour enfoncer le clou.

Malgré ma haine, mon mécontentement, et tout ce que vous connaissez comme sentiments qui suivent la perte d’un gain escompté, je me tut puis tourna les talons. J’avais véritablement besoin de cet argent. Le week-end allait être hard, si je ne touche pas à cet argent.

Ce samedi, j’avais une conférence à l’auditorium de l’IHERIS (Institut des Hautes Etudes des Relations Internationales et Stratégiques), conférence animée par l’éminent Pr Eric David. Le protocole exigeait donc un costume. J’étais le plus beau de la conférence, dans mon ensemble Pierre Cardin, avec une magnifique cravate slim grise, unie. La conférence, heureusement se termina assez rapidement, ce qui m e permit de repasser par la banque avant de rentrer. Les samedi, la banque faisait demi-journée, donc avec un peu de chance, je peux toucher au transfert.

A une dizaine de mètres de la porte d’entrée, le vigile en faction, le même de la vieille, accourut me souhaiter la bienvenue. Le temps de lui répondre, il s’empara de la poignée de la porte pour me l’ouvrir. Je ne le remerciai même pas, puis me dirigeai vers la caisse. Le même caissier de la veille, tout sourire, me souhaite la bienvenue et me demande la raison de ma visite. Je lui remet le bout de papier, le même que la veille, qu’il parcourt rapidement. Il fait une petite vérification, puis me demande poliment si l’envoyeur n’a pas un autre prénom que je connais. Exprès je lui réponds non, en lui disant que c’est mon cousin, et surtout en lui rappelant la ville dans laquelle il vit. J’ajoute même que je viens de recevoir un appel de lui comme ça.

« votre carte d’identité s’il vous plait, Monsieur », dit-il. Je la lui remet, puis quelques minutes après, il me sort le cash, l’argent, le xaalix, que je prends et fourre fortement dans la poche interne de ma veste. Je signe le reçu qu’il me tend, reprends mes papiers, puis ressort. Le vigile, m’attendant, m’ouvre de nouveau la porte puis me souhaite bonne journée. Je lui remets une pièce de 100 FCFA qu’il prend en se pliant en deux, et en remerciant mes ascendants et bénissant mes descendants. Je fais semblant de minimiser, puis je resserre ma cravate, avant de me diriger vers l’arrêt de taxi.

C’est là j’ai compris qu’au Togo là, si tu fais malin pour être sale, c’est là on va faire malin pour essuyer les pieds sur toi.

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Commentaires

Mouinat
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Ils ne traitent les gens que par rapport à leur paraitre sans savoir que l'habit ne fait pas le moine

Aphtal CISSE
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Chère amie, c'est bel pourtant par l'habit qu'on reconnaît le moine...

Alice
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Avec Western union, c'est toujours la même chose une arnaque toujours une arnaque...que ce soit pour de l’immobilier ou des œuvres caritatives ou même dans des cas les plus loufoques comme le tien.

Aphtal CISSE
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On dirait que tu as une dent contre W-U, chère Alice. J'espère te voir ici plus souvent. Cordialement, Aphtal

masse
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Hahahahaha, y a qu'à toi que cela arrive. Mais c'est vrai que le caissier de l'agence Agoè laaaaa pfffff