Douleure silencieuse (Extrait de être et paraître)

24 octobre 2012

Douleure silencieuse (Extrait de être et paraître)

Voiture Mohamed. (Image Google)

(…) La nuit du même jour, aux alentours de huit heures du soir, Françoise  rendit visite à son prince charmant. Comme Mohamed voulait manger du poulet avec des frites au diner, Françoise se proposa donc d’aller surveiller la cuisson elle-même et par ricochet, discutailler quelque peu avec Odile. Celle-ci finissait à peine de pleurer et tentait de se refaire une mine radieuse. Pourtant, elle dissimulait mal son gêne et sa frustration. Elle ne pouvait soutenir le regard de Françoise. Elle était très mal à l’aise et triste. Mais que diantre avait prit Mohamed pour qu’il fasse cela ? Françoise est une fille très belle et possède tout pour plaire. En plus de sa beauté, elle est très respectueuse et c’est ce respect qui empêchait Odile de croire qu’elle eut une relation intime avec Mohamed. Et pourtant les douleurs sourdes qu’elle sentait au bas ventre lui rappellent aisément l’existence de cette relation contre nature. L’expression contre nature n’est point utilisée pour condamner le fait qu’un homme puisse avoir des relations sexuelles avec une domestique. Loin s’en faut ! Mais ce qui est condamnable, ce sont les circonstances dans lesquelles ses relations ont eut lieu. Abus d’autorité, intimidation afin d’avoir les faveurs d’une femme sont le degré de bassesse qu’un homme ne doit point atteindre.  Françoise put  remarquer qu’Odile a une attitude différente de celle des autres jours. Elle était peu enthousiaste, distraite, et fuyait son regard. Elle répondait à peine aux questions, et les blagues ne la faisaient point rire… Face aux comportements étranges d’Odile, Françoise ne put s’empêcher de nourrir des soupçons. Mohamed lui aurait-il dit des méchancetés ? Aurait-il porté la main sur elle ? Elle questionna Odile qui refusa d’avouer quoi que ce soit, prétextant soit une migraine, soit une douleur au bas ventre. Françoise se mit à insister, tant et tant qu’Odile commença par pleurer. Elle pleura abondamment. Elle pleura comme jamais elle n’a pleuré. Françoise en fut émue. Les pleurs d’Odile étaient sincères. Après s’être longuement vidée de ses larmes, elle consentit à parler. Elle raconta tout dans les moindres détails. A la fin de son récit, elle s’excusa auprès de Françoise et lui demanda fermement de ne pas questionner Mohamed à ce propos.

Françoise demeura interdit quelques minutes. Elle sait que  Mohamed entretenait de rapports avec plein d’autres filles, mais de là à se rabaisser à ce point, elle ne pouvait l’admettre. Elle garda son calme, remercia Odile pour sa franchise, la calma et la rassura. Elle lui offrit ensuite quelques cachets pour calmer la douleur qu’elle avait au bas-ventre, puis sortit rejoindre Mohamed dans sa chambre.

Lorsqu’elle entra, la télé était allumée et Mohamed était couché à plat ventre, lisant un magazine posé à même le sol. Elle baisse le volume du poste téléviseur puis rejoint Mohamed sur le lit. Elle hésite sur la conduite à tenir. L’attaquer de front ou parler en paraboles ? A quoi pouvait-elle s’attendre comme réaction ? Encaisser des gifles, supporter des injures, accepter un silence méprisant ? Peu importe. C’est un combat pour la dignité. Point pour la sienne, mais pour celle de Mohamed lui-même ou du moins celle d’Odile. Ce soir, elle prit son courage à deux mains et interrogea sérieusement Mohamed. Elle parla longuement avant de porter ses accusations. Elle parla encore quelques minutes avant de passer la parole à l’accusé. Mohamed ne nia point. Il s’expliqua et même, plaida coupable. Il finit par se confondre en excuses. Sincère ou point, c’étaient des excuses quand même. C’est la première fois que Françoise réussit à mettre Mohamed dos au mur. En deux ans et demi de fréquentation, jamais Mohamed ne s’expliqua ou s’excusa. Elle eut bien envie de profiter de la situation afin de crier elle aussi toutes ses frustrations jusque là enfouies. Françoise se mit à hausser le ton et à faire des reproches. D’abord silencieux, Mohamed la supplia d’arrêter. Hélas. Elle braillait de plus belle. Pour toute réaction, Mohamed se leva et quitta la pièce. Il descendit se réfugier au salon. En plus d’être malpoli, c’est un lâche. Oui. Tout homme qui tourne dos aux conséquences de ses actes n’est qu’un lâche. Rien de plus. Mais à y voir de près, Mohamed se sachant susceptible, voulut quitter la confrontation avant que la situation ne dégénère. Françoise demeura seule dans la chambre et, se sentant humiliée, décida d’en découdre avec Mohamed, où que ce soit, une bonne fois pour toutes. Elle dévala rapidement les escaliers. Une fois en face de Mohamed, elle se mit à l’abreuver d’affronts. Mohamed tenta de la calmer ; en vain. Il essaya de se retenir, du mieux qu’il pouvait. Hélas, Françoise devint insupportable. Pour faire court, il lui assena une violente gifle, ce qui eut pour effet de la calmer quelques instants. Elle se mit à pleurer. D’abord silencieusement. Puis elle se mit à sangloter à haute voix et à frapper Mohamed. Celui-ci se mit alors à la battre sérieusement comme avec un adversaire de force égale. Françoise n’eut aucune autre option que de s’en aller, à la fin de la bastonnade, toute en larme, sans demander son reste.

Moi je me pose certaines questions, à ce niveau. Pas vous ? Eh bien, qui est responsable de cette situation ? Mohamed qui a du mal à tenir sa libido en bride, Odile qui n’a pas su taire ses douleurs et son affront, Françoise qui est incapable de faire un reproche sans crier, ou encore Mohamed qui ne peut faire preuve de sang-froid et d’humilité ? A mon niveau, j’y cogite toujours.

Google: Image corresppondant à un viol

Quelques instants après le départ de Françoise, Mohamed entra en trombe dans la chambre d’Odile, l’arracha de son lit et se mit à la battre férocement sans lui demander quoi que ce soit. Plusieurs minutes durant, la domestique essuya des coups violents et précis de son petit patron. Le gardien, attristé par le sort de son amie, voulu s’interposer mais pensa à sa famille qu’il devait nourrir. Il garda silence et retourna tranquillement à son poste, le cœur lourd et la mort dans l’âme. Il aurait-bien voulu interrompre Mohamed, il pouvait même le maitriser. Hélas ! La stabilité de son foyer en prendrait un coup. Honte à ce gardien qui, à cause du gain, ferma son cœur aux cris de détresses d’une innocence violée. Sinistre silence. Coupable silence. Blâmable silence. Qu’aura-t-il à dire après, pour sa défense ? Mais d’autre part, il faut le comprendre. Il ne travaillait pas pour le compte d’une société de gardiennage. C’était un poste par pitié que par nécessité et il savait qu’il ne méritait pas son salaire, en tout cas pas les largesses de Mocktar Yasser. Il n’était pas indispensable à la sécurité de la maison, mais était présent à titre purement symbolique. Un poste pareil, on réfléchit longuement avant de le perdre. Dans un contexte socio-économique où les enfants n’ont aucun égard pour le père qui n’a aucun emploi, où les épouses tournent le dos la nuit aux maris sans source de revenus, il vaut mieux fermer sa conscience à l’appel de l’humanité.

Mohamed continuait à frapper sans aucune pitié ni considération. Odile avait déjà le visage plein de bleu, les lèvres tuméfiées et le corps endolori. Pour finir, Mohamed baissa son pantalon, ôta violemment le pagne d’Odile et la viola systématiquement. Celle-ci se mit à supplier, à invoquer tous les dieux et à implorer la clémence et la magnanimité de Mohamed. Comme celui-ci semblait insensible à ses supplications, elle arrêta de crier, et subit ses tribulations en silence. On eut cru qu’elle prenait un certain plaisir aux violents coups de reins de Mohamed, mais il existe des douleurs si bruyantes et si vives qu’elles ne sont plus extériorisables. Ce sont des douleurs muettes. Ces douleurs qui vous plongent dans un état second, et qui vous  anesthésient. La douleur atteint un tel degré qu’elle devient indolore. Vous avez tellement mal que vous en riez, vous criez tellement fort que nul ne vous entends. Votre cri est si strident qu’il n’alerte que vous-même. Odile vivait cette douleur ; dans sa chair, dans son esprit, dans son âme. Dès que Mohamed finit sa sale besogne, il se leva et regagna sa chambre pour prendre une douche.

Les premiers cris d’Odile avaient pourtant réveillés les voisins. Certains s’étaient même levés et osés mettre le nez dehors. Mais lorsqu’ils s’aperçurent que les cris provenaient de la demeure Yasser, ils secouèrent la tête, indignés, puis rentrèrent chez eux. Aucun d’eux n’avait ni l’envie ni la force d’entrer en conflagration avec les Yasser. Ce qui se passait dans cette demeure ne les regardait en rien, pensaient-ils. Cela relevait du domaine réservé de la maison. Chacun n’était-il pas maitre chez lui ? Le droit souverain de la propriété ne faisait-il pas de chaque propriétaire, souverain absolu de sa propriété ? Cependant y a-t-il une frontière à la douleur ? Que nous reste-il de notre humanité, si nous ne sommes pas capable, dans une moindre mesure, de demander les raisons de tels cris ? Qu’avons-nous à enseigner à la postérité si nous nous murons derrière des peurs stupides au point d’être complices passifs d’atroces exactions ? Odile venait d’avoir sa dose. Elle savait que personne n’oserait intervenir, qu’elle était seule dans son combat et dans son tourment. Abattue, elle demeura couchée quelques longues minutes avant de prendre une douche. Elle avala de nouveau deux comprimés des cachets que Françoise lui avait offerts un peu plus tôt, puis sortit. Elle éteint les lumières, ferma soigneusement la porte de sa chambre, admira une dernière fois la maisonnée, ouvrit le portail puis disparut dans le noir… (…)

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Commentaires

Mouinat
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la domestique n'est pas coupable.ce n'est pas facile de cacher sa souffrance.si la femme a eu ce comportement c'est parce qu'elle s'est sentie humiliée et dans de pareilles circonstances c'est difficile de se contrôler.ce monsieur n'est qu'un lâche.il est inhumain.la femme ne doit pas être considérée comme un objet de plaisir

Aphtal CISSE
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Hmmmmmm réaction d'une femme activiste, je crois. Lol