24 octobre 2012

Togolese Dream

Image: Balthazard-picsou, Blog de Tsepo (Toietmoi.tg)

Bien le bonjour à vous, chers amis. C’est toujours avec plaisir que je pose mes fesses pour plancher sur un sujet qui nous intéresse tous. Vu que vous êtes de différentes nationalités, de divers horizons, ne partageant guère les  mêmes réalités, il m’est d’une difficulté inextricable d’aborder des sujets universels, des sujets qui intéressent tout le monde ; de mettre par écrit des récits dans lequel tout le monde pourra se retrouver. Bref, il est difficile à ce blog d’être un miroir pour tous. Cependant, il y a quelque chose que je peux faire à travers ce blog : Présenter le Togo à vous autres ; peindre le Togo sous toutes ses coutures, toutes ses couleurs, le Togo de tous les jours, le Togo d’en bas quoi.

Bien ! Regardez bien ce jeune homme sur la photo. Oui ce jeune, calme, serein, avec un verre à la main. L’avez-vous bien regardé ? Si oui, eh bien je vous présente « le nouveau togolais ». Oui le nouveau togolais, ou plutôt le profil du togolais contemporain. Vous vous demandez sûrement ce qu’il a d’extraordinaire, ce qu’il a de particulier ! Je vous le dirai volontiers.

Le jeune que vous regardez sur la photo, censé incarner le nouveau togolais, nous l’appellerons Kpatcha. Eh bien Kpatcha est un jeune homme, togolais, ayant vingt-trois printemps à son compteur biologique. Il est issu d’une famille modeste, dont le père est un comptable retraité, et la mère secrétaire dans une société de gardiennage. Kpatcha a toujours cru au travail libérateur, et s’est toujours fixé comme objectif, de vite réussir sa vie, aider ses parents et soutenir ses jeunes frères à terminer également leurs études. Quelle voie privilégier, outre celle des études ?  Kpatcha fit de très bonnes études secondaires, et obtint son Baccalauréat. Premier étudiant de la famille, il bénéficia de tous les soutiens qu’une famille moyenne togolaise peut accorder à l’un de ses membres. On réussit à lui bailler une chambre dans la capitale, pas trop loin du campus universitaire.

Les inscriptions terminées, Kpatcha se retrouve en Faculté de sciences, option Biologie. Tout lui était nouveau : Les unités d’enseignements, les manières de dispenser les cours, les programmes beaucoup plus allégés et surtout le manque de contrôle. Ce à quoi ne s’attendait pas vraiment notre « nouveau togolais », c’est que les cours soient payants. Au fait, le professeur venait avec l’intégralité de son cours, et ceux qui voulaient l’avoir devaient cotiser afin qu’on le leur photocopie. Bizarre. Sur les dix-huit unités d’enseignement que Kpatcha doit suivre, dix-sept étaient à photocopier, et croyez moi, aucun ne comportait moins de quatre-vingt quinze (95) pages. Calcul-rapidement, Kpatcha devait débourser plus de 950 FCFA par unité d’enseignement. Lui qui avait du mal à joindre les deux bouts, lui qui fit suer ses parents pour qu’on lui achète de nouveaux cahiers grand-format, comment allait-il s’arranger pour avoir ses cours ?

Qu’à cela ne tienne ! Ses cours, il les aura, tôt ou tard. Sauf qu’à l’Université de Lomé, ceux qui ont leurs cours tardivement ne s’en sortent presque jamais. Kpatcha suivait donc les professeurs sans le cours pendant au moins une quarantaine de fois, avant de pouvoir faire la photocopie du cours. Et dès qu’il avait le cours, il ne perdait aucune minute. Il vivait et étudiait comme cela depuis déjà six mois. On finit par accorder aux étudiants leurs allocation boursière, et Kpatcha en profita pour régler son loyer, s’acheter quelques vivres, et à rendre visite à ses parents avec un gros pain et quelques boîtes de sardines sous le bras.

A la fin du semestre, Kpatcha ne réussit à valider que quatorze matières sur les dix-huit programmées pour son parcours. Il fit rapidement la moyenne de ses notes, et se rend compte qu’il avait une moyenne de 13,43. Le compte est bon. Il ne démérite pas. Seulement peu de temps avant les congés, une note explicative à l’intention des étudiants dispose qu’avec la nouvelle donne, avec les exigences du système LMD, tout étudiant n’ayant pas validé toutes les unités d’enseignement de son semestre, n’avait pas le droit de s’inscrire dans certaines matières du semestre prochain. Une histoire de pré-requis. Le semestre suivant, Kpatcha ne fut autorisé à s’inscrire que dans dix matières sur seize.

… trois années plus tard…

Kpatcha est désormais un étudiant aigri, épuisé par tous ses efforts, nécessaires à sa réussite universitaire et à sa survie. La Licence semble repoussée aux calendes grecques. Il était en sixième semestre de Biologie, mais il lui reste énormément de matières à reprendre dans les semestres précédant. Entre temps, il perdit son père ; sa petite sœur avançait également dans les études, avec son cortège de dépenses. Du coup, les études ne sont plus sa priorité ; il cherchait à survivre. Il ne se voyait plus en blouse blanche penché sur un microscope dans un laboratoire de recherche, il ne se voyait plus en train de donner des conférences pour exposer ses découvertes, il ne se voyait plus innover dans le domaine cellulaire. Tout ce qui l’importe, c’est de pouvoir se procurer les trois repas quotidiens.

Kpatcha que vous voyez à l’image, c’est le commun des togolais. Il n’a plus de rêve, il n’a plus d’idéal, il n’a plus d’ambition, il n’a plus de projet, il n’a plus d’avenir. Tout ce qui lui importe, c’est son pain quotidien. Être capable de manger là tout de suite, à chaque jour suffit sa peine ! Demain s’occupera de lui-même. Kpatcha vit au jour le jour.  Si des camarades l’invitent à partager une bière, il ne se fait pas prier. Le campus ? Il s’y rend lorsqu’il s’ennuie, ou lorsqu’il doit rencontrer des amis. Il enchaîne les petites tâches dans des supermarchés, des bistrots ; il accomplit de petits boulots pour ses amis qui ont les moyens de lui glisser un billet.

Je vous parle de Kpatcha, parce que Kpatcha, c’est moi ; c’est aussi toi, cher lecteur, c’est peut-être le mec qui est assis à l’autre bout de ta table, c’est le mec qui vient de te servir, dans le cybercafé où tu me lis ; c’est aussi ce gars, inscris en gestion, ou en Droit, en Médecine ou en Sociologie, en Chimie ou en Linguistique. Je, nous croisons tous les jours des Kpatcha partout où nous allons.

Que voulais-je dire en fait par cette histoire ?

Eh bien, le système éducatif au Togo, surtout l’enseignement universitaire, passez moi le terme : c’est la merde !  Il n’existe pas de faculté où il n’y a pas le même problème d’unité d’enseignements, de crédits, et autres. En 2008, le Président de la République signa, avec le Premier Ministre et le Ministre de l’enseignement supérieur d’alors MM Komlan Maly et Aduayom M, un décret mettant en application le fameux système LMD. Pour faire court, voici un lien pour plus d’explication sur ce système (LMD). Il n’y eut pas de phase d’explication en bonne et due forme, il n’y eut pas de faculté ou d’année d’expérimentation, il y a juste application à l’ensemble des facultés et école de l’Université de Lomé, chamboulant ainsi tout l’ordre qui était établit. Je m’explique : Un étudiant en troisième année, ayant réussi avec l’ancien système (calcul de moyenne), pouvait facilement se retrouver en première année, s’il n’avait pas validé une matière fondamentale.

Bref, le gouvernement togolais n’a aucune politique de l’éducation, et cela s’exprime à loisir à travers l’explosion des universités privées. L’université publique est un véritable échec. Il y a trente ans, l’université de Lomé était la référence dans la sous-région, et tout le monde voulait s’y former. A présent, aucune université régionale ne fait confiance aux diplômes togolais. Essayez de vous inscrire en Master au Bénin ou au Burkina avec une Licence togolaise, vous comprendrez mieux. N’essayez même pas de vous rendre au Sénégal. Cela ne m’étonne pas, car sur un même territoire, il n’existe pas de mobilité universitaire. Impossible pour un étudiant à l’Université de Lomé de poursuivre ses études à l’Université de Kara, et vice-versa. Quelle dichotomie ! Quelle aberration !

Ce que j’en pense.

Il faut une véritable réforme de l’éducation au Togo, de la maternelle à l’agrégation. Les programmes, les enseignements et les enseignants, tout cela doit subir une profonde transformation. Il faut qu’il y ait des alternatives à l’école. L’école minimale et gratuite pour tous, d’accord, mais à côté, il faut apprendre à faire autre chose, et sur ce point, les pays anglo-saxons sont de vénérables maitres. Il faut durcir le Baccalauréat. C’est vrai qu’au Togo, le seul diplôme qui ne souffre d’aucun critique ni de doute demeure le Bac II. Cependant, depuis un certain moment, il y a trop de bacheliers. La moyenne requise pour l’obtention du Bac est revue à la baisse, et cela n’augure rien de bon, à mon avis. Le Bac doit être l’ultime tri. Il faut être illuminé pour l’avoir.

Maintenant que l’on a le Bac, on ne doit pas obligatoirement s’inscrire à la fac. Les études supérieures doivent être réservées à une élite bien précise : soit on est riche, et on peut se payer les frais d’inscriptions et les cours, soit on est intelligent, et on bénéficie d’une bourse. Sérieux. N’IMPORTE QUI PEUT AVOIR LE BAC, MAIS TOUT LE MONDE NE PEUT PAS FAIRE DES ÉTUDES SUPÉRIEURES. L’université publique au Togo est moins chère. Très moins chère. Trop moins chère. Avec 25.000 FCFA (environ 45 Euro), on peut s’inscrire en Faculté de Droit, en Médecine, ou en Biologie. A ce prix, ajouté au manque de volonté politique, tout le monde se rue vers l’université. Conséquence : infrastructures insuffisants, mauvaises conditions d’enseignement, échecs massifs aux examens, et absence d’emplois aux rares diplômés.

Maintenant qu’on est arrivé à s’inscrire à l’Université, l’on a le droit de suivre des unités d’enseignements pointus, adaptés à nos réalités, adaptés à nos besoins, à notre étroit marché de l’emploi. Comment expliquer qu’un étudiant en Géographie répète bêtement « on cultive 1.000 tonnes de blé autour de la Garonne », alors qu’il ignore qu’on cultive de la canne-à-sucre à Togblecopé ; comment comprendre qu’un étudiant en Linguistique connaisse parfaitement  l’origine du mot anglais « Freedom », alors qu’il ne sait pas dire le même mot en Kotokoli ou en Kabyè

De toutes façons, l’éducation nationale au Togo est en crise depuis belle lurette, c’est un principe acquis, je ne vous apprends rien. Je ne demande qu’une chose : que mon gouvernement y travaille sérieusement. Il y va de la survie et de la relève de ma nation

J’ai dit.

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Commentaires

RitaFlower
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Je me suis inscrite à votre NEWSLETTER mais je ne sais pas si ma demande a été prise en compte.Bien à vous.A la prochaine...sur votre blog:TOGOLESE DREAM.

Aphtal CISSE
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Bien sûr qu'elle sera prise en compte. Merci pour votre intérêt, RitaFlower

RitaFlower
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Enchantée de faire votre connaissance chère KPATCHA,quelle histoire votre histoire...tant qu'il y a la vie,il y a l'espoir.Vous etes déjà un ENTREPRENEUR puisque vous avez créé votre propre blog.Ca me rappelle une histoire vraie bouleversante que j'avais lu sur le blog de DAVID KPELLY sur un des ses amis MORT de désespoir.Vous avez l'air d'etre un garçon intelligent.COURAGE,la vie vous appartient,CONTINUEZ...

Aphtal CISSE
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Oui, je vois de quelle histoire il s'agit, chère amie. David Kpelly est un monument des blogs. lol. Cordialement, Aphtal