15 décembre 2012

Quels emplois pour quels chômeurs?

Jobless. Image: precaires.free.fr

S’il y a une équation bien difficile à résoudre, par les gouvernements, c’est bien celle de l’emploi. Aucun gouvernement, aucune nation n’est épargnée par le fléau du chômage. Des USA au Zanzibar, en passant par la France, le Togo, le Bénin, le Sénégal, il existe toujours des diplômés en attente de leurs premier emploi. Certes, certains pays sont plus conscients du problème et font des efforts plus que d’autres, mais est-il que c’est un problème qui n’est pas l’apanage d’une seule nation.

Avec un peu d’objectivité, il appert que les pays anglo-saxons s’en sortent mieux que les pays francophones, en tout cas en ce qui concerne les colonies de la Couronne et celles de l’hexagone. C’est, ma foi, un problème d’éducation, car nous, héritiers de la culture française, ne connaissons que l’emploi salarié, alors que les jeunes du Commonwealth savent entreprendre dès le jeune âge. Pour nous, si ce n’est pas emploi où on noue cravate et on s’assoit dans climatiseur, ce n’est pas emploi, donc, on a nos diplômes, et on attend une embauche répondant à ces critères. Du coup, le Togo s’est vu obligé de créer une Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE).

Mais le problème demeure. Chaque année, de nouveaux bacheliers, de nouveaux titulaires de Licence ou maitrise, des techniciens Supérieurs, sont déversés sur l’étroit marché de l’emploi. Pour faire bonne figure, le Togo a encore lancé une structure pour le Volontariat National (PROVONAT). Là aussi, c’est un autre problème, parce que, entre formation et marché de l’emploi, il ya un grand fossé. Nous avons des diplômes qui ne nous servent à rien, en tout cas, pas à grand-chose. D’où viendra le secours ?

C’est là, qu’un nouveau concept à fait son apparition : Entrepreneuriat ! La population a commencé à être éduqué sur l’impossibilité de la fonction publique a absorber tous les diplômés, et sur les exigences du secteur privé, rendant très sélectif les postes à pourvoir. Alors, chers togolais,

« vous ne voulez pas être votre propre patron ? Vous n’êtes pas fatigués de dire oui chef, oui patron, tout le temps ? Vous ne voulez pas que quelqu’un vous appelle patron ? Que quelqu’un vienne nettoyer votre bureau pendant que vous prenez du café à la maison avant d’arriver au boulot ? Mais vous aussi vous êtes nés pour commander, pour ordonner, pour être respecté, pour être patron, pour dire pour que ce soit fait ! Ou bien ? »

Eh oui, il faut à présent entreprendre quelque chose soi-même, avant d’avoir du soutien ! Ah maintenant c’est la loi divine qui s’applique : Mets le fardeau sur les genoux, avant de demander de l’aide pour le mettre sur la tête. Et on nous a abreuvé des bienfaits de entrepreneuriat, de l’auto-emploi, de la jeunesse en mouvement…

Comme tout le monde veut être patron…

Du jour au lendemain, tout le monde est devenu  « entrepreneur ». Ekiéé ! Tous mes camarades ont commencé à porter des vestes d’occasions, des chaussures au bout pointues, des cartables lourds, et arborent le titre d’entrepreneurs !

« Tchalé, c’est comment, tu deviens quoi ? Oh je me bats, je suis maintenant entrepreneur. Sans blagues ! Et tu entreprends quoi ? Oh ne t’en fais pas, on en discutera lorsqu’on va se voir ok ? ».

Ce sont des échanges comme celui-là que désormais, je tiens, avec des amis en Sms ou sur Facebook. Du coup, un cafouillage total s’est installé dans le pays, surtout à Lomé.

Sans véritable idée, sans objectif, sans études de terrain, sans plan d’action, tout le monde est devenu patron, au nom de l’auto-emploi. A cela s’ajoute le manque d’accompagnement de l’état, et des institutions financières. Franchement, le refus des banques, moi je le comprends, car nombre de ces jeunes entrepreneurs manquent de conviction, et n’arrivent pas à convaincre. Mais ce que moi je n’ai pas compris, et que nos entrepreneurs n’ont pas pris en compte, c’est le silence de nos lois. Le droit commercial au Togo est régit par les textes de l’OHADA, précisément l’AUDCG  (Acte Uniforme relatif au Droit Commercial Général), et l’AUSC-GIE (Acte Uniforme relatif aux Sociétés Commerciales et Groupement d’Intérêt Économique). La loi pouvant souffrir d’interprétation, il m’est apparu que nos textes se bornent à parler de « commerçants », et pas d’entrepreneurs. En effet, entre ces deux, c’est le jour et la nuit.

Pour créer un Établissement et avoir une carte d’opérateur économique, ce n’est pas si facile, mais ce qui l’est encore moins, c’est de créer une Société, quelque soit sa forme (SARL, SCP, SA, SCS, SNC…). La Société la moins chère est la Sarl, avec pour capital minimum 1.000.000 FCFA ! Vous comprenez alors qu’en l’absence de texte, et à défaut de la confiance des banques de la place, nos jeunes entrepreneurs ont tôt fait de déchanter. Heureusement qu’il existe une autre catégorie de chômeurs-entrepreneurs

A quelque part, malheur est bon.

A l’époque, je n’étais pas véritablement diplômé, donc ce problème d’emploi, m’importait peu. Néanmoins, déjà en troisième année de Droit des Affaires, on nous sollicitait sur quelques questions de fiscalité et autres domaines y afférant, surtout celles portant sur le droit spécial des sociétés. C’est ainsi qu’un groupe de jeunes « diplômés » m’a approché, me demandant des conseils pour « entreprendre ». Ils étaient cinq, motivés, éloquents, et disposaient d’une importante somme de démarrage. Mon premier réflexe fut de leur proposer une SARL, mais je n’avais pas de raison sociale et d’objet à leur proposer. Puis, le malin qui sommeillait en moi se réveille.

Illuminé… (Image: Google)

Attendez, il existe beaucoup de jeunes qui entreprennent, nous n’avons pas de textes, et les marchés locaux sont déjà saturés par les grosses sociétés préexistantes. Pourquoi ne pas se mettre plutôt en association, pour venir en aide aux entrepreneurs ? Comment ? Mais oui ! Créer une association, c’est ce qui est le plus facile ; même si  les associations sont essentiellement à but non lucratif, il ne leur est pas interdit de faire des économies : Créez une association, à objet imprécis, et organisez des séances de formations à l’endroit des entrepreneurs indélicats.

C’est ainsi que pour sortir du chômage, des chômeurs ont décidés d’exploiter d’autres chômeurs, en leur offrant des formations (payantes bien sur) sur  les démarches à suivre, les portes à frapper, comment étudier le marché, comment faire la différence, comment approcher les banques, comment avoir confiance en soi, bref, comment devenir un leader, et être son propre patron. Cette orientation a permis à cette association de se faire une place au soleil, et même de bénéficier du soutien des autorités locales.

Mais bon, après plusieurs mois de vaches grasses, d’autres structures ont vu le jour, avec pour objectif de former les jeunes à l’auto-emploi. Qui a dit que togolais n’a pas de l’imagination ? Même si  c’est pour copier son prochain, on y ajoute une touche personnelle, et très rapidement, tous les chômeurs sont devenus formateurs de chômeurs. Du coup, il n’y a plus de personnes à former, et…tout le monde se retrouve à la case « chômage technique ».

En tout cas, en attendant de trouver une autre idée et un fonds de démarrage pour sortir du lot et « faire la différence », vivement que des textes soient pris en faveurs des entrepreneurs, afin de leur faciliter l’installation, l’accès au crédit, et le régime fiscal.

J’ai dit !

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Commentaires

nathyk
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C'est un sujet tres interessant,, j'espere faire un prochain article la-dessus en guise de reponse pour partager l'experience de certains jeunes africains dans le domaine.

Aphtal CISSE
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Vivement à te lire, grande-soeur et... psy préférée. J'ai hâte. Bisous
Aph Tahl

RitaFlower
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Mon cher Aphtal,le secret pour se sortir du système du chomage prolongé est de tisser des relations professionnelles,de nouer des contacts,d'avoir des connaissances de préférence avec des gens hauts placés qui peuvent ensuite t'embaucher dans leurs entreprises.Certains jeunes n'ont aucun diplome mais occupent des grands postes grace aux réseaux.D'autres bardés de diplomes ne travaillent pas.La différence est donc dans le CARNET d'ADRESSES qui est PRECIEUX dans le secteur de l'emploi. Beaucoup sont aussi pistonnés,recommandés avec des avantages et des privilèges. Provoquer des rencontres,demander des rendez-vous et solliciter des entretiens etc... TU AS les CLEFS en MAIN de ton AVENIR à toi de JOUER MAINTENANT,petit frère oh.

Aphtal CISSE
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Euh, Rita, JE SUIS AMOUREUX DE TOI!!!!!

KABA Madigbè
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T'as traité un sujet passionnant dans cet article. C'est vraiment instructif. Merci de nous avoir partagé cette expérience togolaise.

Aphtal CISSE
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Merci mon frère. On est ensemble. Et n'oublie pas que je t'attends hein