J’ai honte de mes aînés littéraires

Je suis Africain, et comme tel, il y a une chose qui ne m’est pas étrange : C’est le fait d’aider ses confrères à « sortir des ténèbres », lorsqu’on arrive à trouver la lumière. Mais il y a une nouvelle génération d’africains, de togolais en particulier, qui voilent la source lumineuse, après l’avoir trouvée. Je ne vais pas passer par quatre chemins. Si le Togo est à la traîne dans de nombreux domaines, littéraire surtout, c’est uniquement la faute à certaines personnes qui ne font rien pour faire bouger les choses.
Un auteur togolais, et non des moindres, Robert Dussey, pour le nommer, a une fois publié un livre, intitulé « l’Afrique est malade de ses hommes politiques ». Ce livre est grand, dense, profond, et vrai. Je ne le connais pas personnellement, mais je le cite parce qu’il mérite mes égards, tant à cause de son talent littéraire, qu’à cause de sa personnalité. Il fait partie de ces hommes qui, tout en étant discrets, œuvrent pour la promotion de la littérature, de l’art, de la poésie, et de la culture, en générale.
Il n’est pas seul, dans ce combat ! Il y a, sans les citer nommément ni en dresser une liste exhaustive, des hommes politiques, anciens premiers ministres, des ministres, des professeurs d’universités, des diplomates, des éminents économistes… qui, malgré leur occupations diverses, malgré leur sollicitations, malgré leur rang sociopolitique, trouvent un petit instant, pour s’asseoir à une même table avec des journalistes, avec des étudiants, avec des lycéens, avec de simples collégiens, pour échanger sur la chose littéraire, prodiguer des conseils, encourager, féliciter, aider… Vous n’avez aucune idée de l’impact que cela a sur le travail de nombreux jeunes togolais.
Ce qui m’agace, et qui fait justement l’objet de cet article, c’est qu’il y a une autre catégorie de littéraires, de poètes, de romanciers, de nouvellistes, d’essayistes, de blogueurs, qui, auto-suffisants, pédants et orgueilleux, n’aiment pas du tout traîner avec ceux qui sont au bas de l’échelle. Oh, je sais très bien de quoi je parle ; certains liront cet article, et diront «le pauvre imbécile, il n’a rien compris ». Oui je n’ai rien compris, et je refuse de comprendre. Oui je refuse de comprendre.
Je refuse de comprendre pourquoi un émérite et talentueux blogueur togolais refuse subrepticement d’apporter la moindre aide à ses confrères et petits frères sur une plate-forme qui n’est accessible que sur concours. Oui, je refuse de comprendre, qu’on soit si occupé, au point de ne même pas répondre aux salutations, sur les réseaux sociaux, et qu’on se contente de dire que c’est la jungle, et que chacun doit se battre. Quelle bougrerie !
Je refuse de comprendre le mécanisme par lequel un illustre écrivain, ayant accès à la francophonie, ne soit pas capable d’organiser un évènement littéraire sérieux, honnête, objectif et rassembleur. Je refuse de comprendre pourquoi un tel personnage passe toute une matinée sur Twitter, et l’après midi sur sa Page Facebook, sans jamais trouver le temps de parcourir le manuscrit à lui adressé pour correction ou préface. Oh, ils finissent par en écrire, une préface, dans laquelle ils ne tarissent pas d’éloge pour un chiffon qui tient sur 7 Pages Word, rédigé par une désormais auteure rentrée de France. Oui je suis jaloux ; mais révolté car cette dernière ne vaut pas plus que Jérôme, jeune lycéen que j’ai rencontré à un atelier d’écriture, plus poète qu’ Hugo. Suivez mon regard.
Je refuse de comprendre pourquoi, malgré la présence d’une « petite » association qui se tue à célébrer la Journée Mondiale de la Poésie, on crée un truc parallèle, sans même l’avoir comme simple invité d’horreur. Oui je refuse de comprendre. Je refuse de comprendre pourquoi, seule une caste, un cercle d’amis et de « personnes occupées », sont considéré comme écrivains, auteurs, personnes « fréquentables » …
N’essayez pas de m’expliquer pourquoi tant de jeunes togolais sont prêts à se faire éditer en Europe, quitte à abandonner totalement tout droit d’auteur, et prendre le risque de ne jamais toucher le livre édité. J’ignore pourquoi je parle comme si je ne suis pas concerné… J’ai actuellement trois manuscrits qui dorment dans mes tiroirs, et j’ignore la date de leur publication. Pourquoi ?
D’abord parce que le « grand quelqu’un » à qui tu demandes la préface te fait poireauter durant deux bonnes années. Ensuite, le parent à qui tu demandes de l’aide te réponds:
« oh, mon cher, on n’a pas fini de payer tes frais de scolarité, toi-même tu connais la situation ; pas de budget pour ces activités pour le moment. L’essentiel, c’est d’avoir tes diplômes ! Le reste suivra, laisse ça, Aph… ». Ok !
Le cousin ou l’oncle à qui tu montre le devis d’édition te réponds ironiquement:
« ah petit, tu écris ? Mais c’est bien ! Mais, je n’ai pas envie de jeter de l’argent par la fenêtre, moi ! Qui lit ces genres de trucs, ici ? Les togolais ne lisent pas, petit ! Tu ne vendras pas ton bouquin, et tu ne pourras pas me rembourser ! En tout cas courage, continue comme ça ». Soit !
La maison d’édition à laquelle tu t’adresse et expose ton cas, te réponds respectueusement:
« oh, nous serons très ravis de vous éditer, nous aimons bien votre style ! Mais, même si vous devez être édité à compte d’éditeur, il vous faut verser 150.000 FCFA avant que le manuscrit ne passe en comité de lecture. Ensuite, on verra, pour le contrat ».
Sérieusement, dans un tel environnement, peut-on avoir l’envie, sinon le courage, de tremper sa plume dans l’encre de la poésie ou de la nouvelle ? Dans pareille situation, comment ne pas envoyer le manuscrit en Europe, chez des éditeurs plus faciles d’accès mais pas aussi si sérieux, sinon véreux ?
Je vais vous dire l’importance qu’a ce blog à mes yeux, chers lecteurs : C’est le seul endroit où je peux dire ce que je veux et pense, sincèrement ! C’est le seul lieu –pour le moment-, où je suis convaincu d’être lu ! Et chaque fois que j’aperçois un de mes billets à la une de Mondoblog, un léger frisson me parcours, et un sourire se dessine sur mon visage ; je me dis « enfin des gens qui me lisent, et qui m’apprécient ; enfin des gens qui me comprennent, et qui me soutiennent ». Qu’importe que ce soient des français, algériens, canadiens, ou pakistanais qui propulsent la plate-forme : L’essentiel pour moi, est que je sois lu. Ce blog m’a offert en six mois, ce qu’aucun écrivain, aucun blogueur aucun illustre personnage togolais ne m’a jamais offert.
Et c’est justement ce que je souhaite à ces milliers de togolais, qui, malgré leur immense talent, demeurent anonymes, tristes et seuls dans le carré de leurs chambres. Si aujourd’hui, Osman me lit depuis Haïti, si Serge, depuis le Brésil, guette mes prochains écrits, si Keyta, en Ukraine, Fatouma au Mali, Sinath au Bénin, Cynthe au Cameroun, Nathalie au Sénégal, Emile, en Côte-D’ivoire… Kaba et tous les autres, si toutes ces personnes me sont aujourd’hui connues, ce n’est pas grâce à un compatriote blogueur. Je ne suis pas un best-seller, mais le simple fait de savoir que toutes ces personnes me liront, de part le monde, me rend plus fier que les rédacteurs de la Constitution Américaine.
Mondoblog n’est pas une maison d’édition, mais chaque fois que je me rend sur mon dashboard pour publier un article, je sens tout un comité de lecture, derrière mon écran. Je sens toute une équipe, désintéressée, dévouée, prête, et…qualifiée pour ce job (Simon, Raphaelle, Pierrick… je pense à vous). Ziad n’est pas non plus éditeur, mais chaque fois qu’ils mettent un article là haut, je me dis que c’est un sacre, enfin une soirée dédicace.
Je ne vous demande pas, oh illustres personnages, d’abandonner vos tâches, de descendre de vos piédestal, de renoncer aux privilèges que confer votre notoriété, pour parcourir le Togo, tambour battant, afin de sensibiliser vos cadets, et leur venir en aide. Non ! Tout ce que moi, pauvre Aphtal je vous dirai, c’est que vous pouvez délibérément choisir d’être inutiles. Mais de grâce, ne nous soyez point nuisibles !
J’ai dit !
Commentaires