08 Mars: Femmes, je vous hais!

Sérieusement, parfois je suis convaincu que ce sont les citoyens eux-mêmes qui empêchent cette nation d’être un Etat de droit. Une manifestation mondiale, doit certes avoir l’adhésion de tous, surtout lorsqu’il s’agit d’une cause aussi noble, aussi envoûtante, aussi belle et aussi tendre que la femme. Mais le revers de la médaille, c’est également la liberté de ne point participer à ces festivités. Ou bien? Si je me trompe, dites-le moi.
Je viens juste de quitter le marché communal de Cacaveli où je tiens un petit fast-food, et il me fallait gueuler avant de rentrer à la maison. Voilà. Il n’est un secret pour personne qu’il y a une journée spécialement dédiée aux femmes. C’est le 8 Mars. Et les autorités du marché de Cacaveli ont décidé de la célébrer dignement, cette journée. Et comment?
Chers lecteurs, je ne vous parle pas de gaité de cœur. Les autorités du marché de Cacaveli, (je vous précise que le marché a été entièrement pensé, conçu, construit et promu par une femme), ont décidé de célébrer la Journée Mondiale de la Femme, sur le dos des hommes. Depuis hier, ils nous cassaient les tympans avec des communiqués, comme quoi, les hommes contribueront énormément à cette fête! Mais on ne savait pas ce qui se tramait.
En prélude à la fête, ce matin, il a été décidé une opération « marché propre« . Sauf qu’aucune femme ne devait toucher un seul balai. Tout le marché, l’enceinte, les alentours, tout devra être mis au propre par les hommes du marché, comme s’ils étaient nombreux. Nous avons donc abandonnés nos étalages, nos produits, nos marchandises, pour mettre au propre la saleté que les femmes ont contribué à installer; nous avons balayés, balayés et balayés encore. Et aucune excuse n’était admise: Asthme, allergie, épuisement… Rien! Je devais mettre au propre une surface plus large que la cour de ma maison. Je n’ai rien dit.
Je venais à peine de me mettre au propre, histoire de satisfaire les rares clients restés m’attendre, lorsqu’une dame, ronde comme le logo du pneu Michelin, haute comme trois pommes superposées, m’interpelle:
Dékadjê*, tu fais quoi là-bas? Si tu as fini de balayer, il y a de l’eau à puiser. Demain, on aura à cuisiner, et c’est à vous de le faire, vous les hommes. Allez, prends une bassine là-bas et remplis le sceau, devant le bureau.
Sans blague ! J’aurais pu envoyer la petite fille qui m’aide au shop, mais aucune femme ne doit travailler. Je n’avais pas vraiment le choix. J’en rage encore, surtout vu la distance qui sépare le point d’eau et le bureau. Six bons tours pour remplir le maudit sceau d’eau. Oh, c’est pour les femmes non? Pas de problèmes. Je fini ma corvée, et décide de fermer boutique. Il n’est que 16h mais j’en avais assez.
Et moi qui croyait bien faire….. J’ai commis la bêtise de vouloir mettre au propre quelques plats, et des torchons, avant de m’en aller! Misère! Une vieille mégère surgit de nulle part, avec dans ses bras une pile de bassines, de plats et de fourchettes:
Petit, tu sais que demain c’est la fête de tes mamans non? Bon comme tu es gentil là, tu vas me laver les plats là pour demain! Tu nettoies bien bon et tu me les déposes devant le bureau! Merci petit! Sois béni et vivent les femmes!
Hmmm. OK! Heureusement que c’étaient des ustensiles neufs, jamais utilisés. Je les lave, les range, et essaie de quitter le marché sans demander mon reste. Je range mes effets, sales, puis tente de m’en aller. Sortir par où, sans être aperçu?
Malgré toutes mes tentatives, une de ces femmes me repère, et me tends un grand bol de piment et autres condiments:
Tchalé*, c’est toi qui fait frites dans jolie baraque là non? Certaines femmes disent que ta sauce est mangeable et que ton piment est excellent. Donc, voilà piment, oignons, et ail. Tu vas bien écraser ça comme pour toi même, et puis en faire un bon piment bien fort! C’est pour demain. Hey, n’amène pas ça au moulin hein, et n’utilise pas Moulinex. Quand c’est écrasé à la main comme pour ta sauce là, c’est excellent! Donc à demain à 10h. Vivent les femmes.
C’est avec larmes que je sors du marché de Cacaveli. Je suis pris entre le marteau et l’enclume. Mal préparer ce piment serait condamner mon shop à la médisance et à la mévente, pour un bon bout de temps. Mais comment écraser tout ce piment? Eh, tout cela à cause du 8 Mars ? Journée internationale de la femme là, est-ce journée mondiale de l’esclavage de l’homme? En tout cas, vive Cacaveli, vivent les femmes!
J’ai dit!
* jeune homme
* cher ami
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