29 mars 2013

Etudes supérieures: Faculté De Droit en danger

Justice (MorgueFile)

C’est dans un souci de diversification de la formation, et d’embellissement de mon curriculum vitae, que je m’échine à vouloir obtenir, vaille que vaille, ma Licence en Profession Judiciaires à l’Université de Lomé. (J’en ai déjà une en Affaires et fiscalité) !  Dieu seul sait comment j’ai réussi à franchir les caps de la première et de la deuxième année. A Lomé, la FDD n’est pas la Faculté De Droit, mais plutôt la Faculté De la Désorientation. Suivez mon regard.

La semaine dernière, c’étaient les examens semestriels à la Fac de Droit. Paresseux, je ne compose que dans trois petites matières ! Sauf qu’à Lomé, il n’y a pas de petite matière. Fondamentale comme transversale, toutes les unités d’enseignement se valent. L’une de ces « petites matières » est le Droit du Travail, que j’ai déjà raté l’an passé. C’est donc en cartouchard que je quitte ma demeure, le crâne plein de lois sociales jamais appliquées, pour tenter une fois de plus ma chance ! Oui c’est une affaire de chance, vous aussi. Et je n’étais pas seul hein. Nous étions…. Je n’ai pas compté mais, vous allez m’y aider, adorables lecteurs.

Censée se dérouler dans l’Amphi 1000 (mille places donc), l’épreuve de Droit du travail ne pouvait démarrer à l’heure prévue, car, il y avait plus de candidats que de places assises. Heureusement, l’Amphi 1.500 n’étant pas loin, nous, le trop plein, avons donc été redirigé vers celui-ci. Vous savez, pour suivre les cours ou pour composer, seuls les nouveaux étudiants sont enthousiastes ; ils veulent les meilleures places assises, à croire que les notes dépendent de la proximité de l’étudiant à la chaire de l’enseignant. Nous autres cartouchards, (on se reconnait toujours par notre habillement et notre air désintéressé, et nonchalant), avions une démarche royale, traînants les pas à l’arrière de la foule. Le temps d’arriver à l’entrée, l’amphithéâtre était déjà plein. L’un des surveillants nous empêchait même d’avoir accès à la salle, car celle-ci ne respectait pas les normes d’évaluation, tellement elle était bondée.

Après une dizaine de minutes d’âpres négociation, ils consentent à nous rediriger vers une petite salle réservée pour les travaux dirigés. Là encore, la salle était pleine à craquer, mais on ne pouvait plus faire autrement. A la guerre comme à la guerre. On réussit à s’entasser dans la salle, attendant les cahiers d’examens et les épreuves. Tic-tac ! Tic-tac ! Tic-tac ! Tic-tac ! Cinq, dix, quinze, vingt, trente minutes, et aucun surveillant ne vient nous voir. Pas de cahiers, pas d’épreuves. Panique. Un camarade et moi sortons alerter les surveillants de l’Amphi 1.500 !

 « Oh c’est pas vrai ! Ok Attendez, je vais contacter le décanat ! S’il reste des épreuves, on vous les apporte. Retournez vous asseoir, vous aurez les rabats tout de suite ».

Foutaises ! Ils nous avaient oubliés. Ils finissent par apporter des cahiers d’examens, mais largement insuffisants pour nous ! Les épreuves, elles, arrivent quelques minutes plus tard. C’est là tout est gâté. On se retrouve avec des étudiants ayant des cahiers d’examens, mais sans épreuves ; d’autres avaient les épreuves, sans les cahiers d’examen ; un autre groupe n’avait ni l’épreuve, ni le cahier ; un petit groupe d’élus, avaient le cahier, et l’épreuve. Moi, je n’avais que l’épreuve ! Nous avons supplié, qu’on nous trouve des cahiers, en vain. D’ailleurs, il m’aurait servi à quoi, ce cahier d’examen ? J’avoue avoir parcouru de long en large l’épreuve, sans vraiment savoir ce que ce vieil enseignant (respectable et compétent, pourtant) attendait de moi. Des mini-cas pratiques, avec un minimum de lignes de rédaction à atteindre impérativement ; des questions avec de dangereux clairs-obscurs !

Comme si tout cela ne suffisait point, les rares étudiants qui ont à la fois l’épreuve, le cahier d’examen, et quelques réponses à proposer à l’appréciation souveraine du professeur, n’avaient que 35 minutes pour le faire ! Pourquoi ?

Bah, on s’en fout de l’heure du début, celle de la fin est certaine : On fini tous en même temps, que ce soit en Amphi 1000, 1.500, ou dans la salle 50 de TD. Vous finissez tous à la même heure, c’est-à dire 16h30. Voilà ! Ce qui est dit est dit !

        

FDD, Faculté Du Désordre.

De toutes les façons, je n’avais rien à griffonner alors je plie l’épreuve, la plonge dans mon sac, puis quitte la salle ; comme beaucoup d’ailleurs. C’est cela, les études juridiques à l’Université de Lomé.

Comme moi, beaucoup de ceux qui reprennent le droit du travail, l’ont déjà raté. Pourquoi ? Je ne sais pas vraiment ! Mais je sais que mon ardeur à la tâche a considérablement baissé depuis que le désordre s’est installé à la fac ! Un cafouillage total, depuis l’avènement de ce système LMD. Les profs n’y comprennent que dalle, les étudiants encore moins. Voilà. La première fois que j’ai composé en Droit du Travail en 2010, nous n’étions que 300 étudiants inscrits en cette matière, dont à peine 80 étaient cartouchards ; à force de faire redoubler les étudiants, nous étions plus de « 1.000+1.500+50 surpeuplés » étudiants à composer, la semaine passée.

Je sais que si je devais faire un devoir, avant de passer l’examen en cette matière, je l’aurai certainement validé depuis ; surtout si j’ai une chance d’aller aux sessions de rattrapages ! Hélas, à la FDD de Lomé, la pratique qui s’est installée est celle de la « Sudden death », ou Mort Subite. C’est un système qui consiste à faire composer l’étudiant une seule fois l’an ! Pas de devoir, pas de rattrapages ! Un coup KO ; tu rates, tu reprends l’année prochaine ! Oui, c’est cela, notre faculté.

Je ne vais point parler aux noms de tous les étudiants en droit, mais en ce qui me concerne, je me sens incapable de me réveiller à 4h du matin pour me rendre à la fac, pour suivre un cours qui ne débute qu’à 7h, juste pour trouver une place assise ! Moi Aphtal, je ne pourrai plus passer toute ma journée sur le campus de Lomé, parce que j’ai cours de 7h à 19h, même entrecoupée de longues pauses. Moi Aphtal, je ne pourrai plus passer mes nuits à lire un cours de 200 pages (format Word, Times New Roman, Taille 11), en sachant que le Prof ne m’interrogera que sur un seul paragraphe du cours. Je suis incapable d’errer d’amphi en amphi, pour composer dans une matière que je suis sûr de rater.

Je ne suis rien ! Je ne suis ni pédant, ni auto-suffisant ; je ne suis pas non plus défaitiste, ou incapable de faire des études de droit ! Je ne suis qu’un simple citoyen qui aspire à étudier dans la dignité ! Est-ce trop demander ?

J’ai dit!

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Commentaires

Helmut
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Je viens d'obtenir mon Bac 2 et après tout ce que je viens de lire j'ai la flemme d'aller à l'Université de Lomé...

didier marcel ledoux
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salut les aînés....j'ai aimé toutes vos publications.....c'est ses réalités inédites...et on en à assez mare....mais pour l'université de Lomé fac de droit c'est le pire des cas....je m'arrête ici....lisez le doyen Aphtal...pour tout comprendre parfaitement...il a tout lâché en un rien de temps....et c'est horrible....les notes font des mois avant qu'on ne les affiche.....merci....je vous aime

farida
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hummmmmm, moi je ne veux pa tro parlé parce que je risque de pleuré koi!!!!!!!! sincermen cè désolant!!!!! dè fois je regrette dètr togolèze!!!!!!!!

Zeus
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J'y ai enseigne entre 2007 et 2009. Je ne savais pas que les choses se sont empirees a ce point. Qui est maintenant le professeur charge du Droit du travail?

Oumar
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Bonjour M. Cissé.

J'ai fait mon cursus universitaire à la fac de Droit de Dakar, je savais pas qu'elle était jumelle de celle de Lomé. Tu remplaces " Lomé" par "Dakar" et ça passe.
En tout cas, merci de dire tout haut ce que des milliers d'étudiants africains vivent dans le silence.
J'ai adoré l'article.

Bonne continuation.

Aphtal CISSE
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Sans blagues! Moi qui pensait que l'UCAD est meilleur

Marek Lloyd
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Il n'y a pas les conditions nécessaires pour le LMD mais comme c'est à la mode,, nous aussi on rentre dans la danse. Et bien, moi je dis merde hein... Un retour à l'ancien système arrangerait beaucoup de choses.

Aphtal CISSE
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Mon petit doigt me dit que tu es en FDD aussi! Ai-je raison? lol

tino
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l'Etat a fini par trouver une solution pour cesser l’afflux de diplômés universitaires chômeurs. Pauvre de nous.

Serge
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je me pose quand meme une question: la fac, l'univ est-ce fait pour tout le monde? dans nos pays tout le monde veut faire la fac, et on en oublie les cours techniques et autres...
il y a un manque de débouché c'est sûr mais le problème est là aussi, la fac, c'est pas pour tout le monde

Aphtal
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Serge, ce que tu dis là est une vérité! Une vérité si vraie que les togolais n'aiment pas l'entendre! Je suis d'avis avec toi! N'importe qui peut faire des études supérieures, mais pas tout le monde! Certains finissent par l'admettre; mais le point sur lequel on ne s'accorde jamais, c'est le critère d'admissibilité à la fac!

Serge
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c'ets normal qu'ils ne supportent pas cette idée puisque les autres boulots ou filières sont moins prestigieuse que la carrière unversitaire et tout ce que cela amene... il faut donc que l'Etat créer une dynamique d'emploie et d'innovation. je sais pas...

Aphtal CISSE
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Quel prestige même? Cela ne reflète que l'échec de nos gouvernements, en matière de formation professionnelle, d'insertion des jeunes, et de politiques sociales

Madigbè Kaba
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Non, ce n'est pas trop demander Aphtal. Au contraire, tu évoques dans ce billet ce qui peut sauver de milliers de Togolais. Puisque comme toi, d'autres trouveraient d'autres moyens pour vivre que de passer leur à la fac. Cela fait un bail Aphtal. Bien à toi!

Aphtal CISSE
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Merci mon cher! J'espère que tu vas bien!

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Courage ! J'espère que malgré tout cela, tu l'auras, ton année :)

Aphtal CISSE
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Incha allah, grande-soeur! Incha allah

Josiane Kouagheu
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Comme au Cameroun Aphtal. Chez nous la Fac a ses règles. Les Amphi, on en compte! Plein à craquer, il faut être en retard pour le comprendre...Là tu es au chabba (dernier banc) et je t'assure, c'est une journée de perdu...

Aphtal CISSE
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Sérieux, Josi? Mais ça doit être mieux, chez vous, je crois

Abdallah Azibert
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Ohhh je suis vraiment desole pour toi Aphtal! Je veux dire la fac c'est la fac. FACULTE

Aphtal CISSE
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On est ensemble, Abdallah! Peace

Mouinat
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Ce phénomène n'existe pas qu'à Lomé.ça existe même ici au Sénégal.c'est décourageant mais ne baissons pas les bras

Serge
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ce n'est pas pour vanter les mérites de l'éducation universitaire au Brésil, mais je peux te dire que c'est encore mieux qu'en Europe où il ya aussi des cours dans les amphis... Ici, il ya au maximum 40 étudiants pour chaque matière, mais seulement en première année, puisque avec le temps, les effectifs se réduisent et on fini parfois à 5 , 6 ou 10 étudiants dans une salle de classe. Imagine les rapports entre prof-etudiant dans un tel contexte, profond respect mutuel, on se connait, dîne ensemble, nous sortons boire un pot, mais cela n'emmene jamais à la corruption.
Ce qui m'a fait quitter Kin, c'est cette histoire classe avec 1000 étudiants, quelque soit la qualité du profs, le cours est condamné et les étudiants sacrifiés... je ne sais pas quel futur pour notre continent...
à suivre!

Emmanuel Vitus AGBENONWOSSI
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Aphtal du courage, c'est pour le droit ta trouver, que diras-tu de la FASEG, de la FDS ou de la FLESH, Avec ce système Let Me Die (Laisse-moi Dormir), ne rêvons plus les diplôme de Université de Lomé

Dossavi-Alipoeh Ayi Renaud
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oui... on connait bien les déboires que peuvent faire subir le Campus, n'étant pas en Faculté, je dirais que ma situation est "moins pire" néanmoins, je me reconnais assez en ce que tu viens de relater, m'étant intéressé au droit pendant ma première année ( je me suis inscrit et tout, ai suivi les TD, les cours...) je vois TRÈS TRÈS Bien de quoi il retourne... C'est aussi triste que risible en réalité...
Je n'ai eu aucun mal à imaginer les choses que tu décris... C'est vraiment choquant!! d'autant plus que j'ai toujours considéré la Faculté de droit comme une faculté d'élite, réservée aux plus grands esprits et ADMINISTRÉE par des esprits de haut-vol.. Quel ne fut, et n'est encore, mon désenchantement et ma révolte, quand la réalité du terrain m'a donné tort... sur toute la ligne.
A campus, le challenge n'est pas d'avoir des rêves en arrivant, mais qu'ils survivent aux premières années!! Peuh!!!! C'est rédhibitoire!

Seyram
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Ah la fdd de lomé! Tu n'as parlé que du droit du travail. À coté, il y a le droit communautaire, le droit commercial général, le droit commun des sociétés. Trois dignes enseignants qui font la loi en licence Droit.

Aphtal CISSE
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Haha, Seyram, je préfère m'y arrêter, sinon, je risque de verser des larmes en rédigeant l'article! Snif! C'est désolant quoi