Ces foods un peu trop fast, et pas si clean

Bonjour à vous, chers lecteurs ! J’espère que vous vous portez à merveille. Mon petit silence de cette semaine est dû à de petits soucis techniques, et surtout de santé. Mais bon, comme vous le remarquez, je n’en suis pas mort. Mais les leçons que j’en ai tirées, j’aimerai bien les partager ici avec vous.
Vendredi dernier, (oui, encore un vendredi), j’ai commis la bêtise de ne pas prendre mon petit déjeuner. Généralement, ce n’est rien de fameux hein, mais je prends toujours quelque chose, histoire de ne pas tomber en syncope quelque part. Eh bien ce vendredi, je traînais au lit comme un lézard sur un mur en plein midi, lorsqu’un de mes grand-cousins me demande de passer chez lui au bureau. Le plus vite possible. Il était déjà 9h40, alors il fallait faire vite. Comme mon cousin est un « grand quelqu’un », j’étais convaincu qu’à midi, il m’inviterait à déjeuner dans un de ces hôtels huppés dont lui seul en a l’habitude. Sous la douche, je rêvais déjà de la cantine de l’hôtel Ibis, ou encore des charmantes serveuses de l’hôtel Sarakawa ; un instant même je crus prendre la douche avec une serveuse de l’hôtel Palm Beach, tellement ma pensée était forte, au point de se matérialiser !
Eh bien, je me suis tapé des heures et des heures de travail sur l’ordinateur de mon cousin : des mails à lire et imprimer, des messages à envoyer, des contrats à finaliser, des logiciels à mettre à jour, des états de comptes à vérifier… Il y avait tellement de choses à faire, que je ne me suis pas rendu compte de l’heure qu’il était. Mission accomplie, mon cousin n’avait pas le temps de m’emmener casser la croûte ; d’ailleurs, lui s’est contenté d’un croissant, alors, il me remet un billet qui couvre à peine mon déplacement, et mon déjeuner. « On se voit dans la semaine, petit ; promis », me dit-il. Merde.
Ventre creux, je rentre direct à Cacaveli, ma cité, mon quartier, ma bulle, mon environnement naturel à moi. Il me faut avaler quelque chose au plus vite, et c’est là que je tombe sur cette cafétéria, à quelques pas de chez moi. Bizarre, je n’ai jamais mangé quoi que ce soit dans cet endroit, car celui qui y vendait était un étranger ! Je ne suis pas xénophobe, Dieu m’est témoin (d’ailleurs je ne compte pas épouser une togolaise! Suivez mon regard…), mais je déplore le fait que des étrangers me fassent manger chez moi, des nourritures que je peux faire moi-même. Dur à comprendre je sais. Je fréquente des pizzerias italiennes, des fast-foods libanais, des restaurants sénégalais, chinois ou tchadiens, mais, ces Diallo, ces Fofana, ces Abdoulaye qui se sont érigés en maîtres de la restauration rapide à Lomé ne m’ont jamais inspiré confiance.
Souhaitez-moi bon appétit.
Le Diallo de Cacaveli tirait nerveusement sur une énième cigarette, à mon arrivée. « Un plat de Spaghetti, demi pain plus œuf, s’il te plait », c’était ma commande. Tout content de me voir entre ses mûrs, le gars ne se fait pas prier, et file allumer le gaz sur lequel reposait une poêle qui pouvait être plus propre. Cigarette coincée entre les mandibules, il attrape une boite de tomate dont il ôte une respectable quantité, y ajoute une huile qui ressemble beaucoup plus à du gaz oïl. Mon ventre fit un bruit de méfiance ; « courage, mon cher ! Courage », me dis-je en mon for intérieur, essayant de tromper mon inquiétude. Un morceau d’oignon traînait là, abandonné par les mouches ; il le découpe rapidement et l’ajoute.
Il épluche un morceau de cube noirâtre, et l’ajoute à la solution douteuse de la poêle. Je n’ai pas eu le temps de lui dire de ne pas mettre du sel : il venait d’en verser toute une cuillère à soupe dans le mélange précédent. Ce gars allait-il m’empoisonner ou bien, c’est comme cela qu’il cuisinait depuis son installation à Cacaveli ?
A peine quelques minutes de cuisson, et Diallo y ajoute le spaghetti qu’il venait de retirer d’une eau pâteuse et stagnante dans une bassine sous la table… en deux temps trois mouvements, me voilà servi.
Bah, je mange quand même, juste pour me remplir l’estomac ! A « titre bourratif » donc, comme le dit mon cousin. Diallo lui était souriant, fier d’avoir cuisiné pour moi ; fier de sa dangereuse recette ; fier de sa prestation.
Diallo a pourtant failli me tuer…
Mes premiers soucis débutent une fois à la maison, affalé dans un canapé. Mes papilles gustatives se mettent à produire un peu trop de salive ; je sens des mouvements hostiles dans mon ventre ; j’étais convaincu que quelque chose allait se passer. Ce n’est qu’après deux vomissures que mon estomac s’est noué, comme un sac de macramé. Voilà ce que je redoute le plus : les maux de ventre. C’était à croire que j’avais ingurgité du goudron, ou du cyanure, tellement j’avais mal. Je roulais au lit, je gémissais, je serrais les dents, je pleurais même un peu. La douleur était terrible, horrible, indescriptible…
Vomissements et chiasse se sont succédés, des heures durant. Le seul fait d’en parler là, me donne encore envie de vomir. Je vous épargne des détails. A présent, je vais mieux, c’est l’essentiel. Dès mon rétablissement, ma première décision était de me rendre au service d’hygiène pour dénoncer ce Diallo, coupable de tentative d’homicide sur un honnête citoyen. Mais une fois dehors, lorsque j’ai revu l’affluence qu’il y avait à ladite cafétéria, je me suis ravisé, pour me poser quelques questions…
En fait, Diallo n’y est pour rien.
Le problème, ce sont les togolais eux-mêmes ! J’ignore comment nous en sommes arrivés là, mais le togolais a pris cette fâcheuse habitude de manger dehors, de manger tout, et n’importe quoi. Notre paresse nous fait nous tourner vers ces sales baraques à l’aspect répugnant, où des guinéens, des nigériens, des maliens, ou des gambiens font du thé amer, et cuisinent des plats dans des conditions de saleté que nous ne sommes pourtant pas prêts à accepter à la maison.
Je n’ai rien contre les étrangers, mais le togolais ne me démentira pas : sur dix cafétérias à Lomé, huit sont tenues par des étrangers ; des personnes à la propreté douteuse, des personnes dont on ignore absolument tout : état de santé, état de probité morale…et tout le reste. Diallo était-il prisonnier, prédateur sexuel, dealeur de drogue, sidéen, ou tuberculeux ? On ne le sait pas, et on s’en fout ! On préfère manger chez lui, que d’aller chez Akouvi, parce que celle-ci « est une fille gâtée qui n’a pas pu avoir son BEPC et qui s’est réfugiée dans la restauration.
Un plat de spaghetti dans ces taudis coûte en moyenne 700 FCFA. Avec cette même somme, on peut faire mieux (quantité et qualité) chez soi-même. Mais non, on aime mieux aller manger dans la crasse des Diallo, des Fofana, des Souleymane, des Abdoulaye, des Siriki, et que sais-je encore ?
Le Togo a toujours été une nation bizarre; au grand marché, les plus grands commerçants sont des étrangers. Si nous ne sommes pas capables d’animer nous-mêmes notre économie, quid de la restauration ? Si j’achète ma veste chez un sénégalais, ma chaussure chez un burkinabé, mon téléphone chez un nigérian, et qu’en plus je dois manger ma sauce épinard chez un gambien, je n’ai plus aucune fierté d’être togolais. Absolument aucune.
Oui à l’intégration régionale, oui à la libre circulation des personnes, des biens et des services. Oui nous pouvons nous ouvrir au reste du monde. Mais n’y perdons pas notre identité, et ne laissons pas n’importe qui s’occuper de ce que nous mettons dans le ventre. Le Togo reçoit beaucoup trop ; au point de ne rien avoir à offrir.
Si vous me voyez déjeuner chez Tanty D, ou au Beluga, ce n’est pas que je suis devenu riche hein ; ce sont juste les maux de ventre que j’évite.
J’ai dit !
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