Choléra au Togo : nos autorités décident mal

Bien le bonjour à vous, chers lecteurs. Désolé si je commence par vous fatiguer ; je n’ai rien à faire ces temps-ci, je m’ennuie, alors autant me rendre utile au Grand architecte en planchant sur des sujets, qui, fort heureusement, nous concernent tous.
Pour cette sortie, il va s’agir de choléra. Vous savez, cette maladie des mains sales, celle-là qui vous donne la chiasse et des vomissures et vous plonge dans un coma en moins de 24 h ; oui oui, cette maladie là même qu’on guérit rapidement avec trois flacons de sérums Nacl et deux bonnes bouteilles de Coca-Cola (pour la boisson, c’est ma mère qui prétend que c’est pour redonner des calories au malade…) ; oui c’est de cette maladie qu’il va s’agir dans cet article.
Eh bien, c’est à croire que l’année scolaire au Togo ne voulait pas débuter, car après moult reports, nos enfants ont repris le chemin des classes avec une charmante épidémie de choléra comme épée de Damoclès, au-dessus de leurs têtes vides, suspendues. Moi je n’étais même pas au courant (je ne regarde plus les chaînes locales hein ; je ne suis plus n’importe qui) ; il paraît que l’un de nos ministres en a parlé à la télé, et que des mesures ont été prises. Je n’en ai eu écho que lorsque j’ai vu certains (je dis bien certains) écoliers de mon quartier se rendre à l’école avec des glacières contenant de la nourriture.
« L’école ne vaut plus rien aujourd’hui, wallaye ! On commence à peine la rentrée, et chaque jour c’est pique-nique pour les gosses, ou comment ? Vraiment ma progéniture à moi risque de devenir descendante de Gaulois… » me suis-je écrié, en croisant ces petits se rendre joyeusement à l’école avec leur bouffe sous le bras.
Quelles sont les mesures prises par les autorités togolaises ?
Nous avons toujours reproché à nos autorités leur laxisme et leur lenteur à réagir face à certaines crises n’est-ce pas ? Eh bien, pour nous couper l’herbe sous les pieds, les autorités ont tout de suite ordonné l’interdiction de vente de toutes sortes de denrées alimentaires au sein des établissements scolaires, ou dans leurs alentours immédiats. En tout cas toute nourriture, toute sorte de nourriture, dont la vente est destinée aux élèves est proscrite, et ce, jusqu’à nouvel ordre. Que ce soit du riz, du riz au gras, du pinon, des gâteaux, des biscuits, des galettes, les jus de bissap ou de baobab, même les sachets d’eau minérale (Pure Water), tout cela est interdit.
Il est désormais demandé à tous les élèves togolais de se rendre à l’école avec leurs propres nourritures et boissons. Voilà ce que nos autorités ont tout de suite pris comme décision. Elles pensaient bien faire, elles croyaient agir, ou réagir « en bon père de famille », dans l’intérêt supérieur de cette jeunesse scolarisée, relève de demain. On ne peut pas leur en vouloir.
La mesure est à saluer, c’est peut-être vrai, mais elle est également à décrier …
Ce à quoi n’ont pas pensé nos autorités.
La mesure concerne tous les établissements et tous les niveaux d’enseignements, primaire en l’occurrence. Nos autorités n’ont pas pensé à ces pauvres petits qui ne comprennent pas forcément de quoi il s’agit ; on ne s’est pas demandé si ces enfants qu’on veut protéger ont assimilé le processus de transmission de cette maladie, et le bien-fondé de l’interdiction des denrées alimentaires. On ne s’est pas demandé comment le petit manipulera la nourriture confiée par ses parents, de la maison, jusqu’à la récréation.
Vous allez sincèrement m’excuser si je me verse encore dans des lamentations financières. Je n’y peux rien, je suis un « Togolais moyen », sinon, le « Togo d’en bas ; le chômage et la crise, c’est moi qui les combats… »
Nos autorités n’ont pas pensé à ces foyers qui peinent à s’offrir deux repas par jour ; ces enfants qui ne reçoivent que 25 F Cfa pour la journée, et à qui subitement on demande de faire leur propre repas avant de venir à l’école… Oui, il faut se l’avouer, il y a des gosses qui se rendent en classe avec rien en poche. Ces enfants-là, a-t-on véritablement pensé à eux ? A-t-on pensé au fils ou à la fille de la revendeuse, qui attend la récréation pour aller manger chez sa maman ?
Nos autorités n’ont pas songé à encadrer les revendeuses des établissements scolaires, à les sensibiliser, et à leur imposer un strict contrôle par les agents de l’Institut national d’hygiène. Non ! On opte pour la facilité en chassant ces bonnes dames comme des malpropres, des écoles.
Et puis, nos autorités ne se sont pas demandé si ces bonnes dames arrêteront pour autant la vente, hein. Ah oui, on leur demande de ne pas vendre aux élèves, mais on ne leur a pas demandé de ne plus exercer leur commerce. Bonjour la clandestinité, avec tout ce qui va avec. Au moins avant, vous avez un œil sur elles, dans les écoles ; à présent, ce sont les enfants qui iront vers elles, dans leur crasse…
Hier en me rendant au cyber, j’ai croisé un gosse de l’EPP Cacaveli 2, (une école publique située juste derrière chez moi). On lui avait préparé de l’igname, baignant dans une bonne sauce tomate, le tout délicatement emballé dans un sachet plastique noir (J’oubliais, nos autorités avaient interdit ces sachets-à hein… suivez mon regard). Sous l’effet de la chaleur, et du balancement de ses bras, le sachet se fond, laissant tomber une belle tranche de tubercule au sol. Qui est fou pour abandonner une partie de son goûter ? Le gosse se baisse, ramasse le morceau d’igname, le replonge dans le sachet, puis essaye de refaire le nœud en bouchant le trou causé par le tubercule indélicat. Il s’apprêtait à plonger son précieux colis dans son sac à dos, quand je l’ai interpellé…
Bref chers lecteurs, ce que nous pensons éviter ne fait qu’empirer. Ce gosse aurait pu aller avaler ces ignames, avec toutes les conséquences qui pouvaient en découler.
Au même moment, on lance une campagne de vaccination contre la polio. Je ne dis pas que c’est mauvais hein; je veux juste qu’on s’approprie le sens de la priorisation dans nos prises de décisions.
Je ne joue guère au redresseur des torts des âmes, ni au Père Fouettard, mais si j’ai droit de citer, je déclare en toute humilité qu’interdire la vente de denrées alimentaires est une mesure pas assez murie et contre productive.
Tous nos gosses qu’on prétend protéger mourront allègrement de la chiasse, si nous ne pensons qu’à paraître, au lieu d’être de vrais décideurs.
J’ai encore dit !
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