Blaise Compaoré : tâche d’huile ou boule de neige ?
Paix sur vous, chers lecteurs. Je me suis promis ne point me prononcer sur les récents évènements au Burkina Faso, ce pays frère et voisin, et ce pour quelques simples raison : le togolais aime trop s’appesantir sur le ce qui se passe ailleurs, ensuite, je ne pense pas avoir tous les éléments pour une analyse objective, et calculée. La politique est un sujet délicat ; la politique dans un autre pays l’est encore plus.

Nonobstant cela, j’ai tout de même envie de partager avec vous quelques réflexions, histoire de m’assurer si je suis ou non dans le tort.
Nous avons été nombreux à suivre avec une attention particulière, ce qu’il convient d’appeler « la révolution burkinabé ». Cet intérêt se justifie, pour les uns parce qu’ils vivent une situation similaire mais se sentent incapable du courage du peuple burkinabé, pour d’autres par des calculs politiques et stratégiques. Très tôt, ils ont également été nombreux à se poser les questions, dont la principale est : « à qui le tour » ? Si la question est – ou semble – légitime, et semble préoccuper certains pays frontaliers, il faut cependant la repenser avant d’y risquer une réponse.
#Lwili n’a point chassé Blaise Compaoré
Il est impossible de suivre les évènements du Burkina et ignorer ce mot clef, dont le logo est une sorte d’hirondelle au printemps, et dont le sens est « gazouillis », à l’image de l’oiseau de Twitter. #Lwili, c’est un peu comme notre #Gnadoè, c’est-à-dire un mot clef utilisé dans n’importe quel tweet, du plus banal au plus sérieux, du plus formel au plus décalé ; un mot clef qui revient très souvent dans des débats de sociétés. Étant le mot clef le plus rassembleur, normal qu’on s’y abonne, pour renseigner ou se renseigner, lors de la manifestation ayant emporté le Président Blaise.
Et il est rigolo, non seulement de cataloguer ce magnifique hashtag comme étant politique, mais aussi de prétendre qu’il a été à la base de la chute du régime Compaoré. La révolution au Burkina a été tout sauf numérique ; elle a été la révolution de tout sauf celle des réseaux sociaux. Ce ne sont pas les Tweets qui ont empêché les députés de plancher sur le projet de loi à eux soumis, ce ne sont pas les tweets qui ont incendié quoi que ce soit ; ce ne sont pas les tweets qui ont été la potentielle cible des militaires dépêchés sur les lieux.
Une chose est d’être assis devant une bière à Lomé ou à Paris en haranguant les connectés avec son smartphone, une autre est d’être au front, torse nu, avec un morceau de pavé devant des militaires armés. Ces deux choses ne se valent pas. Si nous sommes d’accord, continuons.
De la similarité des contextes
Ce qui a valu à Blaise Compaoré son départ du Palais de Kosyam, fut son inique désir de procéder à la modification de la Constitution. S’il y était parvenu, il aurait eu alors la possibilité de se présenter une fois de plus aux prochaines élections présidentielles. Nous savons désormais comment les choses se sont terminées.
Hormis Compaoré, le Président ayant quelque intérêt – ou non, au vu des évènements – à modifier sa constitution, est le béninois Boni Yayi. Celui-ci est au bout de son second – et donc dernier – mandat, selon la Constitution béninoise. Mais je parie dix noix de cola que la sagesse lui interdirait toute démarche dans le sens de la modification de la Constitution. Mais bon, sait-on jamais…
Au loin, des pays comme la RDC, le Tchad, le Gabon suivent également avec attention ce qui se passe à Ouaga… L’un des voisins immédiats du Burkina, est le Togo. Dans le pays-ci notre, l’actuel Président de la République n’a vraiment pas besoin de procéder à la modification de la Constitution. Ce que Blaise voulait faire au Burkina en 2014 a déjà été fait en 1992, au Togo. Dommage qu’à l’époque il n’y ait pas eu de « révolution togolaise », capable de contraindre le Général Président à se réfugier à Yamoussoukro. Mais bon, passons. L’actuel président « hérite » donc d’une Constitution qui ne lui impose aucune modification.
Cependant, nous savons tous, qu’il urge d’opérer des réformes institutionnelles et constitutionnelles, avant les prochaines joutes électorales. Mon avis sur cette question a été objet de plusieurs articles, que vous pourrez lire ici et là. En ce qui me concerne, le vécu des populations du Burkina et celles du Togo sont semblables : désir de changement, d’alternance, de progrès, et autres… Cependant, il faut être assez prudent quant aux contextes.
De l’imbécilité d’une certaine opposition togolaise.
Désolé si je raffole de cet article écrit par un devancier. Je partage tellement son analyse, qui à mon sens, demeure intemporelle. Nous autres togolais, avons la malédiction d’avoir des opposants peu soucieux de l’intérêt national, trop imbus d’eux même, et n’ayant visiblement aucune notion de ce que peut être une lutte politique. Ce qui est encore plus affligeant, c’est que pris individuellement, absolument aucun d’entre eux ne fait l’unanimité, ni au sein de la classe politique, encore moins au sein des populations.
Untel qui fut « candidat par accident » et qui se croit investi de mission messianique, untel se croyant plus méritant, à cause de ses fonctions au barreau, ainsi de suite… Aucun d’eux n’arrive à sortir du lot, aucun n’est capable d’une stratégie réfléchie, efficace et non égoïste ; ni même l’autre ayant réussi dans le monde des affaires hors du Togo, et rentré récemment croyant bouleverser quoi que ce soit. Ce qui m’emmène à nous poser la question suivante…
Quid de la neutralité de l’armée.
Togolaises, togolais, c’est Aphtal CISSE qui vous parle : l’armée togolaise n’est ni la plus barbare, ni la plus inféodée. Dans tous les pays du monde, l’armée a toujours été aux bons et loyaux services du Chef suprême des armées, qu’est le Président de la République. Mais je suis profondément convaincu que l’armée togolaise est tout aussi capable de neutralité que son homologue égyptienne, ou burkinabé. Et ceci à une seule et unique condition : que les manifestations soient similaires.
Si vous êtes 300 individus à « troubler l’ordre public », la police, la gendarmerie, ou l’armée vous materont. Et ceci est valable dans TOUS les pays du monde. Cependant, si nous sommes des milliers, et des milliers, aucun képi n’osera dégainer son arme. Nous sommes à peine 7 millions d’habitants. 1 seul million d’entre nous suffira pour imposer silence aux canons. Mais la question est : Qui, au Togo est capable de drainer une telle foule ? Quel est l’opposant après qui sortira un million d’âme ? Qui saura mobiliser pareille foule ? A chacun d’y répondre.
Faut-il le rappeler, nous n’avons même plus l’avantage de la surprise. Blaise n’a jamais soupçonné des manifestations d’une telle envergure ; Faure ne commettra pas cette erreur. Pour ceux qui traînent un peu tard les soirs, vous remarquerez que les patrouilles ont véritablement repris à Lomé, avec des véhicules de la gendarmerie, mieux équipés que jamais. Je sais, c’est un peu parano, mais, sait-on jamais…
Bon, après, je vous imagine bien acclamer un certain Titikpina, ou Nandja, qui se proposera de gérer la transition au Togo, en attendant l’organisation des futures élections dans un délai de… Bref, ne divaguons guère. 😀
La chute de blaise Compaoré aura difficilement l’effet boule de neige, tant que les pays auront leur particularité, et que les combats seront différents. Mais elle restera gravée dans la mémoire collective, en ce qu’elle aura encore prouvée que la liberté ne se donne pas, elle s’arrache.
La révolution ne se décrète pas ; pas plus qu’elle n’est à l’initiative de quelques individus ; aucune révolution ne ressemble à une autre. Elle est sujette à l’histoire et au combat d’un peuple, soit dans son entièreté, soit dans sa majorité. En attendant que #Gnadoè fasse partie d’un quelconque pan de l’histoire togolaise, chers lecteurs, que la décence, la logique et la sagesse prenne le pas sur les passions et autres intérêts égoïstes ; valable pour le peuple et pour ceux qui prétendent le gouverner.
J’ai dit !
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