10 novembre 2014

Blaise Compaoré : tâche d’huile ou boule de neige ?

Paix sur vous, chers lecteurs. Je me suis promis ne point me prononcer sur les récents évènements au Burkina Faso, ce pays frère et voisin, et ce pour quelques simples raison : le togolais aime trop s’appesantir sur le ce qui se passe ailleurs, ensuite, je ne pense pas avoir tous les éléments pour une analyse objective, et calculée. La politique est un sujet délicat ; la politique dans un autre pays l’est encore plus.

Logo du Balai Citoyen - Burkina Faso
Logo du Balai Citoyen – Burkina Faso

Nonobstant cela, j’ai tout de même envie de partager avec vous quelques réflexions, histoire de m’assurer si je suis ou non dans le tort.

Nous avons été nombreux à suivre avec une attention particulière, ce qu’il convient d’appeler « la révolution burkinabé ». Cet intérêt se justifie, pour les uns parce qu’ils vivent une situation similaire mais se sentent incapable du courage du peuple burkinabé, pour d’autres par des calculs politiques et stratégiques. Très tôt, ils ont également été nombreux à se poser les questions, dont la principale est : « à qui le tour » ? Si la question est – ou semble – légitime, et semble préoccuper certains pays frontaliers, il faut cependant la repenser avant d’y risquer une réponse.

#Lwili n’a point chassé Blaise Compaoré

Il est impossible de suivre les évènements du Burkina et ignorer ce mot clef, dont le logo est une sorte d’hirondelle au printemps, et dont le sens est « gazouillis », à l’image de l’oiseau de Twitter. #Lwili, c’est un peu comme notre #Gnadoè, c’est-à-dire un mot clef utilisé dans n’importe quel tweet, du plus banal au plus sérieux, du plus formel au plus décalé ; un mot clef qui revient très souvent dans des débats de sociétés. Étant le mot clef le plus rassembleur, normal qu’on s’y abonne, pour renseigner ou se renseigner, lors de la manifestation ayant emporté le Président Blaise.

Et il est rigolo, non seulement de cataloguer ce magnifique hashtag comme étant politique, mais aussi de prétendre qu’il a été à la base de la chute du régime Compaoré. La révolution au Burkina a été tout sauf numérique ; elle a été la révolution de tout sauf celle des réseaux sociaux. Ce ne sont pas les Tweets qui ont empêché les députés de plancher sur le projet de loi à eux soumis, ce ne sont pas les tweets qui ont incendié quoi que ce soit ; ce ne sont pas les tweets qui ont été la potentielle cible des militaires dépêchés sur les lieux.

Une chose est d’être assis devant une bière à Lomé ou à Paris en haranguant les connectés avec son smartphone, une autre est d’être au front, torse nu, avec un morceau de pavé devant des militaires armés. Ces deux choses ne se valent pas. Si nous sommes d’accord, continuons.

De la similarité des contextes

 

Ce qui a valu à Blaise Compaoré son départ du Palais de Kosyam, fut son inique désir de procéder à la modification de la Constitution. S’il y était parvenu, il aurait eu alors la possibilité de se présenter une fois de plus aux prochaines élections présidentielles. Nous savons désormais comment les choses se sont terminées.

Hormis Compaoré, le Président ayant quelque intérêt – ou non, au vu des évènements – à modifier sa constitution, est le béninois Boni Yayi. Celui-ci est au bout de son second – et donc dernier – mandat, selon la Constitution béninoise. Mais je parie dix noix de cola que la sagesse lui interdirait toute démarche dans le sens de la modification de la Constitution. Mais bon, sait-on jamais…

Au loin, des pays comme la RDC, le Tchad, le Gabon suivent également avec attention ce qui se passe à Ouaga… L’un des voisins immédiats du Burkina, est le Togo. Dans le pays-ci notre, l’actuel Président de la République n’a vraiment pas besoin de procéder à la modification de la Constitution. Ce que Blaise voulait faire au Burkina en 2014 a déjà été fait en 1992, au Togo. Dommage qu’à l’époque il n’y ait pas eu de « révolution togolaise », capable de contraindre le Général Président à se réfugier à Yamoussoukro. Mais bon, passons. L’actuel président « hérite » donc d’une Constitution qui ne lui impose aucune modification.

Cependant, nous savons tous, qu’il urge d’opérer des réformes institutionnelles et constitutionnelles, avant les prochaines joutes électorales. Mon avis sur cette question a été objet de plusieurs articles, que vous pourrez lire ici et . En ce qui me concerne, le vécu des populations du Burkina et celles du Togo sont semblables : désir de changement, d’alternance, de progrès, et autres… Cependant, il faut être assez prudent quant aux contextes.

Dialogue

De l’imbécilité d’une certaine opposition togolaise.

Désolé si je raffole de cet article écrit par un devancier. Je partage tellement son analyse, qui à mon sens, demeure intemporelle. Nous autres togolais, avons la malédiction d’avoir des opposants peu soucieux de l’intérêt national, trop imbus d’eux même, et n’ayant visiblement aucune notion de ce que peut être une lutte politique. Ce qui est encore plus affligeant, c’est que pris individuellement, absolument aucun d’entre eux ne fait l’unanimité, ni au sein de la classe politique, encore moins au sein des populations.

Untel qui fut « candidat par accident » et qui se croit investi de mission messianique, untel se croyant plus méritant, à cause de ses fonctions au barreau, ainsi de suite… Aucun d’eux n’arrive à sortir du lot, aucun n’est capable d’une stratégie réfléchie, efficace et non égoïste ; ni même l’autre ayant réussi dans le monde des affaires hors du Togo, et rentré récemment croyant bouleverser quoi que ce soit. Ce qui m’emmène à nous poser la question suivante…

Quid de la neutralité de l’armée.

Togolaises, togolais, c’est Aphtal CISSE qui vous parle : l’armée togolaise n’est ni la plus barbare, ni la plus inféodée. Dans tous les pays du monde, l’armée a toujours été aux bons et loyaux services du Chef suprême des armées, qu’est le Président de la République. Mais je suis profondément convaincu que l’armée togolaise est tout aussi capable de neutralité que son homologue égyptienne, ou burkinabé. Et ceci à une seule et unique condition : que les manifestations soient similaires.

Si vous êtes 300 individus à « troubler l’ordre public », la police, la gendarmerie, ou l’armée vous materont. Et ceci est valable dans TOUS les pays du monde. Cependant, si nous sommes des milliers, et des milliers, aucun képi n’osera dégainer son arme. Nous sommes à peine 7 millions d’habitants. 1 seul million d’entre nous suffira pour imposer silence aux canons. Mais la question est : Qui, au Togo est capable de drainer une telle foule ? Quel est l’opposant après qui sortira un million d’âme ? Qui saura mobiliser pareille foule ? A chacun d’y répondre.

Faut-il le rappeler, nous n’avons même plus l’avantage de la surprise. Blaise n’a jamais soupçonné des manifestations d’une telle envergure ; Faure ne commettra pas cette erreur. Pour ceux qui traînent un peu tard les soirs, vous remarquerez que les patrouilles ont véritablement repris à Lomé, avec des véhicules de la gendarmerie, mieux équipés que jamais. Je sais, c’est un peu parano, mais, sait-on jamais…

Bon, après, je vous imagine bien acclamer un certain Titikpina, ou Nandja, qui se proposera de gérer la transition au Togo, en attendant l’organisation des futures élections dans un délai de… Bref, ne divaguons guère. 😀

La chute de blaise Compaoré aura difficilement l’effet boule de neige, tant que les pays auront leur particularité, et que les combats seront différents. Mais elle restera gravée dans la mémoire collective, en ce qu’elle aura encore prouvée que la liberté ne se donne pas, elle s’arrache.

La révolution ne se décrète pas ; pas plus qu’elle n’est à l’initiative de quelques individus ; aucune révolution ne ressemble à une autre. Elle est sujette à l’histoire et au combat d’un peuple, soit dans son entièreté, soit dans sa majorité. En attendant que #Gnadoè fasse partie d’un quelconque pan de l’histoire togolaise, chers lecteurs, que la décence, la logique et la sagesse prenne le pas sur les passions et autres intérêts égoïstes ; valable pour le peuple et pour ceux qui prétendent le gouverner.

J’ai dit !

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Commentaires

AGBOYIBOR Mawuena
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Merci à toi, Lionel, pour la précision sur la date de modification (révision) de la Constitution de 1992. J'ai commis l'erreur de mettre 2003 dans ma réaction précédente à l'article de notre cher Aphtal.
Cher Cissé, j'ai des questions pendantes auxquelles t'as pas encore répondu laa (je te provoque, comme on dit ..., n'Est-ce pas ?)
Passez une bonne journée !

Togovi
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juste pour un rectificatif. il est dit quelque part dans l'article que "Ce que Blaise voulait faire au Burkina en 2014 a déjà été fait en 1992, au Togo" c'est plutôt en 2002 que ça a été fais au Togo.
J'ai aimé l'article pour l'objectivité de son auteur

Moka
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Quand on refuse de sortir par la grande porte (avec tous les honneurs et privilèges y afférents - cf Abdou Diouf), il va de soi qu'on sortira "obligatoirement" par la petite, humilié et trainé dans les pires saletés. Les autres chefs d'Etats tentés de faire comme Blaise devraient réfléchir par 10 fois avant, même si l'effet "boule de neige" n'est pas assuré d'avance parce que comme tu le dis si bien, "sait-on jamais..." ;)

Aphtal CISSE
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Oui mais... Toi tu penses à qui et à qui, comme chefs d'états tenté de faire pareil? :D

Lionel
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Je crois que tu as fait une mauvaise mention de l'année dans cette partie : « Ce que Blaise voulait faire au Burkina en 2014 a déjà été fait en 1992, au Togo. Dommage qu’à l’époque il n’y ait pas eu de « révolution togolaise » »

Tu voulais plutôt parler de la révision constitutionnelle du 31 Decémbre 2002. Parce que en principe c'est par un référendum que la constitution a été promulgée le 27 septembre 1992 et adoptée le 14 octobre 2002 et ceci juste après un semblant de révolution. Plus intéressant encore, cette constitution limitait le nombre de mandat à deux alors que la révision a oté la limitation. (ça je suis convaincu que tu le sais déjà)

Ce qui doit normalement confirmer ta logique c'est la révision par la loi n°2002-029 du 31 décembre 2002. En fin d'année, et ceci à une heure où beaucoup étaient soit à la messe de minuit pour la nouvelle année, soit chez eux entrain d'attendre le coup de cloche pour l'année 2003.

Bravo pour la pertinence de l'article !

Aphtal CISSE
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AH zut ! Je me suis en effet trompé sur la date de la modification de la Constitution. Merci pour le rappel. Je vais garder l'erreur ainsi, histoire de conserver la pertinence de ton commentaire.

Encore merci.

Lionel
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Merci et mes amitiés !

AGBOYIBOR Mawuena
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Très intéressant ton article! Je suis tout à fait d'accord avec toi, avec certaines des vues présentées ici sauf celle relative à ce que serait le comportement de notre armée face à un "million" de togolais manifestant dans la rue. La maîtrise 'politique" de notre armée est telle qu'on ne peut jamais présager de son comportement face au peuple. L'histoire togolaise a noté des frères d'armes tirer au nom de leur loyauté à un homme, à un système, sur leurs camarades, collègues ou frères d'un même corps d'arme, un certain 3 décembre à la Primature et en tuer, dans le but d'en déloger le PM et certains des ministres de la République qui y sont retranchés. L'histoire de notre pays révèlera aussi qu'une fois à Vogan, un bataillon de soldats armés avaient tiré délibérément sur des gens qui avaient pour seul tort de vaquer à leurs occupations hebdomadaires, un vendredi au marché et en tuer des dizaines. Il en fut ainsi aussi à Aného et dans certains autres lieux et endroits de notre pays, si je me rappelle toujours des rapports lus dans le temps, étant jeune étudiant en droit.
Ma question est de savoir si le droit de dégainer des hommes armés par le citoyen contribuable pour protéger la nation tient au nombre de gens face à eux lors d'une manifestation ou à une déontologie propre à leur métier ? Une autre question qui me taraude est de savoir si l'homme en kaki doit sa loyauté à son chef suprême qu'est le Chef de l'Etat, fut-il président, roi, sultan ou duc, ou à la nation (voire l'Etat) qui paie sa solde et le nourrit pour la protéger ?
J'ai beaucoup de questions mais je préfère les taire pour ne pas produire une réaction plus longue que ton article.
Que l'opposition politique togolaise soit "nulle" voire "bête", manipulable, hypocrite et sans aucune intelligence ni stratégie politique n'est qu'un secret de polichinelle dans la sous-région, en Afrique et dans les chancelleries. Cela s'est démontré depuis la salle Fazao de l'hôtel 2 février (CNS), ensuite avec la trahison de Koffigoh, le phrasé légendaire de Edem Kodjo de "UTD, parti charnière", etc. Gnininvi avait dit à la CNS, la démocratie (on peut dire aussi l'alternance) d'abord, le multipartisme après. Il avait été chahuté ! Je me dis aujourd'hui qu'on aurait dû le suivre et faire bloc derrière une seule personne (figure de proue d'alors) avec des gages inaltérables et faire rentrer le pays durablement dans une vie politique démocratique assainie depuis octobre 1992.
Pour terminer, j'aimerais faire remarquer qu'en 92, la Constitution togolaise paraissait, malgré ses imperfections, la meilleure que le Togo ait connu jusque-là et aussi la meilleure de la sous-région. Eyadema l'a dénaturée en 2003 pour instaurer le régime dont son fils a hérité, lequel régime ce dernier ne souhaite pas corriger. Merci !

Mouinat
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<>lol cette partie m'a fait trop rire... Le peuple burkinabé a fait preuve de beaucoup de courage et on se demande si les togolais auront ce courage