Cinq idées reçues sur le Kotocoli
Avant tout propos, chers lecteurs, j’aimerais une fois de plus vous rappeler que je suis Kotocoli moi-même, et extrêmement fier de l’être. Très honnêtement, dans ce foutu pays, il n’y a pas ethnie plus noble, plus douce, plus agréable que la nôtre. Wallahi. Si j’étais président, je ferai des Kotocoli une « race aryenne ». Wallahi. [Bruit du crachat au sol].
Donc, moi c’est Aphtal CISSE. De la noble ethnie des commerçants et conducteurs de taxis- brousse du #Togo, #Kotocoli. Région centrale.
— 228Togoviwo| Joël (@228Togoviwo) 27 mai 2015
J’écris ce billet pour rectifier certains torts qui sont faits à mon ethnie. Les gens, oui même toi qui me lis actuellement avec un sourire narquois dans un petit bureau pas loin de la plage, les gens ont de ces petites et combien désagréables anecdotes qu’ils attribuent rapidement aux miens. Je les ai recensées, pour vous dire que vous avez tout faux ; que vous êtes gratuitement médisants, que votre mauvaise langue vous perdra. Wallahi.
Cliché 5 : le Kotocoli ne fréquente pas l’école des Blancs
Fransma [franchement], si je n’avais pas fréquenté, seriez-vous ici, actuellement sur ce blog à me lire ? Hein ? Ce que j’écris là, n’est-ce pas la langue du toubab ? Où diantre êtes-vous allé chercher que nous autres, Kotocoli, n’allons point à l’école ? Moi qui vous parle là (enfin moi qui vous écris là), j’ai fait l’école primaire publique Komah II, pour rallier l’école privée « Mon OVNI » [Mon avenir], à Sokodé, avant d’arriver à Lomé. Tô [Alors], est-ce que ce que j’écris là, vous ne comprenez pas ? N’est-ce pas du français ? Hein ? Bon, oui je reconnais que nous avons une façon particulière de prononcer certains mots. Par exemple :
Français Kotocoli | Français vrai vrai. |
Serre. | Sœur |
La glace. | La Grâce. |
DG | Déchet. |
Locataire (lire très rapidement) | Docteur |
Flair. | Frère. |
Oui, je reconnais que nous avons notre façon personnalisée de parler français. Mais qui n’en a pas ? N’avez-vous jamais entendu un Kabyè parler français ? Un Losso, ou un Moba ? Hein ? Français-Sénégalais là, vous y comprenez quoi ? De toute façon, nous nous comprenons nous-mêmes et c’est l’essentiel.
@AphtalC: tour Eiffel appelée par un #Kotocoli : TOUT RAPHAËL… hahaha et CHARLIE= SANILI ? NAWOU YO pour New York? #Gnadoè #Team228
— tadegnon (@tadegnon) 23 janvier 2015
Cliché 4 : le Kotocoli aime les couleurs vives
Lecteur, si la couleur d’un article ne te plaît pas, mais, tais-toi et achète un autre ou bien ? Pourquoi toujours la ramener genre, « ça fait couleur Kotocoli » ; « c’est un peu trop flashy pour moi, on me prendra pour les gens de Tchaoudjo ». Où est le respect ?
Vous dites que seul le Kotocoli porte un costume vert, avec une cravate bleu bonbon, et des chaussures rouge vif. Vous dites que lorsque nous nous habillons, on reconnaît forcément le drapeau d’un Etat africain sur nous. Mais, ne savez-vous pas que nul n’est prophète chez soi ? Ne sont-ce pas les mêmes combinaisons bâtardes que font des vieux Congolais pour mériter le titre de sapeur ?
Que de clichés ! Lorsqu’un Lawson ou un Ayayi porte des chaussettes rouges, après avoir noué une serviette avec des petits poids au cou, vous le surnommez « Dandy ». Mais dès que c’est un Ibrahim ou un Moussa qui le porte, direct, c’est un Kotocoli. Pourquoi tant de haine ?
Cliché 3 : le Kotocoli est insolent et/ou violent
Je devais avoir entre deux et trois ans, à Sokodé. Je suis rentré un soir en pleurs, parce qu’un camarade m’avait frappé, pendant que nous nous amusions. Par instinct, je suis rentré à la maison, afin d’y trouver réconfort et consolation. Mon père m’accueillit avec deux bonnes gifles en disant clairement : « Gros con ! Quand on te frappe dehors, tu frappes la personne aussi, sinon tu restes dehors pour pleurer et tu ne rentres à la maison qu’après avoir séché tes larmes ». Une grande leçon de vie !
Lecteur plein d’amalgames et de clichés, le Kotocoli n’est guère violent : il est juste fier et n’aime pas l’inégalité. Tu le frappes, il te frappe. Tu le poignardes, il te poignarde. Tu es plus fort que lui, il se battra jusqu’à faire pitié à ses paires qui se trouveront dans l’impérieuse obligation de lui prêter main-forte. Gars, tu cherches querelle au Kotocoli pourquoi ? Cette histoire de joue tendue proposée par l’autre natif de Nazareth ne passe pas à Tchaoudjo. La vie chez nous, c’est pas la jungle où un plus fort se balade en giflant autrui. Voilà. Nous ne sommes pas violents ; nous sommes un peuple épris de paix, de justice, de tolérance, d’amour réciproque.
Pour l’autre histoire de mes deux et/ou trois ans, sachez que je suis retourné dehors me battre avec Wahabou (le môme qui m’avait fait pleurer), jusqu’à le blesser. La nuit après la prière de 19 heures, ses parents sont venus se plaindre, et mon père leur a offert du sparadrap et du mercurochrome en me félicitant vivement. Depuis, ma vie a changé.
Donc, vous qui faites votre malin sur Facebook, sur Twitter, et vous manquez de respect aux gens, vous autres à qui on écrit sur Whatsapp vous prenez des jours pour répondre brièvement comme si le soleil se levait dans votre chambre, continuez seulement.
Cliché 2 : le Kotocoli aime les substances excitantes
A Sokodé, entre deux prières, les hommes se retrouvent autour d’un arbre, en récitant le chapelet, mâchouillant tendrement une tranche de noix de cola, et sniffant de la poudre à tabac. [Carpe that fucking Diem]. Cela n’a absolument rien d’illicite ou d’excitant, cher lecteur. Partout au Togo les gens sniffent de la poudre et mâchent de la cola. Pourquoi pensez-vous que seuls les Kotokoli en prennent ?
Idem pour nos frères conducteurs de taxis-bagages (on y reviendra). C’est un vrai régal de sortir un coude par la portière, en coinçant entre les grosses lèvres une cigarette bon marché et cracher de la fumée par les narines. Dès que vous tombez sur quelqu’un comme ça en circulation, de grâce, pensez aussi au Tchokossi, au Watchi, au Bassar, et foutez-nous la paix.
Cliché 1 : Il y a une histoire d’amour entre le Kotocoli et les moteurs à propulsion
Pour vous, tout ce qui permet de se mouvoir d’un point A à un point B n’a pas de secret pour le Kotocoli. Pour vous, tous les Kotocoli sont conducteurs de taxis-urbains ou de taxis-brousse. Pour vous, le premier diplôme du Kotocoli, est son permis de conduire. Pour vous, l’acteur préféré de tout Kotocoli est Jason Statham.
Alors que je me plaignais des dysfonctionnements de ma faculté, à une certaine époque, un copain a eu le courage de me dire « toi au moins, tu as une alternative. Tu es Kotocoli, si la fac ne marche pas, tu trouveras au moins un 15 places à conduire ». Je l’ai traité comme Wahabou.
Une autre fois, c’est un camarade qui sort une fable selon laquelle, il était dans un taxi conduit par un Kotocoli lorsqu’un bombardier Asky décolle. Le chauffeur aurait regardé le petit avion de longues secondes, pour dire enfin « ce pilote est nouveau, il a peur. Il n’embraye pas correctement le moteur et ne tire pas assez sur le manche ». Juste pour me dire qu’aucun appareil, ABSOLUMENT aucun, n’a de secret pour nous.
Faites des avions où les pilotes peuvent sortir les bras du hublot, fumer une cigarette, mâcher la cola… vous aurez des #Kotocoli pilotes
— Salomon CAYAMAGA (@AphtalC) 28 juin 2015
Chers lecteurs, je sais que vous en avez encore plein d’histoires à dormir debout, que vous nous attribuez à tort. Chacun y va de son commentaire salace pour nous faire passer pour des gens de mauvaise vie et de mauvais goût. Mais nous, nous restons dignes et fiers. Nous porterons nos boubous jaunes à la Tabaski, nous mâcherons de la cola, tant qu’il y en aura, nous fumerons de la cigarette, nous conduirons les Mazda et les Toyota comme jamais vous n’aurez le courage de le faire, car, tant que le Kotocoli existera, tant qu’il y aura un engin capable de rouler, nous relierons les peuples !
Je vous préviens, je ne tolèrerai pas de commentaires moqueurs sous mon article. Aucune moquerie ne restera impunie. Même s’il faut en venir aux mains. Enfin, je rigole ; je suis pacifique.
Eyi zandé.
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