Ce machisme qui vous sied…
Paix sur vous, amateurs et visiteurs du bruit du silence. Toujours un plaisir de vous savoir de plus en plus nombreux, mais aussi de plus en plus acerbes en critiques. Cela nous permet aussi de répondre à vos attentes, quoiqu’ici, vous ne soyez pas vraiment rois :
Il est de plus en plus reproché à la gent masculine, d’être de moins en moins aux petits soins de la gent féminine, au sein du couple. Les hommes, surtout nous autres nègres (oui oui, ayons le courage de l’admettre), sont réputés êtres d’irréductibles machos, même si des efforts sont fournis de la part de ces derniers, et même si les femmes elles-mêmes clament et réclament l’égalité des sexes, au travers d’une émancipation à la nature douteuse. Mais passons.
Vendredi 7 novembre 2013. J’étais coincé entre des étudiants désabusés et des revendeuses de poisson du grand marché, dans un bus de la Sotral. Ligne Adidogomé – Assiyéyé. Il faisait chaud, le bus était surchargé comme d’habitude. J’étais presque dans la même situation qu’il y a deux ans. Nous étions tous silencieux dans le bus, – hormis les vieilles mégères qui s’échangeaient les anecdotes du grand marché – chacun essayant de s’occuper comme il pouvait, lorsque certaines dames se mirent à rire. Je n’y avais point accordé dividende,sauf que lerire devint contagieux. Nous étions invités à regarder sur le côté, l’objet de la bonne humeur, ou plutôt de la raillerie. N’étant guère le plus malheureux des Togolais, je fis de même, histoire de rire aussi, si jamais il s’agissait de scène cocasse.
Voici le tableau.
Ce qui faisait rire les passagers du bus ? Un jeune homme, la quarantaine tout au plus, avec au bout des bras une poussette, et à ses côtés, une femme, visiblement sa femme ; une femme blanche.
Ambiance dans le bus.
Les quelques commentaires que j’ai pu capter sont les suivants :
– Garçon esclave ; quand c’est blanche là, ils sont soumis. Chuan
– C’est triste. Faire l’esclave au blanc chez lui, et revenir encore faire l’esclave ici…
– Moi mon fils va faire ça pour une femme ? C’est que ce n’est pas mon fils.
– Certaines femmes sont trop paresseuses. Si elle pousse le bébé elle-même, ça va lui faire quoi ?
Je me suis mis à secouer la tête, puis à rire intérieurement, me consolant en disant que ce sont des commentaires de « nos mamans old-school ». J’ai gardé ma zen-attitude jusqu’au moment où même les jeunes étudiants et étudiantes se sont mis à la raillerie collective. A ce point, j’étais juste désabusé. Et cela m’a rappelé un vécu que je partage avec vous avant tout commentaire.
Le mois dernier, j’ai accompagné ma fiancée à la clinique, pour sa consultation prénatale. Mon programme me le permettait, et puis j’ai tout simplement eu envie de la conduire moi-même à l’hôpital. Elles étaient une vingtaine dans la salle d’attente, à notre arrivée. Sachant qu’elle ne sera pas reçue avant une demi-heure, je m’installe au fond de la salle, en manipulant mon téléphone, et en sifflotant un air gai. Je n’ai pas réalisé que j’étais le seul homme dans la salle; pas avant que l’une des sages-femmes ne me demande :
– Oui, monsieur, vous êtes là pour ?
– Je suis avec madame ; elle est déjà dans la file.
C’est à ce moment que certaines femmes se sont mises à me regarder, les unes avec un air de dégoût, les autres avec un air de compassion. Quand elles ont ôté leurs yeux de moi, elles les ont braqués sur ma fiancée, et à la matraquer de phrases débiles :
– Vous les filles d’aujourd’hui vous aimez trop fatiguer vos conjoints. Petite consultation là aussi tu viens avec lui pourquoi ? Tu as peur de qui ici ?
– C’est pour toi qui es bon oh. Tu as mari jusqu’à il vient t’attendre pour ta consultation.
– Le jour de l’accouchement, tu crois qu’il va entrer avec toi dans la salle ?
– Vous aussi apprenez à vous passer un peu de vos maris. Ils ne seront pas derrière vous tout le temps. Les filles d’aujourd’hui
Bref… Je me suis gardé d’oser une quelconque réplique; j’étais en territoire hostile, du coup…
Retour dans le Bus
J’ai pour une fois décidé de me mêler à la conversation publique, mais en prenant soin de ne m’adresser qu’aux jeunes étudiants, et non aux vieilles revendeuses du marché.
– Tchalé, quel est le risque que tu cours en poussant ton propre bébé, en compagnie de ta femme ? », demandai-je à un zélé qui pensait affirmer sa masculinité en sortant des phrases de macho.
Il s’est mis à jaser, à faire un argumentaire indigne de quelqu’un qui faisait des études supérieures. (Oui oui, lorsqu’on est étudiant à l’université, il est impératif d’être capable de raisonnement). Je me suis tourné vers une autre fille :
– Toi tu n’as pas envie d’avoir un homme capable de te délester, en public ?
– Oui, mais…
– Mais quoi ?
J’ai mis fin à la discussion, j’ai remis mes écouteurs pour me plonger dans…
…Mes réflexions.
La galanterie sera un mot creux tant que les premiers à en bénéficier ne s’en soucient guère, ou à la limite en ont honte. Comment expliquer qu’une femme se moque d’une autre femme qui se fait accompagner par son mari, à l’hôpital ? Il y a quelle honte à cela ? Comment voulez-vous que l’on prenne soin de vos filles, si vous n’avez pas appris à vos fils à faire pareil pour les filles d’autrui ? Vous autres, vos fils ne sont pas » moutons » pour faire plaisir à une fille; qui donc est le cabri pour prendre soin de vos filles?
Ce n’est pas tant la galanterie qui pose problème aux hommes, par ici. Ce sont vos regards et les jugements qu’on y voit à travers; tenir le sac à main d’une dame ne coûte absolument rien à un homme, mais la dame elle-même qui préfère tenir son sac; je connais des hommes qui se proposent d’accompagner leurs conjointes au salon de coiffure, mais ce sont ces dernières elles-mêmes qui refusent… Et après vous oser taxer de machisme?
Finalement, je vais commencer par comprendre et excuser ces messieurs qui sortent des supermarchés avec une canette de bière à la main, discutant avec leurs épouses ayant les bras chargés de courses.
Je comprendrais ces messieurs qui roulent en sécurité dans une voiture, en laissant leurs épouses conduire une moto. Je comprendrais ces « gentlemen » qui n’ont jamais pensé que tenir la porte à une dame peut faire plaisir à cette dernière. Et je ne jugerai jamais ces messieurs qui ont juré ne jamais faire la cuisine, ne serait-ce qu’une fois en passant pour faire plaisir à madame.
Que voulez-vous ? Vous vous en foutez, d’ailleurs ! Et si vos sœurs et vos mères doivent encore me traiter de femmelette, ou d’ « homme diminué », non merci.
J’ai dit.
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