Lettre ouverte à Gerry Taama, Président du N.E.T.

Cet article, prenez-le comme une sorte de lettre ouverte à Monsieur Gerry Taama, blogueur togolais, écrivain, et homme politique. J’ai fait un lien vers sa biographie complète, mais pour faire simple, Mr Gerry est le Président du parti Politique « Nouvel Engagement Togolais » (N.E.T). Cet article intervient à la suite d’une interview donnée par l’homme, à mes aînés d’Africardv, interview dans laquelle le Monsieur demandait à ce que soit mis fin au vote ethnique ; je vous rappelle que Mr Gerry est candidat aux législatives prochaines et tête de liste dans la circonscription du Grand Lomé.
Monsieur le Président, (du N.E.T. hein), j’ai lu avec attention et amusement votre interview publiée sur Africardv. De celle-ci, se dégage comme idée force, « il est temps que les togolais comprennent que le vote ethnique est aujourd’hui désuet, avec le brassage culturel ». Ceci, justement pour justifier votre candidature dans la circonscription du Grand Lomé, tout le monde vous connaissant comme originaire du Nord Togo (Siou, plus précisément). De prime abord, qu’il me soit permis d’avouer mon admiration pour votre façon de faire la politique. Le N.E.T fait partie de cette poignée de partis politique togolais qui font de la politique d’une façon un peu plus intellectuelle, un peu plus réfléchie, et assez innovante. Ceci dit, permettez-moi également de rebondir sur certaines de vos déclarations, qui m’offusquent, et qui, disons le, me laissent plus ou moins perplexe.
Les élections législatives, sont l’occasion par excellence pour le peuple souverain, d’investir du pouvoir législatif, ses dignes filles et fils. Même si la fonction principale d’un député est de légiférer, on ne saurait y réduire toute sa mission, qui est également celle d’écouter sa base, son électorat, d’abord, et le peuple dans son entièreté, ensuite. Le mandat législatif au Togo étant un mandat national (et donc non impératif, confer Article 52 de la Constitution Togolaise), le député, est quand même le représentant d’une localité, avant d’être le représentant du peuple. Ceci dit, vous convenez avec moi, que le vote est fortement empreint d’une marque de confiance ! Si votre ethnie ne vous fait pas confiance, qui d’autre le fera, Monsieur le Président ?
Lorsque moi je parle d’ethnie, je désigne cet ensemble d’individus, ayant en partage la même langue, les mêmes coutumes et traditions, les mêmes problèmes, les mêmes divinités et le même angle de vue. Oui, il y a brassage culturel, mais c’est également notre culture qui nous dit « qu’un morceau de bois a beau séjourner dans l’eau, il ne deviendra jamais caïman ».
A bien vous suivre, au nom de votre brassage culturel, un Ouatchi peut être député à Sokodé, un Kotocoli peut-être député à Vogan, un Losso peut être élu à Kpalimé, un Kabyè député pour Afagnan, un Konkomba pourra se présenter à Badou. Rien, absolument rien n’interdit cela ; d’ailleurs, cela est bien beau à priori, mais à mon avis, c’est du désordre politique. Désordre, parce que j’imagine mal un Ouatchi, battre campagne à Sokodé. Que dira-t-il ? Dans quelle langue le dira t-il ? Ira-t-il prier à la mosquée avec ses électeurs, après les meetings ? Fera t-il le Ramadan avec les Kotocoli, durant le mois saint ? Qu’a-t-il en commun avec cette paisible mais prudente population de Sokodé ? C’est dans cette logique que je m’inscris, moi.
Oui je sais qu’en vertu du mandat national, en vertu de notre vœu de faire de ce pays une nation forte, une et indivisible, il serait souhaitable qu’un candidat puisse se présenter partout où il le désire, partout où il sent pouvoir faire un excellent score. Mais en réalité, le Togo est une jeune nation, une trop faible démocratie, où méfiance et suspicion règnent. Commençons par faire confiance aux gens de notre famille, de notre village, de notre ethnie, avant de jouer la carte du brassage culturel, et du mandat national. Je vous convie à lire ces articles de Cyriaque Gbogou et de Nelson Simo, sur la trahison des nôtres.
Une autre de vos déclarations qui me dérange, moi Aphtal, est celle-ci : « (…) Je vis à Lomé, je travaille à Lomé, il n’y a pas de raison pour que je me présente ailleurs (..) ». Si je me permets une interprétation à contrario, je peux vous faire dire ceci : « Je ne vis pas à Siou, je ne travaille pas à Siou, il n’y a pas de raison que je m’y présente ». Est-ce à dire que vous ne vous rendez jamais (ou pas assez) dans votre village natal, Siou ? Que vous n’y êtes pas assez connu ? Que vous n’y êtes impliqué en rien ? Que vous n’y avez faites aucune réalisation ?
Dans le cas de l’affirmative, vous convenez avec moi, dans un Togo où tous les intellectuels et hommes politiques ne s’arrêtent qu’à la capitale, que c’est vraiment dommage, et d’ailleurs blâmable ! Vous reconnaissez que les gouvernés sont assez déconnectés de leurs gouvernants, et que les réalités ne sont pas les mêmes en ville qu’à la campagne. Si jamais vous devenez député (je vous le souhaite d’ailleurs), resterez-vous uniquement à Lomé, puisque c’est votre circonscription et où vous vivez et travaillez, au détriment de Siou dont vous êtes natif, et dont les vieux sont fiers et attendent beaucoup de vous ?
Vous avez décidé de participer à cette mascarade électorale, alors je ne reviendrai plus sur ma déception provoquée par la participation de l’opposition togolaise à ce vote. Oui je vous le dis, j’ai vraiment été déçu. Mais on s’en fout, vous avez déjà fait acte de candidature. Soit !
Mais mon problème se situe juste au niveau de votre appel à ne pas faire un vote ethnique. Je sais que tout ce que je dis ici, ne changera absolument rien, mais à compétences égales, je préfère donner ma voix à un Kotocoli qu’à un Kabyè ou à un Ewé. Et vous savez pourquoi. Au cas où aucun candidat de chez moi (Sokodé) ne fait le poids, et UNIQUEMENT dans ce cas, je consentirai à donner ma voix à un candidat togolais d’une autre région, et ce, dans l’intérêt supérieur de la nation. Dans le cas contraire, je m’abstiendrai de tout vote, car je préfère avoir un hémicycle vide, qu’un hémicycle mal occupé (Un Kabyè cultivateur, ne fera pas mieux qu’un Kotocoli routier, au Parlement).
Je vous, sais Monsieur Gerry, intelligent, éloquent, et compréhensif. Cet article ne vaut que ce qu’il vaut ; ce n’est que le point de vue, d’un jeune togolais longtemps déçu par ses hommes politiques, et indécis quant à son engagement politique à venir.
Qu’il vous plaise de lire en ces lignes, Monsieur le Président du N.E.T, l’expression de moult interrogations, couchées dans le respect dû à votre rang.
Nous aspirons tous à un Togo meilleur. Mais certains agissements politiques actuels n’augurent rien de bon. Ce n’est pas parce que nous ne disons rien que nous n’avons rien à dire. Vous au moins savez nous lire, et écrire ; voilà pourquoi je m’adresse à vous.
Que l’Eternel bénisse le Togo.
J’ai dit !
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