Ce discours qui manque à l’opposition togolaise…

C’est désormais un rituel. A chaque sortie politique sur ce blog, je prends la peine de préciser ce que je ne suis pas. Une fois de plus, je me soumets au rituel en vous informant d’entrée de jeu, que je ne suis pas spécialiste en Communication Politique. D’ailleurs ce cours n’était pas au programme, quand j’étais à la fac (oui les bêtises de notre enseignement supérieur).
Cependant, je me suis amusé à prêter oreille attentive à tout ce qui s’est dit, et se dit sur nos médias par nos hommes politiques. Honnêtement je m’en foutais, mais les dernières élections législatives m’ont permis de mieux cerner les arcanes du jeu politique. Et ce qui a, en toute honnêteté intellectuelle, fait la différence entre les vainqueurs et les perdants, c’est bel et bien la Communication. Je ne vais pas reprendre ici la définition du mot « communication » que me donne mon vieux dictionnaire.
Je le répète, je ne suis pas spécialiste en communication politique, mais le jeune indécis que je suis a la ferme conviction que l’opposition togolaise communique mal ; très mal ; trop mal. Depuis les dernières échéances électorales, les interrogations qui me reviennent, après avoir ressassé les discours politiques sont : quel est le message ? Comment est-il véhiculé ? À qui s’adresse-t-il ?
Quel est le message ?
Je suis dans la regrettable incapacité de vous dire exactement ce que disent concrètement les prétendants à une investiture populaire. Mais en ce qui me concerne personnellement, ces discours ne comportent absolument rien de rassurant, de convaincant, et d’apaisant. Voilà une classe politique qui ne cesse de jouer subrepticement la carte de la fibre ethnique. Nous avons passé le clair de notre temps à « bipolariser » la vie politique, à penser que tel parti politique ne regroupait que des ressortissants de telle région du pays. Les choses ont évolué, les lignes ont quelque peu bougé c’est vrai ; mais malheureusement, il faut écouter nos hommes politiques pour se rendre compte que les vieilles habitudes ont la peau dure.
Voilà des hommes politiques qui n’ont pas arrêté de diaboliser le parti au pouvoir, en faisant une personnification de tous les maux de la République, en la personne du Chef de l’état. Voilà des hommes politiques, qui passent leur temps à fustiger les agents de la fonction publique, en les traitants de « gens médiocres, ne méritant pas leur postes, et de personnes à dégager… » ; voilà des hommes politiques qui passent leur temps à pester avec véhémence contre les opérateurs économiques, contre les entrepreneurs, contre les chancelleries occidentales, contre la communauté internationale… Voilà des hommes politiques qui, sans programme politique, sans chiffres, sans aucun renseignement, sont en plus incapables de tacler intellectuellement le bilan du parti au pouvoir. C’est facile de hurler « ils pillent le pays, ils construisent les villas, ils appauvrissent le peuple » ! Un homme politique sérieux ne tient pas ce discours de bas étage. Il le prouve à travers des analyses et des démonstrations convaincantes.
Alors, dites-moi : quel est cet ambassadeur ou consul qui prendra part à la croix d’un opposant politique, lorsque celui-ci le traite de tous les noms d’oiseaux ? Quel est ce cadre de banque, cet employé à la CNSS, ou ce jeune douanier, capable de voter pour un candidat qui doute de ses compétences, qui le soupçonne d’avoir eu le poste par népotisme, et qui le menace de l’ôter une fois aux affaires ? Je ne sais pas pour vous hein, mais Dieu m’est témoin : j’ai beau être épris de changement et d’alternance, je ne voterai jamais pour de tels individus ; et bien hypocrite qui m’en voudra !
Dites-moi aussi, ce qui pourra me pousser, moi avocat à la cour, moi jeune magistrat, moi jeune analyste de crédit dans une banque, moi chef d’entreprise, moi Directeur de société, moi professeur d’économie à la fac… dites-moi ce qui pourra me pousser à voter pour un candidat ou parti politique, incapable de me donner un aperçu sur les recettes de l’état, sur les ressources, et sur leurs emplois ? Pourquoi voter pour un homme qui ne parle jamais d’augmentation de salaire ou du pouvoir d’achats, d’attirer les investisseurs, de moderniser l’administration, de favoriser la croissance ?
Je sais, certains d’entre vous me diront « ce n’est pas facile d’avoir accès à ces chiffres, l’état empêche de savoir ce qui se passe… » ! Chers amis, quand grandirons-nous ? Il va falloir mettre la barre un peu plus haute et exiger beaucoup plus de professionnalisme de nos hommes politiques.
Bref, en ce qui me concerne, je trouve tous ces discours, creux et légers, incapables de séduire une tête pensante. Mais il n’y a pas que le fond qui cause problème.
Comment est-il véhiculé ?
Je ne suis pas dans le secret des partis politiques, j’ignore le travail de communication qu’ils font, je n’ai aucune idée sur leur travail de fond ; cependant je vais m’appesantir sur les différents slogans politiques, et sur les différents supports utilisés.
Internet ? Oui, lors des dernières législatives, nous avons assistés à une ruée vers les réseaux sociaux. Si certains partis politiques y étaient présents, et savaient plus ou moins les utiliser, c’était le baptême de feu pour plein d’autres. Là encore, il y a du travail à faire. Certains partis avaient des blogs, certains candidats avaient une page ou un groupe Facebook, d’autre disposaient de compte Twitter (ils ont été rare sur ce dernier site). Mais quoique bancale, la campagne sur internet n’est pas si importante, eu égard au taux de pénétration d’Internet au Togo.
Les moyens les plus usités par les partis politiques sont les panneaux publicitaires, les affiches et tracts. La grande catastrophe. Personnellement j’aurais mieux apprécié (aux dernières législatives) des images publicitaires plus parlantes, plus symboliques, plus intelligentes. Au lieu de cela, le sempiternel portrait des candidats, torse bombé, sourire figé et regard hagard, dans un costard hilarant. Je sais, certains d’entre vous me diront, il faut que les candidats se fassent connaître. Ok, je vous l’accorde. Mais la puissance des images, vous en faites quoi ? Vous pensez innover quand ?
En ce qui concerne les slogans politiques, ils sont d’un ridicule étonnant ! (je sais j’exagère, mais bon quoi…). N’en déplaise aux lecteurs chastes, les slogans politiques sont d’un bordel pas possible ; et cela traduit aisément le désespoir, non pas de la population, mais des acteurs politiques eux-mêmes. Sinon, comment écrire sur une affiche politique « 50 ans c’est trop, 10 ans ça suffit… » ? Comment demander aux électeurs de voter par dépit, en disant « Vous ne savez plus pour qui voter, un autre choix est possible » ? Je ne sais pas pour vous, mais moi ce sont des slogans qui non seulement ne me parlent pas, mais en plus m’offusquent au plus haut point. De qui se moque-t-on ? Oui, ces messages ne s’adressent pas à moi. Mais alors…
…A qui s’adressent-t-ils ?
En tout cas pas à moi, ni à mes promotionnaires ; pas à ces milliers d’étudiants, pas à ces opérateurs économiques, pas à ces bailleurs de fonds, pas à ces investisseurs, pas à cette jeune élite, pas à ces jeunes cadres, pas à cette couche moyenne, pas à cette « majorité silencieuse ».
Oh, il est bien de brasser une foule hétéroclite à la plage, et de leur parler en langue locale (affinité ethnique, linguistique ??), il est bien d’organiser des marches pour protester ce qu’on veut, il n’est pas mauvais de gueuler sur les radios ou sur les réseaux sociaux. Mais cela est-il suffisant ?
Dans un avenir très proche, le Togo ira encore aux urnes, pour les élections locales, s’il plaît à Dieu (rien n’est jamais sûr ici, en fait alors…), puis dans deux années, pour les élections présidentielles. Qu’avez-vous à dire à l’électorat ? Que direz-vous ? Comment le direz-vous ? J’avais repris sur ce blog un excellent article d’un aîné, titré « de l’imbécillité de l’opposition togolaise ». Mais aujourd’hui, je préfère ne pas faire usage de l’adjectif imbécile. Je vais une fois de plus être dubitatif, ouvert et attentif, afin de me laisser séduire par qui le pourra. Sinon, une fois de plus, je ne voterai pas. (Les voix, en tout cas la mienne, cela se mérite).
Le combat politique est une harassante tâche qui ne tolère pas la passivité, le Silence ou la mauvaise communication. L’électorat est une jeune vierge à l’hymen tellement convoité que seuls les beaux et vrais parleurs arrivent à l’avoir. Dans ce charmant et sensuel jeu de séduction, il ne suffit pas de crier, ni de faire le dépité. Il faut se donner du temps pour convaincre la vierge, et la posséder. En ce qui concerne la vierge togolaise apparemment elle possède un hymen en airain.
J’ai dit !
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